LES 12 FILMS DE 2016 QU’ON A VUS ET QUI VONT FAIRE L’ANNEE… jusqu’en juin

Et si vous preniez d’ores et déjà rendez-vous avec les films incontournables des mois à venir ? Au terme d’une année de festivals 2015, Accréds a vu et aimé des œuvres dont les sorties en France sont programmées en 2016. Nous en avons retenu douze. Douze créations qui, à nos yeux, méritent toute votre attention. Vous ne saviez pas quoi faire le 13 janvier, le 24 février ou le 4 mai ? Maintenant, vous savez.

 

13 JANVIER : CAROL de Todd Haynes

Rooney Mara et Cate Blanchett dans CAROLL’un de nos rédacteurs les moins raisonnables à reçu Carol à Cannes comme s’il s’agissait d’un nouveau Toy Story. La rencontre entre l’héroïne et sa future maîtresse au rayon jouets d’un grand magasin, la jeune femme derrière sa vitrine comme une poupée exposée, l’affranchissement progressif de celle-ci, de son statut de poupées destinée à une femme adulte à celle de femme adulte, etc. : tout cela a suffit à exciter nos esprits. Si l’on n’est pas obligé de voir dans le nouveau Todd Haynes – pourtant amateur de poupées – une variation sur des thèmes chers à Pixar, on peut reconnaître une nouvelle fois sa capacité à faire du neuf avec du vieux qui ne l’est pas, en l’occurrence les mélodrames de Sirk, en avance sur leurs années 1950 par bien des aspects. Le fait de savoir si Haynes fait du Sirk ou s’il se positionne en réaction à lui nous importe peu, puisqu’on considère qu’il fait du John Lassiter. Ce qui compte, c’est cette élégance apportée à tous les aspects graphiques et sonores, dont la finesse préserve du cliché les yeux embués de Rooney Mara derrière une vitre de voiture.

 

13 JANVIER : LE GARÇON ET LA BÊTE de Mamoru Hosoda

Hayao Miyazaki et Isao Takahata ne nous régaleront (peut-être) plus jamais de merveilleux films, mais la relève au sein de l’animation japonaise est plus qu’assurée par Mamoru Hosoda. Après La traversée du temps, Summer wars et Les enfants loups, celui-ci nous gratifie une fois de plus d’un long-métrage rayonnant et subjuguant – du cinéma populaire sous sa forme la plus noble, idéalement équilibrée. La dynamique comique entre le garçon (un humain orphelin) et la bête (un ours mal léché du monde des monstres qui le prend sous son aile) est parfaite, et l’approfondissement de ces personnages ouvre la voie à un regard juste et émouvant sur la filiation. Hosoda fait preuve d’une folle générosité narrative et offre grâce à sa mise en scène un spectacle visuellement étincelant et intense dramatiquement. Tout cela fait du Garçon et la bête un des premiers grands plaisirs de 2016.

 

13 JANVIER : GAZ DE FRANCE de Benoît Forgeard

Philippe Katerine dans GAZ DE FRANCE de Benoît ForgeardLa sophistication de la distribution de Gaz de France avait quelque chose de suspect. Benoît Forgeard à la réalisation, Philippe Katerine au casting, Bertrand Burgalat à la musique : on craignait que même le plus dandy des dandies ne soit pas suffisamment dandy pour ce film. Oui, l’humour de Gaz de France est pointu, à sa manière, et oui, l’artificialité de ses décors donne une touche ORTF des années 2000 parfois déroutante, mais oui, tout cela est au service d’une farce dont l’étrange logique est tenue jusqu’à l’ultime plan, une dernière image sortie d’un cerveau forcément promis à produire d’autres choses brillantes à l’avenir.

 

3 FEVRIER : ANOMALISA de Charlie Kaufman

ANOMALISA de Charlie Kaufman et Duke JohnsonAnomalisa, c’était le film du crash définitif ou celui du renouveau. Ex-scénariste ultra-tendance, Charlie Kaufman n’avait pas soulevé l’enthousiasme des foules avec son premier long-métrage en tant que réalisateur, Synecdoche, New-York. Pour son premier long-métrage d’animation, élaboré suite à un projet initié avec le compositeur Carter Burwell, Kaufman a fait fort, justement parce qu’il délaie son concept (tous les personnages ont la même voix pour le protagoniste, et c’est quand il entend une voix différente qu’il tombe amoureux de celle-ci), plutôt que d’empiler dessus des péripéties comme il avait tendance à le faire. Il y a l’exploit technique, évidemment, de ceux qui font totalement oublier que l’on a devant les yeux rien d’autres que des objets sculptés. Il y a une manière, belle et simple, de faire de cette forme un fond (après les marionnettes de Dans la peau de John Malkovich, voilà une autre manière de rechercher qui tire les ficelles derrière chaque être humain). Il y a surtout un spleen à la diffusion lente mais non toxique, qui suscite la sympathie plutôt que le rejet, ce qui, pour un huis-clos autour d’un VRP trainant sa peine dans un hôtel n’avait rien d’évident.

 

3 FÉVRIER : LA TERRE ET L’OMBRE de Cesar Acevedo

Caméra d’or du dernier Festival de Cannes, le film du colombien Cesar Acevedo marque assurément – et légitimement – les esprits par la puissance et l’éclat de son travail plastique. Aux antipodes de la caméra à l’épaule à laquelle se cantonnent tant de drames sociaux, Acevedo cisèle ses plans comme autant de tableaux et magnifie ainsi les décors, les actes, les interactions entre les individus. On s’attache d’autant plus aux héros de La Terre et l’ombre, couvrant trois générations d’une famille de travailleurs exploités dans une plantation de canne à sucre. Et on en oublie presque les limites affichées par ce premier long-métrage, lorsqu’il se retrouve face à des enjeux plus importants (la révolte des ouvriers, l’agonie d’un personnage) – plutôt que de se hisser à leur hauteur il élude la difficulté. La Terre et l’ombre n’en reste pas moins prometteur, et contient les raisons d’espérer qu’Acevedo fasse encore mieux par la suite.

 

10 FEVRIER : LE TRESOR de Corneliu Porumboiu

LE TRESOR de Corneliu PorumboiuAprès 12h08 à l’est de Bucarest (2006), un premier long-métrage au succès surprise, étendard de la nouvelle vague du cinéma roumain, les films suivants de Corneliu Porumboiu ont continué de miser sur le ludisme de leurs situations, mais toujours au détriment du spectaculaire. Ceci n’ayant pas rendu Policier, adjectif, Métabolisme et Match retour moins brillants, seulement moins fédérateurs. Ce retour sur sa carrière pour expliquer qu’il était inimaginable au printemps dernier que le feel good movie du Festival de Cannes 2015 soit son nouveau film, Le Trésor. Vous devinez la suite : « Et pourtant… ». Et pourtant, Le Trésor file la pêche, la banane, toute la corbeille de fruits, avec son histoire de chercheurs de trésors prêts à bêcher tout le pays pour changer de vie. Un peu comme La Part des anges de Ken Loach en 2012, ce fut le film cannois malin et émouvant, qui fait un bien fou entre deux histoires de tortures mexicaines. Le Trésor n’aspire pas à la seule légèreté pour autant, puisant dans les affres du passé national pour légitimer un désir d’absolu de ses personnages digne d’un pari pascalien.

 
 

24 FÉVRIER : NAHID de Ida Panahandeh

Portrait de femme (celle à qui il emprunte son nom) réalisé par une femme (Ida Panahandeh), Nahid se place dans le haut du panier des films en provenance d’Iran. Le destin de son héroïne a de quoi nous toucher au-delà du seul cadre du témoignage en provenance d’un pays où il ne fait pas bon vivre : ce à quoi Nahid aspire (l’émancipation personnelle) et la réponse que lui oppose la société (un refus violent et inexorable) trouvent un écho quels que soient le lieu où l’on vit et l’existence que l’on y mène. Avec acuité et lucidité, Panahandeh décrit l’Iran comme un corps social étouffé par les interdits et les règlements, au sein duquel le désir de liberté, d’autonomie, de vie privée, devient un délit. Tout le monde est prisonnier de ces règles, et tout le monde surveille leur bonne application par les autres. Ce que Nahid expose comme une part du quotidien en Iran ne demande qu’à le devenir ailleurs, si l’on n’y prend pas garde.

 
 

9 MARS : PURSUIT OF LONELINESS de Laurence Thrush

De Laurence Thrush, on avait pu découvrir en salles en 2015 le premier long-métrage De l’autre côté de la porte, sept ans après sa réalisation. Pursuit of Loneliness aura mis – un peu – moins longtemps à parvenir jusqu’à nous (quatre ans), et il est tout aussi délicat et sensible. Après le décès dans l’indifférence quasi générale d’une femme sur son lit d’hôpital, la caméra de Thrush suit fidèlement la chaîne des anonymes (une infirmière, une assistante sociale, une employée municipale…) qui, dans le cadre de leur travail, tentent de garder à la défunte une place dans la société en faisant subsister un récit l’impliquant, dès lors que ses proches se sont défaussés de cette responsabilité. Le geste du réalisateur a une grande valeur éthique : parce que le cinéma a les moyens et donc le devoir de reconstituer des récits émiettés, Thrush se joint à la tâche de ses personnages. Et sa mise en scène, discrète et lumineuse, devient le superbe prolongement de ce principe qu’il défend.

 

23 MARS : KAILI BLUES de Bi Gan

KAILI BLUES de Bi GanPremier film sidérant réalisé par un jeune chinois de 26 ans, Kaili Blues a reçu le « Prix du meilleur réalisateur émergent » au sein de la compétition Cinéastes du présent du Festival de Locarno 2015. Ce qui donne envie de jeter un oeil à Thithi, le drame indien qui lui est reparti avec le Léopard d’or de cette section. Kaili Blues se situe à la croisée de Goodbye South, Goodbye de Hou Hsiao-Hsien (des motards en plan-séquences sur des routes embrumées) et de Nos années sauvages de Wong Kar-wai (fausse indolence, souffrances larvées, méditation sur le temps). La parenté HHH & WKW est bonne à prendre, mais n’indique aucunement que Bi Gan n’est bon qu’à se laisser infuser. Telles les ventouses appliquées sur le dos de son héros par sa collègue médecin, il s’agirait plutôt de succions éparses et puissantes… mais le corps de Kaili Blues appartient bien à Bi Gan et à lui seul.  Si l’émotion à fleur de peau rend sa découverte inoubliable, le film recèle de nombreux mystères que des visions répétées permettront sûrement d’épuiser un jour. Aucune hâte que ce jour n’arrive, Kaili Blues est de ces films que l’on n’aimerait ne jamais quitter.

 

30 MARS : SUNSET SONG de Terence Davies

Agyness Deyn dans SUNSET SONG de Terence DaviesAlors que son film suivant, A quiet passion consacré à la poétesse Emily Dickinson, va être présenté hors compétition au festival de Berlin, la magnifique Sunset song de Terence Davies aura enfin droit à une sortie française quelques semaines plus tard. Relatant le passage à l’âge adulte de son héroïne, placée sous la double menace des conventions rigides de sa communauté et de la tourmente causée par la Première Guerre Mondiale, Sunset song voit Davies transcender le roman de Lewis Grassic Gibbon qu’il adapte, et à travers lui tout le genre classique du mélodrame romantique en costumes, pour le hisser vers des beautés et des vérités bouleversantes. Le cinéaste fait de son film le frère écossais de l’américain Tree of life, d’un autre Terrence, investi par la même conviction que la grâce est contenue dans la nature, au-delà des hommes et à travers le passage des saisons et des âges. Révélant l’essence de chaque chose, mettant à nu les sentiments et les sensations, la mise en scène sublime et déchirante de Davies nous emporte dans sa quête : parvenir à capter un peu de la beauté du monde, seule à même de nous élever au-delà de ce qu’il faut endurer, et d’atteindre ce souffle qui donne à la vie son âme, son sens. Qui fait croire en la possibilité d’une vie meilleure, plus pure et plus juste, comme celle à laquelle aspire son personnage féminin à la fois proche de nous et sublimé.

 

4 MAI : DESDE ALLA de Lorenzo Vigas

DESDE ALLA de Lorenzo VigasCe fut la meilleure nouvelle de la Mostra 2015. L’un des meilleurs films d’une compétition à la faiblesse inédite, c’est déjà ça, mais surtout l’un des meilleurs choix possibles pour le Lion d’Or – qu’il remporta donc – avec d’autres challengers comme Anomalisa et Frenzy/Abluka. En récompensant Desde Alla, le jury présidé par le mexicain Alfonso Cuaron a salué un premier long vénézuélien très… mexicain. Ca veut dire quoi, être mexicain, au cinéma ? Ca veut dire appartenir au sérail dont Cuaron et Inarritu sont les deux têtes de pont (Guillermo Arriaga, scénariste pour Inarritu, est à l’origine de l’histoire de Desde Alla) ; ça veut dire mettre en scène un sujet scabreux (la relation entre un solitaire, qui aime se toucher devant le cul nu des jeunes hommes, et l’un de ses mignons) en pensant fort à Michel Franco (Chronic), producteur de Desde Alla, ou Michael Rowe (Année bissextile). En y repensant, ce Lion d’Or frôle le copinage, mais on s’en moque : pour son premier long-métrage, Lorenzo Vigas réussit un thriller audacieux, à la force politique discrète mais indéniable.

 

JUIN 2016 : UPSTREAM COLOR de et avec Shane Carruth

Amu Seimetz et Shane Carruth dans UPSTREAM COLORAvec trois années de retard, le second long-métrage de Shane Carruth nous parvient enfin. Après In the Family de Patrick Wang et De l’autre côté de la porte de Laurence Thrush, eux aussi sortis en différé, le distributeur E.D confirme son désir de rattraper la cécité de ses confrères. Tant mieux. Qui plus est, ceci leur permet souvent de continuer la collaboration avec les auteurs en question. Pour preuve, ils ont sorti ou sortent sous peu les nouveaux Patrick Wang et Laurence Thrush. Leur faudra-t-il toutefois attendre 10 ans avant le prochain Shane Carruth ? Possible puisque le précédent, Primer, remonte à 2004. Comme dans ce premier long-métrage, Shane Carruth cumule les fonctions sur Upstream Color : réalisateur, scénariste, compositeur, acteur et monteur. Son film n’a pourtant rien d’un égo-trip. Qu’il s’agisse d’un trip, en revanche, c’est un euphémisme. Upstream Color, aussi coton que cotonneux, aborde le sujet peu commun de la métempsycose porcine. Une énormité que le cinéaste légitime par plus de folie encore, imaginant notamment une substance capable de fusionner les êtres façon Pacific Rim, et de mystérieuses orchidées bleues qui renvoient autant à Charlie Kaufman qu’à Raymond Queneau.

 

La rédaction
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