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Découverts lors de manifestations modestes ou durant les trois rendez-vous immanquables que sont Cannes, Venise et Berlin, les films de festivals vus en 2012 regorgent de scènes surprenantes, de répliques cultes, d’images folles. Voici la seconde partie des « moments » qui ont le plus marqué notre rédaction…
Une histoire d‘amour ?
Nathan : Après vingt ans, les retrouvailles musicales entre Denis « Oscar » Lavant et Kylie « Jean » Minogue à la Samaritaine dans HOLY MOTORS (Cannes). L’ancien magasin fait penser au Titanic, aussi bien à l’épave visitée par Brock Lovett (Bill Paxton, double de Cameron) qu’au bateau ressuscité par la magie du numérique, surtout quand Minogue se précipite en contre-plongée au bord du vide et chante « There was a chiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiild ».
Hendy : Les films-Playmobil de Wes Anderson font toujours un malheur. Après les éditions « En famille », « Pêche au gros » ou « Train-train côté indien », il signe un nouveau succès avec « Scout toujours ! ». L’avant-dernier plan de ce MOONRISE KINGDOM est peut-être le plus beau. Suzy vient de quitter Sam, puis la jeune ado rejoint ses parents pour dîner. Elle se met à marcher, le temps s’arrête. Suzy pause et pose, un pied en l’air, réalisant soudain sa chance de connaître un tel amour.
Christophe : TABOU (Berlin), l’Afrique, un couple illégitime, un crocodile, et une voix off qui donne l’impression d’être susurrée à votre oreille, comme si le narrateur était votre voisin de fauteuil et qu’il n’était là que pour vous.
Un fantasme ?
Nathan : Greta Gerwig. A Toronto avec FRANCES HA de Noam Baumbach, tourné en noir et blanc, annoncé comme du mumblecore teinté de Nouvelle Vague. Pas vu. Pas pris. Greta partout. Greta forever. Great Greta.
Hendy : Le quatuor de SPRING BREAKERS (Venise). Certes, il faut additionner les âges des quatre actrices pour commencer à se sentir légalement en droit au fantasme, mais les voir déambuler sur les plages de Floride, avec leurs Uzis et leurs maillots de bain fluorescents a quelque chose d’irrésistible. Mais les femmes n’ont pas le monopole de la sexiness 2012. Un jeune acteur les égale à lui seul : Luis Carlos Guevara, gueule d’ange de LA PLAYA D.C (Cannes, Un Certain Regard).
Christophe : Les voleuses en bikinis de SPRING BREAKERS, enfin celles qui sont à peu près majeures, comme Vanessa Hudgens et Ashley Benson.
Une scène chaude ?
Nathan : Bia, la mère de famille esseulée de O SOM AO REDOR (voir Une rencontre ? plus bas) se caressant sur une machine à laver qui tambourine. Saluons son sens pratique. Voilà une bonne simulation de la culbute et un moyen efficace de couvrir le bruit de son extase. Température de la scène : au moins 90°.
Hendy : Non, pas chez Brisseau cette année. C’est Argento qui a fait monter la température dans DRACULA 3D. Pour ce faire, il lui suffit de revenir aux fondamentaux : une scène de sexe peu utile à l’intrigue, dans une grange, sur du foin, avec une déesse pour mener la danse, Miriam Giovanelli. En revanche, il convient d’effacer à jamais de son esprit certains souvenirs cannois : golden shower et masturbation carcérale dans THE PAPERBOY ou chairs flétries et pénis enrubanné dans PARADIS : AMOUR.
Christophe : Pas grand chose pour se rincer l’œil cette année… Peut-être cette femme dans O SOM AO REDOR qui se sert de sa machine à laver le linge comme d’un énorme sex toy, durant l’essorage ?
Une bande-son ?
Nathan : La musique soul et rock gospel de GIMME THE LOOT d’Adam Leon. Ou comment le réalisateur new-yorkais contourne le cliché du gangsta rap et des blacks portant des flingues.
Hendy : Florent Marchet tape sur son clavier pour A MOI SEULE ? Des moines grecs orthodoxes tapent sur des bouts de bois dans METEORA ? Très bien. Mais à la fin, c’est toujours Jonny qui gagne. Jonny Greenwood : THE MASTER.
Christophe : Celle de BLANCANIEVES, vrai film muet, donc sonore et musical (et quelles musiques !), et non pas un pastiche de film muet comme l’est THE ARTIST.
Une découverte ?
Nathan : REPORTED MISSING de Jan Speckenbach (Berlin). Une variation sur la légende du joueur de flûte de Hamelin. Un homme qui travaille dans le nucléaire part à la recherche de sa fille disparue. Au cours de sa quête, un glissement s’opère. Il vaut mieux ne pas en dire plus. Ici, la jeunesse et les adultes sont deux mondes parallèles, qui n’arrivent pas à communiquer. La beauté du film est de convoquer à la fois les enfants victimes de M LE MAUDIT et l’enfance malfaisante du VILLAGES DES DAMNES et des REVOLTES DE L’AN 2000.
Hendy : Pour qui était passé à côté des précédents films de Miguel Gomes, TABOU est non seulement une révélation en soi à Berlin, en février dernier, puisqu’il domine aisément la compétition, mais aussi celle d’un auteur : un cinéphile généreux, un voyageur, un nouveau compagnon de route pour Vimukthi Jayasundara ou Apichatpong Weerasethakul.
Christophe : Quvenzhané Wallis, petit ange qui écoute battre le cœur des poussins et casse des carapaces de crabes à mains nues dans LES BÊTES DU SUD SAUVAGE (Cannes, Un Certain Regard). La petite fille que tout le monde voudrait adopter.
Une rencontre ?
Nathan : Le brésilien Kleber Fendonça Filho, interviewé aux 3 Continents de Nantes pour sa première fiction O SOM A REDOR. Un observateur de la classe moyenne brésilienne qui s’annonce comme un futur très grand cinéaste de la peur et de l’horreur. On a hâte de découvrir le prochain film de ce fan de Carpenter. Filho nous a confié qu’il irait plus loin dans cette direction. En invoquant la mémoire des esclaves, en montrant les soubassements d’un monde régi par la féodalité, son film a quelque chose de FOG. Puissant.
Hendy : De retour à Cannes deux ans après sa Palme d’or, Weerasethakul était venu présenter un film aussi bref que beau, MEKONG HOTEL, 61 minutes. A l’issue de l’entretien, il confie très simplement avoir un nouveau projet : acheter une ferme en Thaïlande et devenir cultivateur d’avocats. Un changement de cap, temporaire ou partiel, qui le rapproche de Skolimowski ou Soderbergh peintres à leurs heures, de Daniel Day-Lewis cordonnier en Italie ou de Bela Tarr chauffeur de taxi.
Christophe : Avec Benh Zeitlin, le jeune réalisateur prodigue des BÊTES DU SUD SAUVAGE, à Cannes. L’occasion de lui faire découvrir PRINCESSE MONONOKE d’Hayao Miyazaki, qui a plus d’un point commun avec son film.
Un coup de théâtre ?
Nathan : Le film comme du théâtre et le théâtre comme du cinéma dans VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU d’Alain Resnais. La surprise que le metteur en scène Antoine d’Anthac fait à ses amis acteurs.
Hendy : Pas tant un coup de théâtre qu’un choc, une fraction de seconde de LA PART DES ANGES qui provoque simultanément hurlements, sursauts et éclats de rire aux quatre coins de la salle. Si, vous vous souvenez forcément. Dans le registre des twists finaux, des vrais, la conclusion auto-mash-up de Brian De Palma dans PASSION l’emporte haut la main.
Christophe : L’épilogue de PASSION de Brian De Palma.
Ci-dessous, la B-A en VOSTF de PASSION. Présenté en première mondiale à Venise, le premier plan en extérieur de cette bande-annonce se déroule pourtant devant l’une des salles du festival de Berlin…
Un film qui hante ?
Nathan : HOLY MOTORS de Leos Carax, pour son cinéma sans caméra, parce qu’il convoque l’enfance du cinéma, le cinéma primitif. Parce qu’il vient après ONCLE BOONMEE, un autre grand film de rêve et réincarnation. Le président du jury Moretti a fait du mauvais travail en ne le récompensant pas.
Hendy : Avec POST TENEBRAS LUX, Carlos Reygadas serait-il allé trop loin ? Son film est abscons, parfois déplaisant, souvent m’as-tu-vu. Au terme de la projection, c’est d’abord un rejet catégorique. Seulement, le film est à l’image de son auteur : roublard, provocateur, impénétrable et néanmoins séduisant. Les heures passent après la projection, certaines séquences restent en mémoire, collent même. Mince, un secret inavouable : « J’ai envie de revoir le Reygadas ». A la seconde vision, les séquences se remboitent, la construction épate, les gênes s’estompent. A défaut d’être pleinement aimable, le dégoût initial a fait place à de l’admiration.
Christophe : AMOUR, le film le plus tétanisant de l’année. Prévoir des pieds de biche pour se décrocher des accoudoirs du fauteuil à la fin de la séance. Une œuvre universelle qui concerne tout le monde, à des degrés divers.
Un film, tout court ?
Nathan : THE WE AND THE I (Cannes, Quinzaine des réalisateurs), mariage réussi entre les deux cinémas de Gondry, le mineur (DAVE CHAPPELLE’S BLOCK PARTY) et le majeur (ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND). Outre la virtuosité et la variation des humeurs, il y a cette torsion du réel, juxtaposition de deux espaces éloignés, l’étirement du temps – car quel trajet en centre-ville dure près de deux heures ? – cette utilisation ingénieuse du téléphone portable, petite fenêtre qui permet de quitter le bus mentalement.
Hendy : Brisseau, My Brisseau ! L’alignement des planètes dans l’Univers ou peut-être seulement ceux de deux emplois du temps ont permis cette rencontre : Apichatpong Weerasethakul est Président du jury du festival de Locarno l’année où Jean-Claude Brisseau fait son come back. Économe, inventive, authentiquement glaçante, non moins amusante, son histoire de fantôme lui a parlé : LA FILLE DE NULLE PART, l’un des plus beaux films de son auteur, repart avec le Léopard d’or.
Christophe : LES BÊTES DU SUD SAUVAGE, évidemment.
Un réalisateur ?
Nathan : Alain Resnais qui réunit dans VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU deux temps forts de son œuvre : la période moderne, post-Nouvelle Vague et la formation du duo Azéma-Arditi (LA VIE EST UN ROMAN, SMOKING – NO SMOKING). Et, tout en retrouvant les automates de L’ANNÉE DERNIÈRE A MARIENBAD, il bricole et s’amuse avec l’idée de sa propre disparition.
Hendy : Plutôt que d’isoler le réalisateur d’un film marquant découvert cette année en festival, pourquoi ne pas célébrer une œuvre entière ? Treize films projetés l’espace d’une semaine aux Trois Continents de Nantes : l’intégrale Shinji Sômai. Etant volontiers fainéant, je vous laisse cliquer ici pour en savoir plus sur ce grand homme, disparu en 2001.
Christophe : Brian De Palma qui fait du Brian De Palma qui ferait du Brian De Palma dans PASSION. Le cinéaste américain remplace Hitchcock au sommet de son panthéon personnel et devient son seul référent. De l’automaniérisme brillant et prononcé à un point tel que ses personnages y rêvent carrément de films de Brian De Palma.
Un festival ?
Nathan : Les 3 Continents de Nantes, pour l’exigence et la cohérence de sa programmation.
Hendy : Les 3 Continents, au sommet cette année : la beauté des films frais (dont les premières françaises de THREE SISTERS, SHOKUZAI et THEATRE), la qualité des rétrospectives (inoubliable et précieuse intégrale Shinji Sômai, retour sur le travail de la Milkyway Image de Johnnie To), l’indispensable atelier « Produire au Sud », la rencontre encouragée des artistes et du public, etc.
Christophe : Cannes, encore, toujours.
A 2 votes contre 1, le meilleur festival de 2012 est celui des 3 Continents de Nantes. Pour vous mettre dans l’ambiance, en attendant la prochaine édition en novembre prochain, voici sa bande-annonce :
La boucle est bouclée. N’est-ce pas ? Non, car Christophe, trop bon élève, n’a pas pu s’empêcher d’en faire plus. Il a encore des choses à dire (et surtout du mal de P.T. Anderson et de Reygadas !).
Un somnifère ?
DANS LA BRUME, de Sergei Loznitsa (Cannes), un film qui porte bien son nom.
Un baiser ?
Celui déposé sur les lèvres de Blanche-Neige dans BLANCANIEVES.
Un gueuleton ?
Tous les poissons de LEVIATHAN (Locarno). Ils finiront dans des assiettes, mais ils sont pendant 80 minutes de véritables héros cosmiques.
Un gâchis ?
La plupart des palmarès des festivals de l’année, souvent décevants, hormis Cannes (grâce à AMOUR et aux BÊTES DU SUD SAUVAGE), Les 3 continents (THREE SISTERS, Montgolfière d’or et Prix du public, le 1er jamais reçu par Wang Bing dans un festival d’ailleurs) et Belfort (LEVIATHAN). Et Locarno pour le Brisseau. Un gâchis très relatif donc, qui tient surtout à l’absence de TABOU et HOLY MOTORS aux sommets des palmarès.
Un monstre ?
Le gamin d’EXTRÊMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES (Berlin), qui a gardé pour lui les enregistrements laissés sur le répondeur familial par son père, alors que ce dernier était sur le point de mourir dans l’écroulement des tours du World Trade Center. Comme ça, il peut les faire écouter à son grand-père et le faire souffrir, puis en remettre une couche à la fin avec des inédits, histoire en plus de faire apparaître rétrospectivement l’ouverture du film comme un énorme contresens.
Un souvenir ?
Paul Thomas Anderson qui fait la gueule et rechigne à répondre aux questions lors de la conférence de presse vénitienne de THE MASTER ; Joaquin Phoenix qui sort sans prévenir de la salle, revient et fume sa cigarette en attendant la fin ; Philip Seymour Hoffman se pliant patiemment à l’exercice pour éviter que l’agacement n’atteigne son paroxysme : tous les Américains ne sont pas pros jusqu’au bout.
Une tête à claque ?
Carlos Reygadas posant avec son Prix de la mise en scène cannois sur la tête, en salle de presse, après la cérémonie de clôture, et qui n’avait qu’une envie : crier « alors, c’est qui le patron ?! ». De bonne guerre face aux journalistes qui ont majoritairement descendu le film, pourtant le plus honnête de son auteur puisqu’il s’y dénonce, volontairement ou non, comme le faiseur qu’il est.
Une bonne surprise ?
MOONRISE KINGDOM. Pour un adorateur de LA FAMILLE TENENBAUM, que les films suivant ont laissé sceptique, cette réussite n’avait rien d’évident. Le cinéma de chambre de Wes Anderson sied parfaitement à cette aventure insulaire et miniaturiste, touchante et magique.
Vous pouvez retrouver ici la première partie de notre bilan de l’année 2012 des festivals.