Shinji Sômai à la Cinémathèque : 5 raisons de s’y précipiter

La 34ème édition du festival des 3 Continents s’est notamment distinguée par une précieuse rétrospective intégrale des films de Shinji Sômai. Reprise par la Cinémathèque Française du 12 décembre au 6 janvier, les cinéphiles parisiens peuvent à leur tour découvrir l’œuvre majeure de ce cinéaste disparu en 2001, anonyme en Occident, maître reconnu au Japon.



Entre 1981 et 2001, Sômai tourne treize long-métrages et accède au rang de cinéaste culte au Japon. En France, mises à part la sortie en salles de Typhoon Club en 1986 ou la présentation de Moving au Certain Regard à Cannes en 1993, ses films demeurent invisibles. Seules quelques mentions de son nom apparaissent ça et là lors d’interviews, notamment dans la bouche de Kiyoshi Kurosawa, et éveillent la curiosité des cinéphiles les plus nippophiles.

L’œuvre de Shinji Sômai apparait donc encore suffisamment « neuve » pour légitimer le petit jeu didactique des « 5 bonnes raisons » de découvrir son cinéma.



# 1 PLAN-SEQUENCE : DANGER !

Dans les années 1980, Shinji Sômai s’impose comme le spécialiste japonais du plan-séquence. Une marque de fabrique qui lui permet d’imposer son style au sein de projets variés, pour la plupart des films de commande. L’année 1985 en témoigne : il tourne coup sur coup Lost Chapter of Snow – Passion, un mélodrame produit par la Toho, Love Hotel, l’un des nombreux romans-porno de la Nikkatsu et Typhoon Club, chronique adolescente qui sera le premier d’une série de films tournés grâce à sa propre maison de production (la Directors Company qui, comme son nom l’indique, est dirigée par des réalisateurs, tels que Kazuhiko Hasegawa, Sogo Ishii ou Kiyoshi Kurosawa). Dans ces trois films, qui se ressemblent peu et s’adressent à des publics différents, Sômai systématise ce procédé filmique, et impose un souffle singulier à sa narration.

L’utilisation du plan-séquence n’est pas seulement l’opportunité pour Shinji Sômai de faire sien des projets épars. Ce type de filmage devient un moyen de cristalliser la notion d’épanouissement. Qu’il s’agisse d’adolescentes (Sailor Suit & Machine Girl, Typhoon Club, The Terrible Couple) ou de jeunes femmes (Lost Chapter of Snow, Love Hotel), Sômai s’intéresse en premier lieu aux destin mouvementés, et plus encore sinueux, de personnages féminins. Au coeur de ses récits, le plan-séquence répète ce cheminement comme une allégorie à échelle réduite : l’espace d’un plan, d’un flot, Sômai capte le devenir du protagoniste. L’ouverture de Lost Chapter of Snow (14 minutes de déambulations ; voir le croquis du décor de cette séquence ci-contre) ou les derniers plans de Sailor Suit & Machine Gun et de Moving, approfondissent encore cette démarche, en instaurant une rupture entre la durée de la captation et l’écoulement temporel diégétique. L’héroïne, durant ces plan-séquences, semble grandir à vue d’œil, parfois de plusieurs années, alors que Sômai enregistre ses déplacements sans aucune coupe.

Sous l’œil de Sômai, qui ne cligne pas, le personnage qui se meut est en proie aux dangers. Le réalisateur n’est plus seulement observateur, mais devient l’instigateur du parcours périlleux auquel se confronte le protagoniste. Dans The Friends (1994), l’un des enfants, de jeunes héros en quête d’aventure, monte sur un muret et se met à avancer comme un funambule. Il évoque sa propre mort, puis la mise en scène de Sômai vient seconder son discours : le danger le rattrape, l’axe de la caméra bascule et le risque se dévoile, l’enfant se tenant en équilibre au-dessus d’une autoroute. Même ses plus fidèles collaborateurs sont aujourd’hui contraints d’admettre que les tournages des films de Shinji Sômai n’étaient pas les plus sûrs. En 1982, il pousse le vice plus loin que jamais dans son film le plus fou, le plus libre, le plus risqué : P. P Rider. Il faut voir ce plan-séquence durant lequel des ados échappent à des yakuzas en sautant du haut d’un pont, une chute de dix mètres avant de poursuivre leur fuite à la nage. L’une des images les plus sidérantes d’un de ses films les plus sidérants.

Dans l’idéal, le magnifique plan-séquence qui ouvre Lost Chapter of Snow – Passion se découvre sur grand écran. Pas la peine de le cacher plus longtemps, il est néanmoins visible ci-dessous et sans délai :


 

# 2 UN CINEMA EN EQUILIBRE

Un muret au-dessus d’une route, un pont au-dessus d’un fleuve, un trottoir longeant une voie rapide : les personnages chez Sômai se perchent régulièrement sur des plate-formes, avancent prudemment, essayent de ne pas tomber. De même que les plans-séquences leur permettent de trouver leur voie, la présence de murets, jetées, ponts, trottoirs et autres dalles sur leur chemin les poussent à tester leur équilibre : marcher droit, filer droit ? Être ou non en prise avec le monde ? La séduisante fragilité du cinéma de Sômai trouve sa quintessence et son plus bel écho par l’utilisation répétée de cette image.

Certainement sensible à ces plans de personnages à l’équilibre précaire, le réalisateur Shunji Iwai décide de capter de la même manière l’ensemble des déplacements des personnages dans Picnic (1996) ; alors qu’à l’inverse, on peut supposer que Sômai s’est inspiré de Shûji Terayama pour cela. Dans ce film d’Iwai – pas son meilleur toutefois – ses trois curieux personnages principaux ne touchent jamais la terre ferme. Fouler le sol, c’est mourir. Ainsi se déplace le trio de Picnic, de muret en muret, 70 minutes durant, quitte à épuiser la métaphore ; celle d’une société incapable d’accueillir ces personnages marginaux. A défaut de trouver dans le paysage cinématographique japonais actuel un parfait héritier de Sômai, certains motifs de son œuvre ont sans doute inspiré toute une génération de réalisateurs. Comme beaucoup d’autres, Shunji Iwai a probablement grandi avec ses films, et les pérégrinations de ses funambules du quotidien se seront logées dans un coin de son esprit. Iwai peut aujourd’hui être considéré, du moins en France, comme l’équivalent de Shinji Sômai pour les décennies 2000 et 2010, pas tant d’un point de vue stylistique que pour la frilosité regrettable des distributeurs à son égard (ses plus grands films, de All about Lily Chou-Chou à Vampire, sont toujours inédits).

C’est avec Lost Chapter of Snow que Sômai fait passer à l’avant-plan la notion d’équilibre, au point d’en faire l’élément central de la caractérisation de son héroïne, Iori. Un désir explicité par un dialogue : l’homme qui courtise la jeune fille la qualifie de « bâton d’équilibriste », dans une métaphore qui place son père adoptif dans le rôle du funambule. Quelques séquences plus tôt, alors qu’Iori est en proie à de nombreux doutes, à la fois accusée de meurtre, débutant une nouvelle vie universitaire et troublée par ses sentiments pour l’homme qui l’a adoptée, Sômai filme la jeune fille, bras tendus, essayant tant bien que mal de ne pas chuter depuis un trottoir qui longe une voie rapide. Comme écrit plus haut, l’image se retrouve ensuite dans The Friends ; aussi dans Love Hotel, à chaque fois que la prostituée et son client amoureux se rejoignent sur une jetée ; ou encore quand la jeune starlette de Tokyo Heaven (1990) tente de ne pas perdre pied en traversant un bassin. L’équilibre à trouver n’est pas seulement la démonstration d’une capacité à embrasser son destin chez Sômai, ce mouvement qui réapparait inlassablement tout au long de son oeuvre est le vecteur le plus puissant d’une mort qui rôde. Dans The Friends, l’enfant qui marche au-dessus du vide le fait tout en discourant sur la mort ; le protagoniste de Love Hotel est suicidaire ; quant à l’adolescente de Tokyo Heaven, elle n’est rien de moins qu’une mort-vivante.

Chuter ou non, quitter le monde ou s’y confronter, mourir ou survivre. Sous l’apparente légèreté de la plupart de ses films, Sômai confronte dès le plus jeune âge ses personnages à leur mort prochaine.



# 3 L’ENFANCE, MUE

Shinji Sômai donne la part belle aux personnages coincés entre deux âges, entre l’enfance et le monde des adultes. Un temps de déséquilibres, mouvant, qui peut s’abattre sur eux qu’ils aient 10 ou 20 ans. Dans The Terrible Couple (1981), son premier film, les ados ont des vies d’adulte : ils vivent en couple dans des maisons gigantesques, ils travaillent ou se font piliers de bar à l’occasion, etc. Cette caractérisation audacieuse, ici ironique avant tout et lorgnant vers le simple gimmick, Sômai ne l’aura plus jamais reconduite. Les films suivants proposent toutefois d’autres marques de contradictions, venant perturber l’épanouissement de ses plus jeunes personnages.

De nouveau, le meilleur exemple, c’est Lost Chapter of Snow. L’innocence et la maturité ne se succèdent pas, les âges d’Iori se percutent, se confondent, et in fine se fondent en un seul espace-temps, un étrange monde de fantasmes inavouables. La présence tangible d’Iori enfant dans un espace-temps qui ne lui correspond pas devient constitutive d’un ensemble de figures symboliques, toutes liées à l’univers du jeu et de l’enfance. Elles s’invitent dans le champ comme pour parasiter son épanouissement. Au-delà du corps encore frêle d’Iori, ce sont des clowns, une poupée, une fanfare, des personnages masqués lors d’une retraite aux flambeaux, un père Noël (à l’entrée d’une maison close) qui se distinguent dans différentes parties du cadre et rappellent à la jeune adulte qu’elle n’en est peut-être pas encore une.

Les clowns et silhouettes masquées de Lost Chapter of Snow ne sont pas isolés dans l’œuvre de Sômai (autre clin d’œil au cinéma de Terayama). Dans Sailor Suit & Machine Gun, des hommes déguisés et des poupées gonflables géantes se dressent sur le chemin d’Izumi, héroïne elle aussi coincée entre deux vies : écolière ou chef d’un clan de Yakuzas. Dans Typhoon Club, c’est un policier fantoche, mannequin inquiétant et figure autoritaire par excellence, qui barre la route d’une adolescente. Une baleine gonflée à l’hélium fait aussi le déplacement, une première fois dans The Terrible Couple, une seconde dans P.P Rider. Dans ces deux mêmes films, des garçons se cachent derrière des masques à l’effigie de personnages de manga. Ils sont déterminés, aguerris, réfléchis. Combien de temps sauront-ils éviter ces rappels de leur propre jeunesse évanescente ?


# 4 CHEMINS DE TRAVERSE

Ne pas perdre l’équilibre et regarder droit devant, slalomer pour éviter les symboles d’une jeunesse perdue d’emblée, affronter une nature déchaînée, le cinéma de Shinji Sômai est affaire d’obstacles. Seulement, Sômai ne se contente pas de dessiner figures et objets face à ses personnages : dès qu’il le peut, il leur barre la route. Le mouvement de sa caméra, et possiblement celui de son protagoniste dans le plan, se retrouvent régulièrement contrariés par un mouvement contraire dans l’espace. Au début de Sailor Suit & Machine Gun, quand Izumi avance avec détermination vers la caméra, le long d’une route, secondée par un travelling arrière, Sômai finit par introduire un passage à niveaux dans le champ. Les barres métalliques stoppent sa trajectoire, et coupent l’écran en deux. Peu après, Izumi apprend qu’elle est l’héritière d’un clan de Yakuzas, et sa paisible vie d’adolescente s’envole à jamais.

Ce principe de contre-mouvement permet à Sômai de renforcer figurativement une caractérisation qui s’appuie déjà, le plus souvent, sur le ressort de l’adversité. Les enfants trop mûrs de The Terrible Couple, Sailor Suit & Machine Gun ou de The Friends, les jeunes femmes déchirées entre raisons et sentiments de Lost Chapter of Snow, Love Hotel et Tokyo Heaven, deviennent autant de personnages indécis et insaisissables. Sômai explicite par sa mise en scène la lutte intérieure qui les assaille. Dans Lost Chapter of Snow, le mouvement qui s’oppose à celui de la prise de vue est le plus souvent mécanique, automatisé, comme pour affirmer son caractère inéluctable. Cette fois-ci, il s’agit moins d’une lutte de cœur que de celle d’une femme en révolte contre son environnement ; libre-arbitre et déterminisme. Dès le premier plan, Sômai fait disparaitre du cadre son héroïne pour la remplacer par une poupée, qui se déplace le long d’une corde. Ce plan matriciel impose déjà l’idée d’une existence « téléguidée ». Puis Sômai dispose nombre de mouvements contraires, comme les marques du désir d’Iori de reprendre le contrôle de sa vie : un escalier mécanique vient heurter la trajectoire de la caméra lors de son premier emménagement ; chez un fleuriste, assise sur une chaise, elle tourne sur elle-même sans trouver la position adéquate ; lors d’une fête, elle se suspend à un crochet sans parvenir à traverser la pièce pour autant. Il y a aussi ce plan magnifique, dans un ascenseur, qui dévoile à l’arrière-plan une statue de cupidon à la seconde précise où Iori fait mine de tirer une flèche à l’aide d’un arc imaginaire. La scène signe le début d’une période délicate pour le personnage, illustrée par le mouvement mécanique descendant alors que l’ange au second plan en rappelle la raison : un irrépressible désir amoureux.

Iori peut-elle « devenir une fille bien » ?, se demandent les personnages qui gravitent autour d’elle dans Lost Chapter of Snow. Les ados de Typhoon Club ne sont pas explicitement soumis à une même pression sociale, mais ils ne s’interrogent pas moins sur leur propre devenir. Sômai y réitère sa disposition de motifs draguant les notions d’opposition, d’affrontement, de décision : les cordes séparatrices des couloirs de piscine, symbole de courses individualistes, finissent par étrangler le jeune Akira ; ses camarades se déplacent sur des chaises chancelantes, se laissent guider par le va-et-vient de balançoires, croisent deux flutistes eux-mêmes assis sur des rails les attirant d’une extrémité à l’autre du cadre. Dans Sailor Suit & Machine Gun, il ne semble même plus fortuit qu’au terme d’une scène durant laquelle Izumi remet en question son avenir, le travelling arrière dévoile un gouvernail à l’avant-plan. Shinji Sômai questionne sans cesse l’avenir de ses personnages : une route à emprunter, une alternative proposée à mi-chemin. Quel chemin est le bon ? Peut-être les deux. Se perdre en route devient un choix.

Un plan de The Catch (1983) l’illustre mieux que tout autre. Les deux « jeunes » du film, en opposition au vieux loup de mer incarné par Ken Ogata, se déplacent de la droite vers la gauche de l’écran, alors que le travelling latéral les suit à la trace. A mi-parcours, une gigantesque roue se trouve sur leur trajet. Plutôt que de l’ignorer, les deux personnages se laissent emporter par le mouvement circulaire et tournent en rond, avec elle, avant de reprendre leur marche. Au regard de l’intrigue, ce détour, paradoxalement effectué en surplace, n’a aucun sens. L’allégorie prime toujours : avancer, reculer ou se dérober, une façon tangible d’observer les personnages pousser, se refermer ou végéter.


# 5 NATURE HUMAINE

Cinquième point. A ce stade, la position de Lost Chapter of Snow comme pierre angulaire de la filmographie de Shinji Sômai a déjà été largement défendue. S’attarder sur la place de la nature dans ses films implique pourtant d’ajouter encore une pierre à l’édifice : c’est bien son chef d’oeuvre, tourné en 1985, qui développe mieux qu’aucun autre la métaphore filée de la floraison qui traverse la plupart de ses films.

Elle est validée en une réplique, lors du dernier tiers : « Ton père voulait te voir pousser pour devenir une belle jeune femme, comme cette fleur » confie la gouvernante à Iori, alors qu’elle la déçoit par son comportement. Avant cela, par petites touches, Sômai fait déjà de la fleur un élément central de l’intrigue : Iori porte un collier fleuri la première fois qu’elle apparait à l’écran en tant qu’adulte, elle brise un vase quand elle se rend chez l’homme qui la courtise, elle verse du cyanure pour faner un bouquet et, surtout, alors qu’elle s’apprête à choisir l’homme de sa vie, des fleurs de cerisiers tombent du ciel comme des flocons de neige. Au Japon, cette fleur, appelée « Sakura », est connue pour être le symbole d’une existence à la fois belle et courte. Il n’est pas question de mort dans Lost Chapter of Snow, mais le film possède des allures de rêve éveillé, de fantasme enfantin, qui justifient leur présence. L’arbre réapparait dans Kaza-Hana (2000) et, au-delà de l’évocation funeste puisqu’il s’agit du dernier film de Sômai avant sa mort prématurée, l’histoire est ici celle de deux âmes égarées, affrontant la mort ensemble. La conclusion de Love Hotel se déroule aussi dans un tourbillon de « sakura ». Pendant plus d’une heure, ce sont des fleurs mortes qui occupent l’espace (passées et brisées pour certaines, simplement dessinées pour d’autres), alors que le motif de l’eau se répète, en complément (pluies diluviennes, bain régénérateur). L’héroïne a deux noms : « Fleur qui éclot de nuit » et « Vague » (Nami). Sômai dispose, en filigrane, ces quelques signes : des fleurs dénuées de vie d’une part, de l’eau de l’autre. La floraison attend. Puis le plan final, l’envolée de pétales, prend son sens. Éclore de jour, enfin.

Plus agitée, la nature n’est pas moins présente dans Typhoon Club, prête à relayer tout discours, toute action, des adolescents fougueux. Dans Moving, elle ne se dévoile que lors des plans de coupe – nuages mouvants, buttes en flammes, arbres flottants – comme si la petite Ren, en proie au divorce de ses parents, refusait de grandir. Durant le dernier tiers, ces forces vives la rattrapent, pour une poignée de séquences inoubliables. L’une d’elles voit surgir pour la troisième fois dans l’œuvre de Sômai, après P.P. Rider et Lost Chapter of Snow, l’image d’une jeune fille, avançant dans l’eau, face à son destin, à la fois sure d’elle et redoutant d’être submergée.



Chez Shinji Sômai, la nature est une puissance aussi bienfaitrice que destructrice. De nouveau, ses personnages peuvent être décrits de la même façon. Ren dans Moving est le plus souvent adorable, avant de se transformer en chat sauvage au plan suivant, littéralement indomptable. Blessée par une remarque, elle est capable de mettre le feu à une salle de classe. Dans Typhoon Club, un ado va plus loin : il brûle le dos d’une camarade pendant un cours de chimie. Sans raison apparente. Mais, à leurs yeux, la tornade qui s’abat sur leur lycée n’a pas plus de raison d’être. « Si les saisons changent, changeons-nous aussi ? » demande l’un des gamins de The Terrible Couple, catapulté dans une vie d’adulte.

Les bouleversements, les corps changeants, les obstacles, les attaques, la mort qui rôde ; tout se subit et, malgré les efforts, rien n’est sous contrôle chez Sômai. Le seul qui décide, qui agence dangers et accalmies, c’est lui. Au fil des années, certains l’ont qualifié de réalisateur casse-cou, négligeant la sécurité de ses comédiens sur les plateaux. Une personnalité tyrannique pendant les tournages ? L’auteur de treize long-métrages ? Décédé à l’aube du nouveau millénaire ? Shinji Sômai et Stanley Kubrick ont une poignée de points communs. Pourtant, il n’est pas ici question de l’élever du rang de metteur en scène inconnu en Occident à celui de plus grande personnalité du cinéma d’Orient. Dans une certaine mesure Sômai pourrait même être considéré comme le négatif de Kubrick : désireux de laisser ses acteurs s’exprimer et guider le film dans de nouvelles directions ; invitant volontiers le chaos et l’impondérable à régner pendant le tournage ; donnant la part belle aux personnages féminins et à leurs interprètes ; etc.

Oublions les cinq points développés ci-dessus. « Shinji Sômai est l’anti-Kubrick ». Voilà qui devrait suffire à attiser la curiosité.

L’intégrale des films de Shinji Sômai (13 long-métrages et un documentaire télévisé) a été présentée aux Trois Continents de Nantes du 20 au 27 novembre. Le festival a invité pour l’occasion Kôji Enokido, le plus proche collaborateur de Sômai, assistant sur un grand nombre de ses films. En marge des projections, les Trois Continents ont organisé une table ronde en sa présence ainsi que celle du réalisateur Kiyoshi Kurosawa.

La Cinémathèque Française reprend la rétrospective du 12 décembre 2012 au 6 janvier 2013.

Hendy Bicaise
Hendy Bicaise

Cogère Accreds.fr - écris pour Études, Trois Couleurs, Pop Corn magazine, Slate - supporte Sainté - idolâtre Shyamalan

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