BERLIN 2016 : les 8 films à ne pas manquer

Des français et des américains en lice pour l’Ours d’Or, Emily Dickinson hors compétition, des documentaires dans la section parallèle Forum : voici les 8 rendez-vous que nous avons pris avec la 66ème Berlinale. 

 

AVÉ, CÉSAR ! de Joel & Ethan Coen (Hors Compétition, Ouverture)

La carrière des frères Coen devient si longue et riche que chaque nouveau film se présente comme un éventuel film-somme, regroupant tout ce qui a été fait avant, la synthèse d’une œuvre, blabla, etc. Cette manière de voir les choses est rasoir, mais avouons qu’il est difficile de ne pas appréhender Avé, César ! de cette manière. Un George Clooney ahuri comme dans O’Brother, un enfer hollywoodien apparemment digne de Barton Fink, un héros en marge de la célébrité façon Inside Llewyn Davis, un casting superbe digne de Burn After Reading (en espérant qu’il ait de plus belles choses à jouer) et un soupçon de métaphysique peut-être en souvenir de A Serious Man : les péripéties d’Eddie Manix (Josh Brolin), homme de l’ombre chargé de préserver la réputation des stars de son studio mais confronté à l’enlèvement de la vedette de son péplum en plein tournage, sentent le bon Coen pur jus.

 

L’AVENIR de Mia Hansen-Love (Compétition)

Ce pourrait être le thème d’un cours de philo et c’est justement l’histoire d’une prof de philo, Nathalie (Huppert), une quinqua qui a un été pour décider ce qu’elle va faire de sa vie après que tout – mari, mère, boulot – lui a claqué entre les doigts. On redoute d’autant plus le pensum qu’il nous faut reconnaître ne pas être des fans inconditionnels des films de Mia Hansen-Love… Sauf un. Le dernier justement, Eden, ce qui permet pour la toute première fois d’éprouver une curiosité inédite à l’égard de L’Avenir, film dont Libération révélait l’été dernier qu’il mettait en scène, à un moment donné, Isabelle Huppert attendant désespérément le retour de son chat Pandora depuis le perron de sa maison dans la Drôme, une boite de croquettes à la main.

 

A QUIET PASSION de Terence Davies (Hors Compétition)

L’annonce de la projection à Berlin d’un nouveau film de Terence Davies, moins de six mois après le précédent (Sunset song, montré à Toronto puis San Sebastian), a pris tout le monde de court. Avec six longs-métrages de fiction plus un documentaire en presque trente ans de carrière, le cinéaste anglais nous avait en effet habitués à un rythme autrement plus espacé, par choix mais aussi à cause des revers de fortune rencontrés dans ses tentatives de monter ses projets. Pour A quiet passion, Davies reste dans sa veine romantique de prédilection, mais troque l’adaptation littéraire (Sunset song et avant cela Chez les heureux du monde, The Deep Blue Sea) pour le biopic, genre possiblement plus vendeur et par conséquent plus attractif pour les financiers. C’est de la vie de la poétesse Emily Dickinson dont il sera question, à travers sa correspondance épistolaire avec le monde extérieur à la maison où elle vit recluse. Le casting est, disons, intrigant (Cynthia Nixon, de Sex and The City, et Emma Belle, de beaucoup de navets, se partagent le rôle-titre à ses différents âges), mais il n’y a pas de raison de croire que Davies pourrait nous décevoir à l’occasion de la rencontre avec une artiste si proche de sa sensibilité.

 

CREEPY de Kiyoshi Kurosawa (Hors Compétition)

On le croyait parti pour enchaîner deux sélections cannoises (le superbe mélo Vers l’autre rive l’an dernier au Certain Regard, La femme de la plaque argentique probablement à son tour quelque part sur la Croisette en mai prochain), mais Kiyoshi Kurosawa a trouvé le temps de tourner entre les deux cette adaptation d’un roman policier japonais que la Berlinale va se faire un plaisir de présenter en première mondiale. Au vu du synopsis (mêlant exhumation d’enquêtes abandonnées et voisins de palier inquiétants) et du fait que le long-métrage se retrouve hors compétition, il est envisageable qu’il s’agisse d’une étape mineure dans la filmographie du cinéaste. Néanmoins, ce dernier a déjà bien assez souvent fait étalage de son talent à sublimer en grands films de terreur – et grands films tout court – des projets de série B sans beaucoup de prétentions sur le papier (Cure, Kaïro, Real), pour que l’on aille voir Creepy en espérant qu’il fasse pleinement honneur à son titre et nous fasse passer une nuit blanche après la projection.

 

KATE PLAYS CHRISTINE de Robert Greene (Forum)

Ce documenteur ou faux making-of sent le sapin. Trop proche dans son principe de Rebecca H/Return To The Dogs, le film complètement raté que Lodge Kerrigan présenta à Cannes en 2010. Géraldine Pailhas y jouait son propre rôle, celui d’une actrice se préparant à interpréter une femme ayant réellement existé, Grace Slick, la chanteuse du groupe Jefferson Airplane. Dans Kate Plays Christine, on suit Kate Lyn Sheil (très bien dans House of Cards) dans ses recherches pour jouer le mieux possible le rôle de Christine Chubbuck, une jeune journaliste qui, en 1974, se suicida en direct sur une chaîne de télé américaine, d’une balle dans la tête. Etrangeté : Christine Chubbuck est également le sujet d’un autre long, présenté à Sundance tout comme Kate Plays Christine, sobrement intitulé Christine, avec Rebecca Hall dans le rôle-titre et Antonio Campos (Afterschool) à la caméra, mais lui n’est pas à Berlin. Rien que pour comprendre ce qui fascine tant deux réalisateurs en même temps, il faut voir Kate Plays Christine.

 

MIDNIGHT SPECIAL de Jeff Nichols (Compétition)

Voici le film le plus attendu de la compétition. Parce que depuis Shotgun Stories, Jeff Nichols est un cinéaste dont on guette les sorties avec impatience (même si Mud nous est apparu comme une tentative inutile et peu convaincante de draguer Hollywood). Parce que le pitch de Midnight Special est justement hollywoodien – la fuite d’un père pour protéger son fils des fanatiques religieux et du gouvernement qui en veulent aux pouvoirs surnaturels du garçon – mais avec une patine 80’s séduisante de prime abord, parfaitement adaptée à l’Americana et au Southern Gothic chers au cinéma de Nichols. Michael Shannon est de la partie, naturellement, ainsi que Kirsten Dunst et Adam Driver. Midnight Special est présenté par son auteur comme un hommage à Spielberg, un croisement entre E.T. et Rencontres du 3ème type (avec une touche du Starman de Carpenter). Le créneau est déjà pris par J.J. Abrams mais ce serait une déception que Nichols ne fasse pas aussi bien que le réalisateur de Super 8.

 

QUAND ON A 17 ANS d’André Téchiné (Compétition)

Quand on a 72 ans comme André Téchiné, on a réalisé presque une trentaine de films, au rythme d’un tous les deux ans, souvent passés en festival et ayant pour sujets de prédilection les faits divers (ainsi son précédent long-métrage L’homme qu’on aimait trop, montré à Cannes) et la jeunesse. Celle-ci est à nouveau au centre de Quand on a 17 ans, coécrit avec Céline Sciamma (Bande de filles) et marquant pour Téchiné une première collaboration avec Sandrine Kiberlain, qui encadre les deux adolescents interprétés par Kacey Mottet Klein (également tête d’affiche de Keeper) et le débutant Corentin Fila. Les précédents films présentés par le cinéaste à la compétition de la Berlinale (Les temps qui changent, Les témoins) étaient de bonne facture ; de quoi permettre d’espérer que se prolonge à l’écran la connexion forte qui existe sur le papier entre Quand on a 17 ans et le très beau Les roseaux sauvages, dont cette nouvelle histoire semble être une relecture deux générations plus tard – même décor de la campagne du sud-ouest de la France, même âge des protagonistes, même confusion des sentiments.

 

TA’ANG de Wang Bing (Forum)

Ta’ang voit Wang Bing franchir pour la première fois les frontières de la Chine, pour les retraverser dans la foulée. Il accompagne la fuite, depuis la Birmanie où ils sont persécutés vers la Chine, de réfugiés de la minorité ethnique Ta’ang (aussi dénommée Palaung ou De’ang). Wang Bing reste inlassablement aux côtés des marginaux habituellement maintenus aux limites de notre regard, des perdants broyés par le système. Moins long que certains de ses documentaires précédents, dont le plus récent À la folie (3h47, contre 2h28 ici), Ta’ang sera peut-être aussi le plus universel : ce journal de bord du parcours du combattant de réfugiés, qui espèrent trouver ailleurs une vie plus supportable que chez eux, fait évidemment écho au destin des centaines de milliers de personnes jetées ces derniers mois sur la route de l’Europe, et dont la Berlinale est très soucieuse.

 

La 66ème Berlinale se déroule du 11 au 21 février 2016.