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De tous les horizons et dans toutes les sélections, avec ou sans stars, dans le désert, les caves ou sur les terrains de foot, quatorze films à ne pas manquer lors de cette 71è édition du doyen des festivals. Venise 2014, c’est parti.
THE HUMBLING de Barry Levinson et MANGLEHORN de David Gordon Green
Pour régner sur la Mostra de Venise, Al Pacino s’est muni d’un fusil à deux coups, deux premiers rôles pour celui qui s’était fait de plus en plus rare sur les écrans. Cette sortie de sa semi-retraite (il était tout de même dernièrement bien actif au théâtre, là où il avait débuté avant de percer au cinéma) s’opère par la grande porte, avec un projet de taille initié par Pacino lui-même : l’adaptation d’un roman de Philip Roth, The humbling (Le rabaissement chez nous), dont il a acheté les droits. Le rôle principal est celui d’un comédien de théâtre sexagénaire, de grand talent et d’aussi grande réputation, dont le monde s’effondre le jour où il « perd son don » ; la proposition interpelle forcément un acteur dans la position de Pacino, dont les derniers rôles marquants remontent au siècle dernier (Révélations, L’enfer du dimanche) ou pas loin (Insomnia, Simone). Le livre est court mais le projet casse-gueule –personne n’a encore trouvé la formule pour faire passer la pilule Roth au cinéma. Alors le salut de Pacino viendra peut-être plutôt d’un film plus modeste : la nouvelle réalisation du prolifique David Gordon Green, déjà de retour en compétition à Venise un an après Joe. Comme d’habitude avec lui, très peu de choses ont filtré à propos du film. Un lieu (Austin, Texas), un personnage au travail manuel (serrurier), quelques noms (Holly Hunter au côté d’Al), un pitch d’une phrase qui semble annoncer un mélo – un homme âgé qui ne se remet pas de sa rupture avec l’amour de sa vie. Au vu de la forme dans laquelle se trouve Green actuellement, on est prêt à le suivre quoi qu’il fasse. Al Pacino aussi, visiblement.
NDE – NEAR DEATH EXPERIENCE de Benoît Delépine & Gustave Kervern
Après avoir joué son propre rôle dans le bien-nommé L’enlèvement de Michel Houellebecq, présenté à Berlin début 2014, le romancier est l’acteur principal, presque seul à l’écran, du nouveau film de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Les fans de la première heure pouvaient regretter face au Grand soir que la détermination anarchiste du tandem demeure lisible sur le fond, mais se retrouve diluée dans un traitement assagi. Avec ce film, ils pourraient enfin renouer avec la radicalité de leurs premiers essais (Aaltra, Avida), Kervern et Delépine ayant peut-être trouvé en Houellebecq un alter ego moins artificiel que les professionnels du rire malaisant – Dupontel, Poelvoorde, Lanners. Les premières images de NDE, suivant énergiquement leur héros dégingandé, seul dans le désert, face à la mort, laissent présager d’une sorte de Gerry schizo et trash. Ce qui donne envie.
FIRES ON THE PLAIN de Shinya Tsukamoto
Changement de cap pour Shinya Tsukamoto. La folie a toujours été un ingrédient essentiel de son cinéma, jusqu’à atteindre son paroxysme dans Kotoko pour lequel il reçut le Prix Orizzonti à la Mostra 2011. Dans Fires on the plain, elle devrait de nouveau contaminer les figures à l’écran. Seulement, plutôt que de les confronter au grouillement oppressant de la ville moderne comme dans Tokyo Fist ou Bullet Ballet, Tsukamoto les place cette fois face à la nature, désarmés et affamés, alors que la Seconde Guerre Mondiale s’achève. Inspiré par un roman de Shohei Ooka, déjà adapté par Kon Ichikawa en 1959, voici le film qui pourrait permettre à Tsukamoto de remporter une première récompense majeure dans un festival international. Alexandre Desplat et son jury seront-ils sensibles à la petite musique assourdissante du cinéaste japonais ? Allez savoir.
IM KELLER (IN THE BASEMENT) de Ulrich Seidl
« Comme toujours en festival, la bonne tranche de rigolade sera offerte par Ulrich Seidl ». Ce type de plaisanterie accompagne le cinéaste autrichien depuis longtemps, au regard des sujets graves voire sinistres de ses films. Mais depuis sa récente trilogie « Paradis », l’humour est plus lisible que jamais dans son cinéma, qu’il soit balourd (Paradis : Amour) ou plus habile et caustique (Paradis : Foi). Dur à dire, dans le cas de In the basement, présenté Hors compétition pendant la Mostra, si la proposition de départ est déprimante ou désopilante : son documentaire est annoncé comme une exploration des relations qu’entretiennent ses concitoyens avec leurs sous-sols. A défaut de savoir où le spectateur va mettre les pieds, impossible de résister à l’envie de suivre les nouveaux héros de Seidl dans les arcanes les plus sombres du Palais des festivals vénitien.
“Je sais qui a tué Pasolini” a déclaré Ferrara à la presse italienne. Dans son texte « Observations sur le plan-séquence » où il parle de l’assassinat de Kennedy, Pasolini écrit que « la mort accomplit un montage fulgurant de notre vie ». Battu à mort, renversé à plusieurs reprises par sa propre voiture dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, le cinéaste, poète et intellectuel italien a disparu dans des circonstances tout aussi tragiques et mystérieuses. Le coupable présumé, le prostitué Giuseppe Pelosi, a été relâché pour manque de preuves et à la veille du 40è anniversaire Guido Mazzon, cousin de Pasolini, souhaite rouvrir l’affaire.
De retour en Italie après Go Go Tales qui fut tourné à Cinecitta et Mary dont une partie se déroule à Matera, Abel Ferrara accomplit non pas le montage d’une vie entière mais celui du dernier jour du réalisateur de Salo ou les 120 jours de Sodome. Dans le rôle principal, Willem Dafoe dont la ressemblance avec Pasolini est, paraît-il, troublante. Installé à Rome depuis quelques années, l’acteur-fétiche de Ferrara assure d’ailleurs lui-même le doublage en italien. La classe.
LOIN DES HOMMES de David Oelhoffen
Viggo Mortensen, acteur déplacé. Après la Grèce mythologique de The Two Faces of January et le désert argentin de Jauja, l’Algérie d’Albert Camus. Adapté de L’Hôte, une nouvelle extraite du recueil L’Exil et le Royaume (qu’on trouve aussi en BD), Loin des hommes exploite l’un des nombreux talents de Mortensen : la langue française, que son personnage enseigne à des enfants algériens. Jusqu’au jour où les autorités lui remettent un criminel (Reda Kateb, qui a le vent en poupe) qu’il doit escorter à la ville. C’est sans compter l’amitié naissante entre les deux hommes, et leur lutte contre leurs agresseurs au coeur de l’hiver. Prix Sopadin du meilleur scénario en 2010 pour David Oelhoffen, remarqué à la Semaine de la Critique 2007 pour son polar filial Nos retrouvailles.
LA RANÇON DE LA GLOIRE de Xavier Beauvois
Le burlesque aura poursuivi Chaplin jusque dans la tombe. Si son corps a été enterré trois fois, ce n’est pas par goût du spectacle mais à cause de deux malfrats qui volèrent son cercueil afin d’en tirer une rançon. Ne riez pas. Il s’agit d’une histoire vraie. Ou riez si vous estimez que Xavier Beauvois a réussi sa première comédie. Telles ont été en tout cas les réactions du public du dernier Festival du Film de la Roche-sur-Yon. Le réalisateur français y a présenté des extraits de La rançon de la gloire, à l’occasion de sa masterclass (comme Abel Ferrara à Bordeaux en mars dernier avec son Pasolini). On devrait voir les deux acteurs principaux Roschdy Zem et Benoit Poelvoorde se déhancher sur le « Zou Bisou Bisou » de Gillian Hills. Tourné en Suisse, sur les lieux réels de la comédie, La rançon de la gloire s’annonce comme un hommage à Chaplin et à l’univers forain.
Rien d’anormal à voir Lionel Messi succéder à Zinedine Zidane comme sujet d’un documentaire consacré à une star individuelle du sport collectif qu’est le football – même si le génie argentin devra encore patienter au moins quatre ans avant d’ajouter la Coupe du Monde à son palmarès. Il est par contre beaucoup plus surprenant de trouver Alex de la Iglesia prendre la relève du duo de réalisateurs de Zidane, un portrait du XXIè siècle, Philippe Parreno et Douglas Gordon. Si ceux-ci agissaient en qualité d’artistes contemporains, la vision du cinéaste basque promet d’être bien plus terre-à-terre. Sa première incursion dans le documentaire (avec des passages de fiction pour traiter la jeunesse de Messi) s’annonce comme la version audiovisuelle d’une biographie très autorisée, par le joueur et par le club. L’absence d’aspérités dans un projet impliquant Lionel Messi ne serait que pure logique, le joueur étant devenu un produit marketing véhiculant une image de gendre idéal. Mais avec la présence au générique de bad boys tels que Johan Cruyff, Diego Maradona, et donc Alex de la Igelsia, on serait déçus de ne pas avoir quelques coups d’éclat devant et derrière la caméra.
MÉTAMORPHOSES de Christophe Honoré
La première venue de Christophe Honoré à Venise se fait en catimini. C’est à Venice Days, la moins cotée des sélections du festival, que le réalisateur montrera son adaptation des Métamorphoses d’Ovide, en même qu’elle sortira dans les salles françaises (le 3 septembre). Autant dire que le film peut tout à fait passer inaperçu, et faire chou blanc. On croise les doigts pour que ce ne soit pas le cas, car tel qu’il se présente sur le papier il s’agit du projet le plus excitant d’Honoré depuis Les chansons d’amour (2007), et La belle personne (2008) – déjà une transposition moderne d’un classique lointain. Si tout se passe bien, avec ses acteurs inconnus, ses effets spéciaux et son récit à tiroirs, Métamorphoses devrait signer la fin des fausses prises de risques faites uniquement pour épater la galerie (Non ma fille, tu n’iras pas danser, Homme au bain, Les bien-aimés) et le retour à des partis pris qui distinguent un film. Et qui métamorphoseront celui-ci en cerf plutôt qu’en génisse.
THE SMELL OF US de Larry Clark
Larry Clark se plait décidément bien en Europe. Après une rétrospective de son œuvre photographique à Paris et le Grand Prix obtenu à Rome en 2012 pour Marfa girl, le voici qui passe chez le festival italien rival, avec un film où quasiment tout est français : la production, le scénario, le casting (à l’exception du guest Michael Pitt). The smell of us mettant en scène un groupe de skateboarders, il est bien évidemment tentant de lui coller l’étiquette de déclinaison parisienne du californien Wassup rockers. On espère que ces nouveaux skaters s’aventureront dans les quartiers populaires plutôt que dans des décors de cartes postales. Ainsi The smell of us aura de la saveur en plus de l’odeur, et ne s’ajoutera pas à la liste des échecs des expatriés en terre française.
Vendu par son auteur comme le contraire de son précédent film Wrong cops, qui était « sale, bête et simple », Réalité semble naturellement à sa place dans un festival respectable tel que Venise. Pas encore en compétition officielle, mais Dupieux n’en a jamais été aussi proche avec ce passage à Orrizonti, le Certain Regard local. Le changement de classe se ressent également dans la distribution, où les noms d’Alain Chabat et Élodie Bouchez ont rejoint en Californie la bande d’habitués méconnus et déjantés de Dupieux. Du peu que l’on sait de l’histoire, le cinéaste semble renouer avec son premier amour, la mise en abyme de son moyen-métrage Non film : il sera – entre autres – question dans Réalité d’un réalisateur de films d’horreur ayant quarante-huit heures pour trouver le « cri parfait ». Il paraîtrait que Brian De Palma a déjà réservé sa place au premier rang.
Revoilà Joe Dante, trente ans après Gremlins et cinq ans après sa dernière œuvre de cinéma, The hole, déjà passée par Venise l’année où Dante était membre du jury (le festival fait preuve d’une belle fidélité à son égard). Cinq ans, c’est une attente habituelle pour un cinéaste qui a toujours eu du mal à empêcher que sa carrière ne s’écrive en pointillés. Burying the ex est le passage au format long d’un court-métrage du même nom, dont l’auteur (Alan Trezza) est resté scénariste et producteur de l’adaptation, tout en laissant les rênes de la réalisation à Dante – geste peu orthodoxe, mais très probablement intelligent. Les bases narratives du film ne paient pas de mine (la copine d’un jeune homme meurt peu de temps après qu’ils aient emménagé ensemble, malgré une relation compliquée, qui le redevient de plus belle lorsque la demoiselle prend la forme d’un zombie) ; mais tel était déjà le cas pour The hole, qui constituait au final une belle réussite dans l’horreur old school, celle qu’affectionne Dante. Il pourrait bien en aller de même pour Burying the ex, qui s’inscrit dans le même cadre – huis clos dans un foyer qui menace au lieu de protéger, tourments affectifs qui trouveront leur résolution dans le fantastique et le surnaturel.
SHE’S FUNNY THAT WAY de Peter Bogdanovich
Les cinq années de diète de Dante doivent bien faire rigoler Peter Bogdanovich (si tant est qu’il lui arrive de rigoler), dont She’s funny that way sera seulement le second long-métrage de cinéma en vingt ans, depuis qu’il a été mis au placard au début des années 90. Co-écrit avec son ex – et cadette de trente ans, et petite sœur d’une précédente ex, morte assassinée ; de quoi faire un autre film – Louise Stratten, She’s funny that way a mis deux ans à voir le jour depuis qu’il a officiellement été mis en chantier. Il a aussi un titre et un casting (Imogen Poots, Owen Wilson, Jennifer Anniston, Rhys Ifans) de mauvaise comédie romantique new-yorkaise. Voilà pour le verre à moitié vide. Pour rendre le verre à moitié plein, on se raccroche à l’air de famille du film avec ceux du maître James L. Brooks, en particulier le dernier en date Comment savoir. Owen Wilson en était déjà, tout comme l’idée d’un protagoniste féminin égaré dans la conduite de sa vie, et le scénario alambiqué, qui se délecte à croiser les personnages et leurs problèmes pour aboutir à une prolifération exponentielle de quiproquos. Le résultat ne sera probablement pas à la hauteur de La dernière séance, mais Bogdanovich mérite un verre à moitié plein.
La 71ème Mostra de Venise se déroule du 27 août au 6 septembre 2014.