FIDMARSEILLE 2014 avec Wang Bing, Marguerite Duras et… le Ed Wood afro-américain ?

137 films venus de 28 pays projetés pendant sept jours, 34 premières mondiales et internationales (toutes les œuvres en compétitions mais aussi d’autres, nettement moins récentes), 6 jurys, 10 prix remis : quantitativement, cette 25ème édition du FIDMarseille provoque un léger vertige. Qualitativement, c’est presque pire, tant est forte la diversité des œuvres, des formats et des époques, sans pour autant transformer le tout en capharnaüm. 

Il y a sept ans de cela, Marseille décidait de ne garder de son Festival International du Documentaire que l’acronyme. Depuis, la manifestation ne fait plus dans l’exclusif, elle balaie large, mélange la fiction et l’approche documentaire, l’ancien et le neuf, et même les courts et les longs, ce qui est encore plus inhabituel. Cette année, dans la sélection Écrans parallèles, on pourra ainsi aller des 2 minutes de Live Pan, film autrichien de Sasha Pirker au pitch pour le moins curieux (« Deux actions : repasser, rire. Comment faire au mieux la première et passer de celle-là à la seconde ? »), aux 228 minutes de ‘Til Madness Do Us Part, le film de Wang Bing dont nous ne nous lassons pas de dire du bien depuis sa présentation à la Mostra 2013. Le cinéaste chinois sera d’ailleurs cette année le président du jury de la compétition internationale, et répondra aux questions des festivaliers le 7 juillet, à l’occasion d’une rencontre publique. Il sera l’une des figures de proue de ce 25ème FIDMarseille, également placé sous le haut-patronage de Marguerite Duras. La romancière et réalisatrice succède à un autre écrivain et réalisateur, Pier Paolo Pasolini, célébré en 2013. Toute son œuvre audiovisuelle infuse les différentes constructions thématiques élaborées par les sélectionneurs du festival, en marge des compétitions, et au nombre de six.

Celle intitulée La vie matérielle permettra de regarder Match retour du roumain Corneliu Porumboiu, derby opposant les deux équipes de foot de Bucarest, sous l’ère Ceausescu ; Mercuriales, le premier long de Virgil Vernier (présenté à Cannes cette année, à l’ACID), après son formidable moyen-métrage Orléans ; Voyage en Occident de Tsai Ming-Liang, tourné à Marseille (Tsai était président d’honneur du festival en 2013), ainsi que de revoir une interview croisée de Jean-Luc Godard et Marguerite Duras, enregistrée par FR3 en 1987. Programme au titre plus dur, La douleur permettra de voir Eau argentée Syrie autoportrait d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan, qui puise dans les vidéos Youtube la matière de son évocation du conflit armé. La java de la source, elle, s’annonce ouvertement festive et musicale avec Alan Vega, Just a Million Dreams de Marie Lozier et le Live at Pompéi de Pink Floyd. Les yeux verts sera dédié à l’enfance, avec cette curiosité, Marguerite Duras et le petit François, une rencontre entre la grande écrivaine et un enfant (possiblement encore plus savoureuse vue d’aujourd’hui, maintenant que ce prénom est, pour la seconde fois, celui du président de la République).

El futuro tentera de dresser un état des lieux du cinéma espagnol, alors que la programmation The Exile sera toute entière en hommage à Oscar Micheaux (The Exile est le titre d’un film de 1931 qui sera projeté pour la toute première fois en France). Cinéaste afro-américain présenté comme « le plus prolifique réalisateur de films destinés exclusivement à un public noir », Oscar Micheaux se trouve à l’origine de 46 films entre 1919 et 1948. Jean-Pierre Rehm, délégué général du FIDMarseille, dit de lui qu’il est « tantôt comparé à Ed Wood, tantôt décrit comme un génie singulier ». Une description qui donne envie de découvrir l’œuvre inédite en France de Micheaux, allant du « surréalisme involontaire » (Ten Minutes To Live, 1932) au récit autobiographique (The Exile, histoire d’un homme noir tombant amoureux d’une femme « qu’il croit blanche »).

Du côté des compétitions, ce sera la découverte totale, mais il nous faut d’ores et déjà avouer une curiosité accrue envers Le souffleur de l’affaire d’Isabelle Prim, déjà réalisatrice de Déjeuner chez Gertrude Stein avec le chanteur Christophe, sélectionné à la Berlinale (et que nous avions vu et apprécié à Brive en 2013). Il est toujours question d’imposantes figures du passé, mais cette fois, Edmond Rostand et Sarah Bernhardt (interprétée par Clotilde Hesme) remplacent la silhouette américaine et francophile de la protectrice des belles lettres. On nous promet du feuilleton et de la modernité, on ne demande qu’à voir.

Le 25ème FIDMarseille se déroule du 1er au 7 juillet 2014.

Christophe Beney
Christophe Beney

Journapigiste et doctenseignant en ciné, passé par "Les Cinéma du Cahiers", "Palmarus", "Versès" et d'autres. Aurait aimé écrire : "Clear Eyes, Full Hearts, Can't Lose".

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