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Recensés, critiqués, listés : retrouvez tous les films d’auteur chinois de l’année, mois après mois.
Avez-vous remarqué qu’à un Jia Zhangke près, le cinéma chinois est l’immanquable et sempiternel absent du Festival de Cannes ? Quelle qu’en soit la raison, les festivals de Locarno et Venise s’en réjouissent souvent les mois suivants (et Berlin par avance). Fictions et documentaires, tournages officiels ou clandestins, sont ici recensés tous les films d’auteur chinois qui auront fait l’année 2016.
Barème de notation : de ⚠ à ????????
JANVIER
Le mercredi 6
Sortie en salles en France
BEIJING STORIES ????
de Song Pengfei (Underground Fragrance, 1h15, fiction)
Si l’on a évité «Bienvenue à Beijing» ou «Beijing Therapy», le titre VF ne fait toutefois pas honneur au film de Song Pengfei. «Underground fragrance», son titre international, évoque quant à lui par soustraction la cécité de son jeune protagoniste Yong dont l’odorat s’est probablement décuplé depuis son accident. Faute de mieux, le titre permet aux spectateurs d’imaginer les odeurs manquantes alors qu’ils arpentent les dédales souterrains de la capitale chinoise, bunkers dans lesquels vivent les personnages. Sous terre ou quand il remonte à la surface, Yong croise une go-go danseuse et un homme âgé dépossédé de sa maison, pour trois destins touchants et entremêlés. La relative frustration éprouvée face au dénouement sera toutefois à l’écoute de Day by Day, la belle balade cold wave qui referme le film.
FEVRIER
Le vendredi 12
Festival de Berlin – section Forum
OLD STONE ????
de Johnny Ma (Lao Shi, 1h20, fiction)
Lao Shi, chauffeur de taxi, provoque un accident à cause d’un client éméché à bord de son véhicule. Ne voyant aucune aide arrivée, il décide d’emmener lui-même à l’hôpital le piéton qu’il a blessé. L’homme est désormais dans le coma, sa famille ne peut pas payer les factures médicales et la compagnie d’assurance refuse de s’engager car Lao Shi a déserté les lieux le jour de l’accident. Au pied du mur, le chauffeur se doit de retrouver son client, pour le faire payer à sa place, pour lui demander de témoigner, ou simplement pour confronter sa vision des faits à celle d’un autre et ne pas sombrer dans la folie. Si Old Stone n’atteint pas les sommets de misanthropie de Mystery de Lou Ye, la Chine dépeinte par Johnny Ma n’en est pas moins comparablement gangrénée par l’égoïsme et la vénalité. Différence salutaire, le cinéaste place au cœur de son récit un protagoniste voguant à contre-courant. Old Stone évoque la lutte d’un homme pour conserver son humanité dans un océan de vilénie. Détail amusant, The Assassin de Hou Hsio-Hsien présenté à Cannes quelques mois plus tôt a manifestement déjà fait des émules puisque le film de Johnny Ma s’achève sur l’exact même Bagad breton.
Le dimanche 14
Festival de Berlin – section Generation 14plus
WHAT’S IN THE DARKNESS ??????
de Wang Yichun (Hei chu you shen me, 1h39, fiction)
A partir d’une sordide histoire de viol dans un village chinois au début des années 1990, Wang Yichun s’intéresse plus particulièrement à la relation d’un enquêteur maladroit et de Qu, sa fille adolescente. Adoptée au début de la politique de l’enfant unique, ses parents s’interrogent sans cesse sur sa valeur : «On a finalement mieux fait de t’avoir plutôt qu’un chiot» lui dit son père pour rire, mais le lui disant quand même. Les contextes familiaux et locaux conjugués perturbent forcément la jeune fille alors qu’elle se construit en tant que femme. L’enquête policière étant complètement disloquée, c’est cette part tout aussi «sombre» mais plus lisible de What’s in the Darkness qui gagne en intérêt. La cinéaste évoque un monde où l’on assassine des femmes, où les adolescentes qui font du bénévolat en maison de retraite le regrettent amèrement, un monde dans lequel les agents de police déclarent que «l’amitié entre filles et garçons n’existe pas» et où les agents de sécurité, eux, débarquent chez des ados qui visionnent une cassette érotique pour la leur confisquer (et la garder, s’entend). L’épanouissement sexuel est contrarié de toutes parts, si bien que le spectateur fait bientôt plus qu’observer la jeune Qu, il la soutient.
Le lundi 15
Festival de Berlin – section Panorama Documents
MY LAND ??????
de Fan Jian (Wu Tu, 1h21, documentaire)
Lorsque l’on découvre le dossier de The Atlantic «And then there was one», on passe en revue avec émotion et étonnement les différentes maisons qu’il donne à voir : à chaque fois, on devine une famille dans la demeure, qui résiste, qui lutte, seule, pour ne pas être délogée, déracinée. Une maison isolée au milieu d’un terrain vague, tel un arbre centenaire au milieu d’un champ… Pour un français, cela reste une image insolite, un sentiment d’étrangement, alors que la même chose se passe pourtant dans son pays dans une quinzaine de ZAD. C’est beaucoup et peu, peu par rapport à la Chine donc. My Land s’intéresse à une famille, suivie pendant des années, résistant à l’invasion des investisseurs, affrontant courageusement la gentrification. Comme dans Pétition (Zhao Liang, 2009), les années passent mais pas la colère, et les enfants grandissent sous nos yeux, prenant doucement conscience de la violence du monde et de la particularité de leur révolte. La plus belle scène voit la famille Chen inviter soi-même la fiction au sein du documentaire, reconstituant l’affrontement musclé avec les employés de la ville pour s’amuser et exorciser leurs démons un soir de Nouvel An. L’espoir ne les quitte jamais. Comme dans In the Underground de Song Zhantao, vu au Réel en 2015, le film s’achève avec un accouchement, expliquant le plus naturellement du monde qu’il est toujours viable d’accueillir un nouvel arrivant dans une famille précaire si le foyer est riche en amour.
Le mardi 16
Festival de Berlin – section Forum
TA’ANG ??????
de Wang Bing (2h28, documentaire)
(Sortie en salles en France le 26 octobre)
Face à la crise dite «des migrants», Wang Bing dirige notre regard occidental plus à l’est qu’à l’accoutumé : il a filmé pendant des mois le peuple Ta’ang du Myanmar, contraint de s’exiler en Chine pour sa survie (…)
Lire la critique complète.
Le mercredi 17
Festival de Berlin – section Forum
LIFE AFTER LIFE ????
de Zhang Hanyi (Zhi fan ye mao, 1h20, fiction)
Dans la première scène, un vieil homme évoque sa mort prochaine, il parle de sa ferme et de son bois. Cut. Il meurt, et son corps se retrouve bien dans un cercueil en bois, porté par d’autres hommes grâce à des tronçons. Plus tard, son petit petit neveu n’a pas le même respect du bois, lui qui préférerait se chauffer avec une couverture électrique, dit-il. On s’attend alors à ce que Larry David vienne lui tirer les oreilles, mais c’est finalement l’esprit de sa mère qui s’invite en lui pour lui donne une leçon. Elle veut revoir l’arbre qu’elle a planté vingt ans plus tôt, qui aura vécu avec elle pendant dix années, l’arbre qui lui aura survécu. Le terrain s’apprêtant à être rasé, elle veut le déplacer et son fils va l’aider. Fable sur le passé, le futur, la passation, Life after Life pourrait même évoquer Le quattro volte (2010), autre histoire de bois et de chèvres, d’arbre à déplacer, de réincarnations. A l’image du blouson du neveu qui épelle Adidas «Daoias», on retrouve tous les éléments du film de Michelangelo Frammartino, mais dans le désordre. Seulement, l’authenticité manque un peu. Le regard-caméra final insistant est un indicateur de la volonté de border le plus proprement possible cette fable ésotérique et esthétisante produite par Jia Zhangke. Un peu comme l’immeuble-fusée au milieu de Still Life, il y a ici une scène stupéfiante de déplacement d’un rocher gigantesque à mains nues face à laquelle on ne saurait dire s’il s’agit d’un moment de grâce ou d’une excroissance roublarde.
Courant février
Sortie VOD
ANGEL OF NANJING ????
de Jordan Horowitz et Frank L. Ferendo (1h07, documentaire)
Chen Si s’est mis en tête de sauver tous ceux qui cherchent à se donner la mort en sautant du pont de Nanjing qui surplombe le fleuve du Yang-Tsé. Le drame est qu’ils sont très nombreux, mais le bon côté reste que Chen Si en sauve effectivement un grand nombre. Son personnage gagne en consistance quand il dévoile le conflit intérieur qui l’agite dès lors qu’il décide de ne pas se rendre sur le pont ne serait-ce qu’une journée, sachant pertinemment que des vies ne seront pas sauvées quand elles auraient pu l’être. Les coréalisateurs prennent le temps d’esquisser quelques réflexions, notamment sur la viabilité du sauvetage d’une personne ne souhaitant précisément pas l’être, ou sur la notion même d’altruisme et le degré de désintérêt de celui qui vient en aide. A ce sujet, le documentaire télévisé Vers un monde altruiste ? de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade est autrement plus stimulant, toutefois. Malheureusement, le manque d’ambition formel ne joue pas non plus en la faveur de Angel of Nanjing, en particulier son utilisation maladroite d’images d’archives de journaux télévisés, entre émotion brute et procédé racoleur.
MARS
Le samedi 19
Cinéma du Réel – Séances spéciales
WELCOME ??????
de Zhu Rikun (Huan Ying, 1h03, documentaire)
Ayant deviné que le réalisateur Zhu Rikun ne s’était pas déplacé dans cette zone du Sichuan pour la beauté des paysages mais bien pour interroger les victimes de maladies respiratoires répandues dans la région, les autorités locales n’ont pourtant de cesse de lui demander de leur montrer les fameux plans de nature qu’il leur assure avoir tourné. Ils ne verront rien, et nous non plus (…)
Lire le reste de l’article au sujet du film.
Le lundi 21
Cinéma du Réel – Compétition premiers films
OF SHADOWS ????
de Yi Cui (1h20, documentaire)
Hommage documentaire aux spectacles d’ombres chinoises, Of Shadows n’enfonce aucune porte ouverte : d’une part parce que l’on n’y verrait plus rien, d’autre part parce qu’aucune étude sociologique n’est nécessaire pour démontrer que cet art ancestral attire moins la jeunesse chinoise qu’un Star Wars ou The Mermaid de Stephen Chow. L’intention de Yi Cui est de parcourir des zones rurales excentrées pour voir si, même là, ces artistes de l’ombre peinent à tirer leur épingle du jeu. La difficulté est notamment illustrée lors d’une scène où la caméra panote depuis un spectacle d’ombres que personne ne regarde vers une projection de film en plein air déjà plus prisée… jusqu’à ce que la technique lâche (l’écran s’écroule). La bataille n’est pas encore perdue. Les comédiens, qu’il est admirable de voir maîtriser chant, instruments et marionnettes, confient leur tiraillement entre devoir accepter de se produire devant un par-terre d’officiels (versions écourtées, commandées pour le folklore, payées) ou bien devant un public plus clairsemé à la campagne (passion et bénévolat). C’est en cela que l’on comprend que Yi Cui coupe juste avant le début du spectacle quand la troupe joue pour un grand rassemblement officiel. C’est à leur travail, à leur enthousiasme quotidien qu’il s’intéresse plus qu’à la passation vers le public, trop fragile et fluctuante pour faire honneur à leur talent. La conclusion voit les quelques artistes entonner avec humour les paroles d’un chant patriotique infiniment clément envers leur pays alors que leur camionnette est tombée en panne, entre deux spectacles qui ne leur apporteront ni argent ni de quoi se nourrir.
Le mercredi 23
Sortie en salles en France
KAILI BLUES ????????
de Bi Gan (1h50, fiction)
Chen, médecin à Kaili, part à la recherche de son neveu dans un village où le temps semble s’écouler différemment. Primé à Locarno et aux Trois Continents, ce premier film d’un cinéaste chinois de 26 ans est d’une richesse et d’une puissance exceptionnelles (…)
Lire la critique complète.
Le mercredi 30
Sortie en salles en France
SHADOW DAYS ??????
de Zha Dayong (Gui ri zi, 1h39, fiction)
Un jeune homme revient dans sa ville natale avec sa copine, enceinte de lui, afin d’y retrouver un peu d’anonymat et ainsi échapper à un passé encombrant. Pour gagner sa vie, il participe aux kidnappings de femmes enfreignant la loi de l’enfant unique, pour tuer leur bébé à naître : dans la lignée des films chinois les plus sinistres arrivés jusqu’à nous, Shadow Days l’est aussi mais sans être racoleur, entretenant une distance et une sobriété qui servent sa valeur documentaire (…)
Lire la critique complète (C.B.).
AVRIL
Le jeudi 21
Visions du réel
ANOTHER YEAR
de Shengze Zhu (3h01, documentaire)
non visionné
MAI
Le mercredi 4
Sortie en salles en France
RED AMNESIA
de Wang Xiaoshuai (Gui ri zi, 1h39, fiction)
non visionné
SEPTEMBRE
Le jeudi 1er
Mostra de Venise – section Orizzonti
CE QUI NOUS ELOIGNE ????
de Wu Hei (18 min, fiction)
Toute star qu’elle soit, Isabelle Huppert ne s’y est pas trompé en acceptant un second rôle dans le deuxième court-métrage de Hu Wei. C’est un futur grand, du cinéma français ou chinois cela reste ouvert, le jeune réalisateur naviguant entre les deux. Ce qui nous éloigne est un petit film parfaitement construit sur le lien filial, sur l’abandon et l’amour, sur la fragilité de la reconstruction des sentiments. Touchant mais sans égaler la puissance du premier film de Hu Wei, l’incroyable Lampe au beurre de yak (2013), qui imaginait la possibilité d’un film en plans fixes mais aux décors changeants (Grand Prix à Clermont et nommé à l’Oscar du Meilleur court-métrage).
OCTOBRE
Le vendredi 7
Festival de Busan (Corée)
KNIFE IN THE CLEAR WATER ??
de Xuebo Wang (1h33, fiction)
Dans la région du Ningxia, un vieil homme devient veuf. Selon une tradition musulmane, controversée mais à laquelle souscrit ce peuple Hui, la commémoration du 40ème jour après la mort connaît une importance telle que les soucis financiers de la famille se doivent d’être surmontés pour le bien de l’événement. Parmi les dépenses et offrandes envisagées, le fils propose de sacrifier le taureau vieillissant qui sert à labourer leurs terres. Seulement, le père semble ne pas souhaiter se séparer de l’animal. C’est une belle proposition, mais elle est unique. Et on le devine seulement parce qu’au tiers du récit, après avoir évoqué le sacrifice éventuel, l’homme confie à une connaissance «avoir passé du temps récemment assis auprès de l’animal». Les quelques autres dialogues, car ils sont rares, évoquent encore les notions d’entraide et de générosité : un voisin demande du riz pour nourrir sa famille, une cousine se souvient d’un geste généreux de la défunte. C’est suffisant pour considérer Knife in the clear water comme un conte moral, mais sans inviter pour autant à la réflexion, privilégiant l’anecdote au discours, et la chronique la plus épurée à la prolifération des enjeux.
Le mercredi 16
Sortie en salles en France
TA’ANG ??????
de Wang Bing (2h28, documentaire)
Lire la critique plus haut (février)
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