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Inscrit de dernière minute à Un certain regard, après l’annonce officielle de la sélection, White god est reparti de Cannes avec la récompense principale décernée par le jury de cette compétition parallèle. Le film est pourtant un bien piètre exemple du genre horrifique auquel il se rattache. Un de plus, car à mesure que les représentants de cette branche mal considérée du cinéma font leur trou dans les différentes sections du festival, le malaise va grandissant : Cannes ne sait pas choisir ses films d’horreur.
Commençons par un retour en arrière. En 2012, deux des beaux coups de la Quinzaine des Réalisateurs furent la présentation de la saga criminelle indienne Gangs of Wasseypur et, en séance spéciale, de la comédie gore anglaise Touristes. Surfant de manière opportuniste sur cette réussite, l’an dernier la Quinzaine a misé sur le film de genre « sale » sans compter et surtout sans discernement. We are what we are, Blue ruin, On the job et l’affreux Last days on Mars ont fait l’effet d’une trahison d’une tradition de longue date de cinéma alternatif de qualité (de Massacre à la tronçonneuse à The host). Pas embarrassée pour autant, la Quinzaine a remis le couvert cette année, réinvitant le réalisateur de We are what we are Jim Mickle pour Cold in july, et lui adjoignant d’autres productions bis oscillant entre le quelconque et le médiocre, These final hours, A hard day, Catch me daddy… Seul le français Mange tes morts était réellement à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre de l’association « cinéma de genre + festival de Cannes ». Plus problématique encore que cette obstination stérile, puisque n’apportant rien à cette veine de cinéma, est le fait qu’elle semble donner des idées aux voisins.
La Semaine de la Critique s’est elle aussi mise en tête de prendre la vague, avec parmi ses sept films en compétition deux purs films d’horreur – dissemblables dans le résultat, acceptable pour It follows et mauvais pour When animals dream ; mais l’un comme l’autre simples redites de formules et de principes connus. Des films qui auraient plus leur place à Gérardmer, sans garantie d’y triompher. Le pronostic vaut aussi pour White god. En remplaçant singe par chien, San Francisco par Budapest et James Franco par Zsofia Psotta (la jeune actrice qui tient le rôle principal), vous tenez l’essentiel des différences de scénario entre White god et La planète des singes : les origines. Sauf que le remake officieux hongrois est bien inférieur au blockbuster américain – signe d’à quel point le cinéma d’horreur d’auteur qu’on voudrait nous vendre sur les bords de la Méditerranée est dans l’impasse. Le réalisateur Kornel Mundruczo est incapable de concevoir une mise en scène reposant sur véritablement autre chose qu’une bonne louche de niaiserie Disney dans la première partie du récit (la séparation entre l’adolescente et son chien, leurs « odyssées » respectives), et des effets nanardeux dans la seconde moitié. Le chien abandonné s’y mue en meneur d’une armée de chiens se rendant maîtres de la ville et perpétrant leur vengeance dans le meurtre.
L’idée n’est pas plus bête qu’une autre. Mais parce qu’elle est amenée par un auteur adoubé par la sphère – la bulle ? – des festivals (ce qui est aussi le cas pour David Robert Mitchell et son It follows), et en raison d’un manque flagrant du bagage nécessaire au repérage de ce qui distingue une mise en scène d’horreur inspirée d’une autre ratée, White god se voit couronné au bénéfice de ses seules intentions. La manière de les porter à l’écran fait pourtant peine à voir – ou provoque des rires nerveux, on réagit chacun à sa façon devant un nanar. Pas une scène d’attaque des chiens ne vaut mieux qu’une série Z d’exploitation. Et même la manière de développer le propos politique du récit (les bâtards canins comme allégorie du pourrissement raciste à l’œuvre en Hongrie), pourtant un point habituellement fort du cinéma de festivals, n’arrive pas à la cheville de ce qu’ont pu accomplir les grands artisans américains des années 70. John Carpenter, Wes Craven, ou Tobe Hooper dont le Massacre à la tronçonneuse était remontré en copie restaurée en séance spéciale à la Quinzaine. On espère que certains parmi les festivaliers peu au fait de la valeur réelle du cinéma d’horreur s’y sont rendus, ils y auront appris bien des choses.
WHITE GOD (Feher isten, Hongrie, 2014), un film de Kornel Mundruczo, avec Zsofia Psotta, Sandor Zsoter, Lili Horvath. Durée : 119 min. Sortie en France indéterminée.