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L’annonce du changement complet de cap de David Robert Mitchell, du teen movie éthéré The myth of the american sleepover au teen movie horrifique It follows, avait provoqué un mélange de curiosité et de crainte. Le film qui se cache derrière ce revirement ne lève pas l’incertitude : il nous frappe aux tripes mais ne fait pas grand-chose pour convaincre notre cerveau.
On ne perçoit aucun ricanement cynique, aucun second degré « méta » de petit malin imbu de sa personne dans It follows. Ce rejet des principales tares du cinéma d’horreur actuel est la bonne base de départ du film ; la sincérité de Mitchell rend ses effets d’épouvante d’autant plus valides. Parce qu’il croit à la terreur dont ceux-ci sont porteurs, à la panique qu’ils provoquent chez son héroïne, on y croit à notre tour. La règle du jeu est simple, dérivée directement de Ring : une malédiction qui se transmet d’individu en individu, non plus en visionnant une cassette vidéo hantée mais en faisant l’amour. Autres variations de forme, l’entité d’outre-tombe qui vous prend alors comme proie ne vous tombe pas dessus au bout de sept jours, mais n’importe quand ; en arrivant de loin – « elle » ne peut que marcher, mais n’arrête jamais de marcher – et en adoptant n’importe quelle forme humaine. Également comme dans Ring, la traduction du concept en mise en scène est diablement efficace. Les images imperturbables affirment la réalité de l’impossible présence, le son furieux exprime la peur incontrôlable ressentie à leur approche par les victimes.
Chacune des deux propositions personnelles ajoutées par Mitchell à la malédiction s’apparie naturellement à un élément de base de la grammaire du cinéma : la marche inexorable de ces zombies avec la profondeur de champ, leur changement d’apparence physique avec les coupes et les changements d’axe. Formellement, et donc viscéralement, It follows fonctionne. Il nous agrippe, nous choque, nous hérisse le poil, et son réalisateur a en plus suffisamment d’inspiration pour renouveler son idée de départ à chaque nouvelle confrontation ou fuite, et ainsi rendre son train fantôme effrayant et prenant tout le temps que dure le parcours. Car il ne s’agit bien que d’un divertissant train fantôme, malheureusement. Une belle coquille un peu vide, qui pioche partout (pêle-mêle en plus de Ring on trouve Morse, John Carpenter, et bien sûr les motifs classiques de l’horreur américaine que sont la problématique du sexe et la victime expiatoire blonde), reproduit avec l’application d’un exercice de style efficace, mais invente très peu et ne raconte pas grand-chose non plus.
Rien n’a de consistance dans It follows. Les personnages sont des pions sans âme, le propos sur le sexe est au choix lamentable ou irréfléchi (coucher paraît mener à la débauche, mais le film n’a peut-être tout simplement pas pensé cette partie de son sujet), les rebondissements du script tombent du ciel et sont de pure forme, vides de toute intention. Un exemple[incluant un léger spoiler] : à un moment, l’entité prend l’apparence du père de l’héroïne. Mais cela n’a aucun retentissement émotionnel ou psychologique, au contraire de ce qui se produisait par exemple dans le beau The hole de Joe Dante [fin du léger spoiler]. Finalement, comme une sorte de démonstration par l’absurde que l’horreur n’est pas faite pour Mitchell, les seuls moments où son film touche une corde sensible sont ceux où le principe de l’intrigue sert de prétexte à reproduire des sleepovers (« soirées pyjama »), réminiscences de sa première œuvre. Dans ces scènes d’attente des zombies pour un temps mis à distance, Mitchell filme l’indolence de l’adolescence, l’ennui de cet âge trop vieux pour s’émerveiller encore du monde et trop jeune pour être piégé dans son quotidien. Et ça, il le fait diablement bien.
IT FOLLOWS (Etats-Unis, 2014), un film de David Robert Mitchell, avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Daniel Zovatto, Olivia Luccardi. Durée : 94 minutes. Sortie en France le 4 février 2015.