CANNES 2014 : la Quinzaine s’offre 6 polars… et une princesse

Sauf surprise voire méprise, pas de comédie (à succès) telles Camille redouble ou Les garçons et Guillaume, à table ! cette année à la Quinzaine. Mais une demi-douzaine de polars, le Grand Prix de Sundance, la métamorphose de Bruno Dumont, une princesse croquée par Takahata et… l’Apocalypse.

Le délégué général de la Quinzaine Edouard Waintrop était ravi ces deux dernières années de pouvoir annoncer des sélections placées sous le signe de la comédie. A défaut d’avoir pu reconduire la remarque lors de la conférence de presse de l’édition 2014, il a néanmoins trouvé un autre genre à distinguer. Sur les 19 long-métrages projetés, 6 sont des policiers. Avec des teintes plus ou moins marquées, des reflets horrifiques dans Alleluia de Fabrice du Welz (Calvaire) ou comiques dans P’tit Quinquin de Bruno Dumont. Forcément, de lui-même, Edouard Waintrop en vient à assurer que sa langue n’a pas fourché concernant ce dernier titre : dans cette série télé produite pour Arte, dont les 4 épisodes seront accolés lors d’une séance spéciale de 3 heures, le polar le disputerait donc à la comédie. Impossible d’être plus curieux, et plus pressé, de découvrir cette nouvelle voix empruntée par l’auteur de L’humanité et de Camille Claudel 1915.

Don Johnson dans COLD IN JULYLes quatre autres polars annoncés ne sont pas forcément tous identifiés mais, sauf erreur, il devrait s’agir de : Cold in july de Jim Mickle, le réalisateur de We are what we are (Quinzaine 2013), qui était un remake de Somos lo que hay de Jorge Michel Grau (Quinzaine 2010 !), et dans ce nouveau Mickle l’apparition de Don Johnson à l’écran vaudrait à elle seule la déplacement dans la salle du JW Marriott ; Mange tes morts de Jean-Charles Hue, après La BM du seigneur et toujours avec la famille Dorkel, membres de la communauté des gens du voyage qui partent cette fois chez les «gadjos» pour un road-movie certainement turbulent ; Catch me daddy de Daniel Wolfe, qui se déroule à Bradford comme Le géant égoïste de Clio Barnard (sans doute le plus beau film de l’édition 2013) ; et enfin A Hard Day du coréen Kim Seong-Hun. Qui ne serait pas attiré par les polars coréens peut au moins se réjouir du choix de l’acteur principal : Lee Sun-Kyun, fidèle de Hong Sangsoo, qui l’a dirigé dans Oki’s movie, Haewon et les hommes ou Our Sunhi.

Pour tempérer l’ambiance, la fraicheur ne viendra donc pas de la comédie. A priori, pas de Tip Top ou de Les garçons et Guillaume, à table ! comme l’an passé (déjà bien éloignés dans le spectre du genre, d’ailleurs), et semble-t-il pas plus d’équivalent à Camille redouble, présenté l’année d’avant. Le film d’ouverture, le très attendu Bandes de filles de Céline Sciamma (Tomboy), probablement sans tenir du feel good movie pourrait malgré tout lancer la Quinzaine sur une note alerte et aérienne. Plus tard dans la semaine, tous les festivaliers comptent sur le grand retour d’Isao Takahata (Le tombeau des lucioles) avec Kaguya Hime pour s’évader plus loin, plus haut qu’avec aucun autre film de la section parallèle. Quant au Prix du public et Grand prix du jury Sundance 2014, successeur grâce à ces distinctions de Fruitvale Station (2013) et Les bêtes du sud sauvage (2012), c’est bien Waintrop et non Frémaux qui l’a récupéré, contrairement à ses deux ainés sélectionnés au Certain Regard. Le film s’appelle Whiplash, et évoque la relation électrique du batteur d’un orchestre de jazz et son professeur.

FRUITVALE STATION (à gauche), WHIPLASH (au centre), LES BÊTES DU SUD SAUVAGE (à droite)

A ces deux-trois exceptions près, la sélection parait donc assez sombre. «Frédéric-Boyerienne» diront les plus mauvaises langues. Alors, quand un journaliste interroge Edouard Waintrop sur l’état du monde que reflète sa sélection et, plus encore, l’ensemble des films que son comité et lui ont vu durant l’année, le délégué général en convient laconiquement : «Le monde ne va pas bien». C’est dit. L’occasion d’exprimer ensuite, une fois encore, son regret de ne pas pouvoir proposer plus de comédies, alors qu’elles seraient précisément utiles pour divertir et élever le spectateur maussade, « comme à Hollywood après la crise de 1929 » ajoute-t-il. Le film de la Quinzaine qui témoigne le mieux de la période de crise actuelle serait alors l’apocalyptique These Final Hours de Zak Hilditch. Le sélectionneur en chef l’annonce comme une «série B», mais tout festivalier doit espérer qu’il ne s’agit pas d’une «Z»… comme le désolant Last Days on Mars l’année dernière.

Enfin, du côté des courts, Cambodia 2099 est le plus alléchant… sans ne rien en savoir. Ceci peut-être parce que son titre sonne comme un court-métrage SF de l’installation Primitive d’Apichatpong Weerasethakul. Le raccourci par l’Asie du sud-est un peu idiot, mais irrépressible, et s’il nous donne envie de découvrir ce nouveau film de Davy Chou après son beau Sommeil d’or, c’est tant mieux.

La 46ème Quinzaine des Réalisateurs se déroule du 15 au 25 mai 2014.

Hendy Bicaise
Hendy Bicaise

Cogère Accreds.fr - écris pour Études, Trois Couleurs, Pop Corn magazine, Slate - supporte Sainté - idolâtre Shyamalan

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