Il pleut, il pleure, et du ragoût de chair humaine est au menu des Parker depuis des siècles. Mais les deux sœurs en ont marre : Jim Mickle pourrait aller très loin, mais se contente de prétendre à un prime time de soirée Halloween.

Grands indécis, réjouissez-vous : diaboliquement persévérer dans l’erreur est à la mode. Du tube de l’été Get Lucky à la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs 2013, de « We’ve… come too far… to give up… who we are… » à « We are who we are » – inutile de feindre l’étonnement, du coup, en constatant que le réalisateur Jim Mickle se fourvoie. Son film est en effet à peu près aussi banal que son plan d’ouverture, où s’élabore platement la rencontre d’un plan de ruisseau sous la pluie et d’une mélodie au violoncelle (mais que fait Pharell Williams?). Ce qui sort de l’ordinaire n’est cependant pas beaucoup plus réussi : l’histoire est celle d’une famille qu’une tradition séculaire oblige à consommer de la chair humaine. Evidemment, ça ne facilite pas les relations avec les voisins, qui ont tendance à finir enchaînés dans la cave en attendant d’être cuits. En découle une sorte de film d’horreur pour végétariens parfois ridicule, où un gros plan sur une bête assiette de ragoût, censée contenir de la viande de voisine, se retrouve affublé d’une musique menaçante et d’un suspense maladroit – mangera-t-y, mangera-t-y pas ? A un problème près : on ne se demande pas alors si le personnage va oser manger sa cuillerée de soupe, mais si le réalisateur va oser le filmer, ce qui est très différent dans la mesure où le suspense ne porte pas sur l’histoire, mais sur l’audace supposée du réalisateur, dont on se moque un peu.

On pense à M. Night Shyamalan, d’abord parce que la famille évoque celle du Village, aussi parce que Jim Mickle voudrait réussir à terrifier son spectateur avec quelque chose d’aussi nul qu’un bol de soupe, comme Shy avait su rendre inquiétant, dans Phénomènes, de simples bourrasques de vent. L’autre problème du film tient à ses séquences gores proprement dites, qui font de We are what we are – c’est là qu’on peine à croire qu’il s’agit bien de la Quinzaine des Réalisateurs de à Cannes – une sorte de crypto-porn sanguinolent déguisé en étude anthropologique. D’abord lorsque l’héroïne (Robin Tunney, vue dans Prison Break) décide de faire la nique à Papa et d’embrasser le bellâtre du village, puis aussitôt de s’allonger dans l’herbe et de l’inviter à passer à l’étape suivante : la scène se finit sur l’héroïne éclaboussée de sang par son partenaire tout crispé, non pas de plaisir, mais parce que Papa, justement, a le coup de pioche leste ; ensuite lorsque les deux sœurs se mettent à grignoter Papa et que le tout ressemble, vu de loin, à n’importe quelle scène dans laquelle deux filles s’activent sur un garçon – l’éclairage à la bougie en plus. Le meilleur, c’est qu’il s’agit là du remake d’un film mexicain, Somos lo que hay de Jorge Michel Grau qui avait déjà été sélectionné à la Quinzaine en 2010 et qu’il n’y avait alors ni scène de crypto-cul, ni violence ultra-graphique à l’image, et que le cannibalisme n’était finalement pas le thème principal. Ce qui était plutôt intelligent dans la mesure où, finalement, le cannibalisme n’est plus vraiment le sujet d’actualité qu’il était, disons, à la Préhistoire.

WE ARE WHAT WE ARE (Etats-Unis, 2013), un film de Jim Mickle. Avec Kelly McGillis, Nick Damici, Michael Parks. Durée : 100 min. Sortie en France non déterminée. 

Camille Brunel
Camille Brunel

Journaliste en attente du prochain texte. Auteur jusqu'à présent d'une centaine d'entre eux pour Independencia, Débordements et Usbek&Rica, et de trois bouquins: Vie imaginaire de Lautréamont, La Guérilla des Animaux et Le Cinéma des Animaux. Attend la suite.

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