Au festiVal-de-Grâce : je suis MANIAC, complètement MANIAC

Le patient Maniac est entré au festiVal-de-Grâce, l’hôpital privé d’Accréds, le 2 janvier 2013. Après examens, il semblerait qu’il soit atteint du syndrome de « La Dame du lac » (voir l’archive vidéo en bonus), lequel se traduit par une utilisation compulsive et trop littérale de la vue subjective. D’autres troubles sont apparus en cours de visionnage : psychologisation et misogynie. Cependant, le patient sait aussi faire preuve d’un certain savoir-faire dans les scènes de meurtre. Diagnostic : son déséquilibre en fait un remake moins indigne qu’inégal. 

En 2010, Piranha 3D en excellent artisan du gore, aujourd’hui Maniac en producteur et scénariste moins inspiré : est-ce à dire que Alexandre Aja en a fini avec les années soixante-dix et qu’il passe à la décennie suivante ? Encore vingt ans comme ça et il refera ses propres remakes. Son absence à la réalisation explique-t-elle l’échec de ce remake (encore un donc) du film culte de William Lustig ? Pas sûr. Avec Aja aux commandes, le résultat n’aurait pas été plus convaincant si on part de l’hypothèse suivante : il n’aime pas les miroirs ou, s’ils les aiment, ils ne lui réussissent pas ; ces miroirs qui absorbent le gardien de nuit de Mirrors – seul ratage du talentueux frenchy à ce jour – pour l’enfermer dans un reflet inversé du monde réel ; ces miroirs parsemés dans Maniac qui donnent à voir le visage juvénile et assombri d’Elijah Wood (attention âme torturée) et cassent la monotonie de la caméra subjective. Ironie : Franck se fait arracher la peau du visage et les membres par ses victimes revenues d’entre-les-morts. Dans son esprit malade. Car en se plaçant de son point de vue, Khalfoun nous aura fait entrer dans sa boîte crânienne. Au pied de biche.

Des yeux sans visage, le tueur en série comme un homme à la caméra, dépositaire des pleins pouvoirs du metteur en scène : Kahlfoun fait un usage naïf et systématique d’un poncif de l’horreur post-Halloween – moqué quasi-instantanément par De Palma dans Blow Out – bien que ce poncif fasse l’attrait et l’efficacité des scènes de meurtre. Maniac a aussi pour lui son écrin eighties (buildings illuminés, téléviseur d’époque, incroyable bande originale de Rob), qui n’aurait rien à envier par exemple à celui de Drive. Mais là où le Carpenter d’Halloween cherchait l’opacité, l’évanescence, la surhumanité monstrueuse et maléfique derrière le masque, Kalfhoun fait dans la transparence et la psychologie. Si Franck est obsédé par le cuir chevelu, s’il réserve le scalp de ses victimes aux mannequins qu’il restaure dans sa boutique (affleure ici un propos sur le meurtre comme sublimation et création artistique, à l’oeuvre déjà chez Lustig, et mieux exploité), c’est parce qu’il a vu Maman faire la putain. Difficile de trouver une explication plus stupide à sa psychose. Et plus misogyne aussi. Au final, un remake moins indigne qu’inégale. Un film avec des yeux mais un film sans visage.

En bonus, un extrait de La Dame du lac de Robert Montgomery et de son utilisation naïve de la vue subjective : 

MANIAC, un film de Franck Khalfoun, avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, America Olivo. Durée : 89 min. Sortie en France : le 2 janvier 2013. 

Nathan Reneaud
Nathan Reneaud

Rédacteur cinéma passé par la revue Etudes et Vodkaster.com. Actuellement, programmateur pour le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux et pigiste pour Slate.fr. "Soul singer" quand ça le chante.

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