Au festiVal-de-Grâce : (25 minutes de) DRACULA 3D de Dario Argento

Retour au festiVal-de-Grâce qui, comme son nom l’indique, est un lieu étrange pour films malades… Dans le cas de Dracula 3D, l’auscultation se fait pendant sa période d’incubation : la maladie n’est pas encore déclarée, les symptômes attendus mais pas officiellement visibles. Le nouveau film de Dario Argento, dont j’ai pu voir 25 minutes au Marché du film de Berlin, n’est pour l’heure qu’un cas préoccupant.

Le festival de Berlin ne se résume pas à une demi-douzaine de compétitions parallèles. La Berlinale, c’est aussi un gigantesque Marché du film. Ses projections sont usuellement inaccessibles aux journaliste, aussi curieux soient-ils. Bien décidé malgré tout à jeter un œil, derrière des lunettes 3D, aux 25 minutes de Dracula version Dario Argento… je me suis frayé un chemin. Mais, à ce jour, je ne sais toujours pas si j’ai fait des pieds et des mains pour découvrir le « promo reel » de Dracula 3D de Dario Argento par intérêt pour le cinéaste ou si je fus avant tout guidé par le plaisir presque coupable d’une, très relative, primauté.

Je me présente devant la salle à l’heure de la première des trois mini-projections organisées ce jour-là au festiVal-de-Grâce. Les infirmières, déguisées en ouvreuses de cinéma, n’ont qu’une consigne : n’accepter aucun journaliste. Seulement, j’insiste un peu. Certes, il ne s’agit que d’une vingtaine de minutes mais le défi commence à prendre le pas sur la raison. Les deux jeunes filles me dirigent vers un membre de l’équipe du film qui, à son tour, interroge une instance supérieure. Il tente d’appeler directement le producteur de Dracula 3D. Il me dit qu’il est en chemin et va pouvoir régler ça directement avec moi. Comme je ne sais pas à quoi il ressemble, au-delà de sa grande blouse blanche, je ne suis pas bien avancé. Estimant avoir autre chose à faire (en l’occurrence, à 15h20, enfin déjeuner…), je m’en vais. Une fois sustenté, je passe de nouveau aux abords de la salle. Il est presque 16h, soit l’heure de la troisième et ultime séance du film. Je discute de nouveaux avec les deux personnes à l’accueil. Elles rappellent le producteur et tentent de satisfaire ma requête : « Can Hendy.. hum.. Bykeez from Accreeeds… attend the screening ? ». L’homme doit retourner l’appel dans quelques minutes pour donner sa réponse. Le temps passe, la projection débute et la sonnerie ne retentit toujours pas. Trouvant la situation de plus en plus absurde, je tourne les talons et me dirige vers la ausgang la plus proche. A un petit pas seulement de l’extérieur, j’entends ceux de l’infirmière : elle court à ma rencontre pour me signaler que j’ai reçu l’autorisation de voir la bande promo de Dracula 3D. Il va s’en dire que le soulagement est comparable à celui qu’éprouve un condamné à mort lorsque le gouverneur appelle in extremis pour annuler sa sentence.

J’ai manqué les 3, 4 premières minutes mais pénètre quand-même dans la salle. L’impression est étrange : j’entre par le bas, plongé dans le noir, l’enceinte est gigantesque mais seuls 5 ou 6 spectateurs disséminés y ont pris place. J’avance à tâtons, alors que des sons inquiétants résonnent de plus en plus fort. Pour vous donner un aperçu de l’ambiance, cet instant me fait penser à la scène où Donnie Darko assiste à une reprise d’Evil Dead au cinéma ou à la séance d’hypnose dans le film éponyme de David Koepp.

Donnie Darko (Richard Kelly, 2002), belle scène, souvenir glaçant…

La promo de 25 minutes a débuté. Première constatation, elle reprend les mêmes scènes, dans le même ordre, que la longue bande-annonce diffusée sur Internet quelques semaines plus tôt. Les bribes de scènes vues en ligne deviennent ici des passages entiers ou presque. Parmi les moments les plus fous à venir de Dracula 3D, se distinguent aisément le suicide d’un garde avec une balle de revolver lui traversant la bouche, captée en gros plan et ralenti extrême façon Le syndrome de Stendhal (1996), ou encore le meurtre d’un homme dans un couloir par une mante religieuse translucide de plus de trois mètres. L’influence esthétique première, assurée dès les premières photos du film disponibles, reste celle d’un cinéma gothique, qu’il soit d’obédience britannique telles les productions de la Hammer ou italienne avec les films de Mario Bava (notamment Opération Peur, 1966) ou Le moulin des supplices de Giorgio Ferroni (1960) Toutefois, à mesure que les saynètes défilent, une autre inspiration, certainement moins assumée mais aussi visible, fait son chemin : Dracula 3D aurait été contaminé par des films TV fantastiques japonais. Argento confronte de manière analogue prises de vue réelle et synthèse, reproduisent cette étrange incapacité des figures CGI du surnaturel à s’incruster dans le monde des vivants. Un rendement formel qui peut créer le rejet mais aussi la fascination. Pour comparer ces quelques minutes de Dracula à ce qui se fait de mieux dans le film de genre à la télévision nippone, j’en viens à penser à Takashi Miike et ses deux excellentes séries TV : Tennen Shojô Man Next (1999) et MDP Psycho (2000).

La brève BA américaine de MPD Psycho de Takashi Miike :

Les vingt-cinq minutes du prochain Argento se sont écoulées. Nul doute que les haters, qui rient depuis les premières images disponibles du projet, qui attendent chaque nouvelle sortie du maître déchu du giallo pour mieux se moquer, trouveront de quoi se gausser face à Dracula 3D, avec ses comédiens aux déclamations approximatives et ses effets spéciaux marginaux. Bien entendu, ils n’ont pas foncièrement tort. Mais, personnellement, sans vendre la peau de l’ours pour autant, je vais attendre le film avec un peu plus de bienveillance qu’escomptée. Au-delà de l’attrait volontiers paradoxal pour son imagerie toc, je me suis retrouvé authentiquement séduit par les images devant moi ce jour-là.

Dans une explosion finale, quand apparaissent à l’écran le titre « Dracula 3D » et la mention « Ready for March 2012 », je me rends compte que la dernière séquence m’avait réellement aspiré. Il s’agit peut-être de la dernière séquence du film, on y trouve Thomas Kretschmann en Dracula, Rutger Hauer en Van Helsing et Asia Argento, mais je vous cacherai encore qui fait quoi. Le petit suspense en cours, la musiques vrombissante, cette incrustation des effets spéciaux de nouveau brinquebalante, voici le curieux mélange d’une dernière séquence qui a réussi à rendre concluante l’expérience de la bande promo. Le mal est fait : j’ai attrapé le virus, je veux voir Dracula 3D.

Aucune sortie en France pour Dracula 3D n’est encore prévu. Pour patienter jusqu’à sa distribution, voici sa bande-annonce « work in progress » :