Festival 2 Valenciennes, jour 3 : lendemain de cuite et palmarès

Cet article est un compte-rendu du Festival 2 Valenciennes en trois parties, à suivre comme un feuilleton, day after day. C’était déjà notre dernier jour à Valenciennes et il ne restait que deux projections avant l’annonce du palmarès composé de quatre prix dans la compétition documentaire (le Grand Prix, désigné par Bernard Notre Sauveur, le prix de la Critique, le prix du public et enfin celui des étudiants.) Spoiler : les quatre prix ont été attribués à quatre films différents, ce qui est d’une part assez pertinent et d’autre part plutôt chouette pour la grande famille du cinéma.

Jour 3

(Vous pouvez aussi rattraper le Jour 1 et le Jour 2)

Pas totalement remis de notre soirée de la veille, on commence heureusement doucement avec Cinéma, mon amour, film roumain très court (1h10) d’Alexandru Belc. On y suit le combat d’un exploitant pour la survie de son établissement dans une petite bourgade pittoresque au nom chantant de Piatra Neamț.

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Pour tout dire, le prétexte du film est d’abord celui du constat accablant de la disparition catastrophique des salles en Roumanie. Auparavant cinéma d’Etat, le pays en comptait 400. Il n’en compte plus que trente, pour vingt millions d’âmes. Et pour ceux qui survivent, comme celui de Victor Purice, le temps n’est pas vraiment au beau fixe : la salle est belle mais les plâtres se délitent dangereusement, le chauffage crachote, et les spectateurs se font rares, même en leur offrant couverture et thé chaud pour ne pas finir comme Jack Nicholson dans Shining.

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Notre Victor Purice, ours des Carpates aux faux airs d’Armin Mueller-Stahl et de Philippe Noiret dans Cinema Paradiso oscille entre résignation et enthousiasme puéril : c’est que l’homme à la moustache est presque né dans une salle de cinéma et y a dédié toute sa vie. C’est là sans doute le charme du film et peut-être aussi sa faiblesse : tout attaché à s’énamourer du bagout folklorique de Victor, on en oublierait presque l’objet préoccupant d’un film qui s’arrête d’ailleurs sans qu’on sache vraiment pourquoi… Comme dans ce premier plan éloquent où des gamins s’amusent avec des pellicules à l’abandon, tout paraît survolé entre quelques morceaux de vie quotidienne : les menus travaux, le bocal de légumes qu’on ingurgite sur le pouce, le raclement sourd du chauffage qui agonise, les séances jeune public… Tout ça manque cruellement de liant et se rapproche d’un exposé un peu maladroit, celui de l’élève Victor, trublion volontaire et attachant mais un peu dissipé et dans la lune. 11/20 : peut mieux faire.

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On range nos cahiers et on part à la cantoche pendant que notre BHL national file se soulager aux vécés, une main pour diriger le jet, l’autre tenant le téléphone sur lequel s’affichent les tweets de la Voix du Nord avec pour illustration, je vous le donne en mille : sa majesté elle-même. Lui déjà sur le front en smoking à Mossoul, on file de notre côté en Mongolie, admirer les paysages sauvages de La Jeune fille et son Aigle d’Otto Bell.
C’est là autre chose que le documentaire National Geographic qu’on croit d’abord apercevoir : photographie piquée à l’extrême, couleurs renversantes de cendres et d’herbes, nature grandiose survolée en hélico dans de grands plans d’ensemble majestueux, visages typiques et contrastés. On se croirait à une présentation du dernier Panasonic 8K. De fait, il n’y a pas grand-chose à retenir de ce reportage d’un point de vue cinématographique. Mais l’histoire est belle, alors on se laisse porter. La jeune et intrépide Aisholpan aimerait bien dresser un aigle dans la grande tradition antédiluvienne qui réunit l’homme et l’animal. Mais les anciens s’y opposent, car il est bien mal aisé de répondre à ce dilemme moral : « qui va faire la popote pendant que madame part à la chasse au goupil ? »

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Le père de la petite, fier de sa fille et soucieux d’égalité, s’en moque : Aisholpan concourra au grand prix annuel du meilleur chasseur et prouvera au vieux monde qu’une femme peut aussi bien porter la moustache et boire des tonneaux de rouge avant d’aller choper de la galinette cendrée. La suite est une sorte de long entraînement à la Rocky pour gagner le concours annuel de chasse au renard. On vous spoile pas cette fois, mais on peut déjà vous dire que la séquence est étirée et dramatisée un peu artificiellement pour introduire un suspens qui ne laisse pourtant pas beaucoup de place au doute.

17393089_10212279059196715_31997147_nOn laisse Aisholpan et son père confectionner la saison automne-hiver du gilet en renard et on se rend, un peu carbonisé, à l’interminable séance de clôture suivi de l’ouverture de la compétition fiction. Le truc dure 3h30, avec en plus du palmarès, la présentation en avant-première et en compétition d’un film sympathique, mais totalement assommant dans ce cadre : Sage-Femme, de Martin Provost avec les deux Catherine nationales : Frot et Deneuve.  On ne va pas s’égosiller à en parler, ça sort mercredi prochain. Michelle Carliez, célèbre maître d’armes, sorte d’Antoine de Maximy cascadeur, fait mumuse avec ses mousquets et ses acolytes. J’irai dormir chez vous, et vite. Mais avant, j’écoute poliment les blagues graveleuses d’un producteur à l’after et file en douce à mon hôtel pour une dernière bouteille de rhum salvatrice.

Le lendemain matin très tôt, vers midi, j’émerge et fourre rapido en vrac toutes mes affaires dans mon sac puis me précipite à la réception : mon train est dans dix minutes. Une belle surprise m’y attend. Malins comme pas deux, les Chtis m’ont bien cerné : un des voituriers a tenu à me porter à l’hôtel une bouteille de roteuse, en édition limitée s’il-vous-plait et directement de sa cave personnelle. Ça s’appelle la « Cuvée Lumineuse » et je me dis que le dicton est vrai : quand on va dans le Nord, on pleure deux fois. En arrivant et en partant.

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Palmarès Documentaire :
GRAND PRIX :
Finding Phong de TRAN Phuong THAO & Swann DUBUS

PRIX DE LA CRITIQUE :
L’Opéra de Jean-Stéphane Bron

PRIX DES ÉTUDIANTS :

À voix haute – La Force de la parole de Stéphane de Freitas et Ladj Ly

PRIX DU PUBLIC :
La Jeune fille et son Aigle d’Otto Bell

Palmarès Fiction :
Grand Prix : The Young Lady de William Oldroyd

Prix du Jury : Tunnel de Kim Seong-hun

Prix de la Critique : De toutes mes forces de Chad Chenouga

Prix du Public : Tunnel

Prix des Etudiants : De toutes mes forces

Prix d’interprétation masculine : Khaled Alouach (De toutes mes forces)

Prix d’interprétation féminine : Florence Pugh (The Young Lady)

La septième édition du Festival 2 Valenciennes s’est déroulée du 13 au 19 mars 2017, au Gaumont Valenciennes.

Joseph Boinay
Joseph Boinay

Mercenaire à l’émulsion sensible, Dario Grandinetti passé par les Lumières et Vodkaster, à l'affut dans l'Angle Mort.

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