COMO NOSSOS PAIS (Comme nos parents) : la reproduction sans inspiration

Sous l’effet conjugué de révélations dures à encaisser que lui fait sa mère, et de doutes vis-à-vis de l’engagement de son mari dans leur couple, l’existence bien ordonnée de Rosa vacille. Mais ce frémissement chez un individu ne trouve ni ne provoque pas le moindre écho à plus grande échelle.

Le cinéma brésilien contemporain qui arrive jusqu’à nous par le biais des festivals nous a peut-être trop gâtés, en nous habituant à découvrir des films audacieux et puissants, qu’ils soient l’œuvre de Kleber Mendonça Filho (Les bruits de Recife, Aquarius) ou d’autres – le beau Casa grande, par exemple. Contrairement à ses pairs, Como nossos pais échoue à passer la marche entre le récit personnel et la portée plus globale, à l’échelle de la société, d’un pays. Cela vient stopper l’élan du film, pourtant très bien lancé par un premier acte où les séquences s’enchaînent comme autant de volées de coups assénées à l’héroïne par son entourage. Les lieux où Rosa évolue sont tous des rings de boxe, où elle se retrouve K.O. debout dans les cordes : par sa mère qui lui lance sans prévenir au visage que son père biologique n’est pas celui qu’elle croit (le film n’a alors pas commencé depuis cinq minutes) ; par son mari qui lui laisse tout le fardeau de la tenue (quotidienne mais aussi financière) de leur foyer à deux enfants ; et encore par son employeur, son père officiel, et la liste semble devoir s’allonger sans cesse.

COMO NOSSOS PAIS de Lais Bodanzky Cette phase d’exposition nous saisit, de même que Rosa est saisie à la gorge, parce que les choses s’y déploient et s’y délitent bien plus vite que dans un drame ordinaire (dès le déjeuner de famille qui ouvre le récit les piques violentes volent d’une personne à l’autre, comme si le point de non-retour avait déjà été atteint). Au terme de ce premier round, il apparaît clairement que tous les adversaires de Rosa sont en vérité les représentants d’un seul et même ennemi : le système patriarcal, son emprise aussi brutale que totale sur la société, son principe d’exiger des femmes dix fois plus pour finalement obtenir moins que les hommes, à qui l’on passe et accorde tout. Le défi qui se présente alors au film est celui de la réponse à apporter, de la riposte à orchestrer. Défi qui n’est pas relevé, Como nossos pais se repliant sur Rosa qui elle-même se replie sur son cocon bourgeois, qu’il s’agit pour elle en définitive de protéger malgré tout en se contentant de l’amender à la marge – coucher avec un autre homme, dire leurs quatre vérités à ses parents, mettre peut-être son mari à la porte.

Le défi non relevé par le film est celui de la réponse à apporter, de la riposte à orchestrer contre le système patriarcal

L’horizon de Rosa reste son nombril, un point de vue que le film épouse en questionnant de manière assez cynique le fait de vouloir changer la société, sous prétexte de montrer que ceux qui le font ne sont pas pour autant sans défauts. Mais eux (la mère de Rosa passée par Cuba, son mari travaillant en Amazonie) ont un jour fait l’effort de mettre un pied hors de l’entre-soi privilégié où Rosa et le film restent, et où l’échelle des valeurs finit par se brouiller. L’acte « majeur » de Rosa est de se rêver en héritière d’Ibsen, en écrivant une suite à la pièce Une maison de poupée pour laquelle elle puise son inspiration… dans un article de magazine féminin vantant les mérites du polyamour. La société a pour le coup peu de chances de se trouver chamboulée par une telle initiative.

COMO NOSSOS PAIS (Brésil, 2017), un film Lais Bodanzky, avec Maria Ribeiro, Clarisse Abujamra, Paulo Vilhena. Durée : 102 minutes. Sortie en France indéterminée.

Erwan Desbois
Erwan Desbois

Je vois des films. J'écris dessus. Je revois des films. Je parle aussi de sport en général et du PSG en particulier.

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