T2 TRAINSPOTTING : Copains d’avant, c’était mieux avant

Vingt ans après, Mark Renton revient à Edimbourg où il retrouve Sick Boy, qui projette d’ouvrir un bordel, Spud, sur le point de se suicider, et bientôt Begbie, psychopathe lancé à ses trousses : malgré son brio visuel, cette suite superflue se traîne en quête d’une raison d’exister autre que sa propre nostalgie.

 

Au cinéma, la nostalgie est mauvaise conseillère. Elle ne se contente pas de feuilleter les albums photos d’antan. Elle convoque ceux qui figurent dessus, les force à revêtir des costumes qui ne leur vont plus et à rejouer des scènes dont le seul plaisir tient aux souvenirs qu’elles nous arrachent. En plus de ridiculiser le présent, la nostalgie salit rétrospectivement le passé. C’est le risque quand on regarde Les Trois frères, le retour ou Les Visiteurs – La Révolution : non seulement ça paraît naze, mais on se demande en plus ce qu’on pouvait bien trouver à leurs héros.

T2 Trainspotting ne va pas jusqu’à provoquer cet écoeurement parce que contrairement aux deux films cités, son réalisateur n’est ni un has been, ni un mec au creux de la vague. Danny Boyle n’a pas fait cette suite, vingt ans après, faute de meilleur projet, ni parce qu’il était en manque d’inspiration. Pas après un Oscar, Steve Jobs, etc. Ca se voit. La photographie d’Anthony Dod Mantle témoigne de quelques beaux éclats et certaines scènes croisent très bien le passé et le présent, en reprenant des moments clés du premier film tout en les actualisant. Qu’est-ce qui a bien pu décider Boyle à s’inspirer de nouveau d’Irvine Welsh pour donner une suite à Trainspotting ? C’est parce qu’on n’a pas de réponse claire que l’on soupçonne ce nouveau film de ne servir à rien.

Si on le considère ainsi, comme un documentaire sur ce qu’il reste d’un long-métrage devenu culte, T2 Trainspotting a une vague raison d’exister

T2 TRAINSPOTTING de Danny BoyleOn s’attendait au minimum à un comparatif avant/après, à une confrontation façon Les Visiteurs justement, entre nos junkies du passé et le monde Tinder/Snapchat/Uber d’aujourd’hui. Rien de tout ça et pour cause, on avait oublié : Mark Renton et ses potes étaient déjà des gars du passé dans Trainspotting, des fans de « Ziggy » Pop, de George Best et de James Bond (Sick Boy ne l’est plus, on ne saura pas pourquoi), déjà des has been. Et être has been au carré, ça ne change rien. Il n’y a donc rien à tirer de la friction avec 2016. Le film était-il un moyen comme un autre de rendre service à Ewen Bremner, Jonny Lee Miller ou Robert Carlyle, qui n’ont pas connu la même ascension que Ewan McGregor ? Peut-être, mais c’est un peu cruel. Souvent, et parce que son rôle le veut, McGregor donne l’impression d’être l’enfant prodigue, celui revenu d’Hollywood, en visite dans sa famille, vaguement honteux de sa réussite à mesure qu’il redécouvre ceux qu’il a laissés derrière lui. Dans Trainspotting, tous les acteurs étaient égaux au moment du tournage. Les choses ont changé, moins dans le film qu’entre les prises. Boyle et McGregor font désormais une fleur aux autres en leur permettant de reprendre leurs personnages, mais ils n’ont rien de plus à leur offrir. Pas d’intrigue, juste le plaisir des retrouvailles avec les rôles qui les ont rendus célèbres. Et une grosse gueule de bois. A l’instar des Trois Frères, les junkies de Trainspotting ne font plus rire. Sans l’héroïne, ils sont devenus chiants.

« Tu n’es qu’un visiteur dans ta propre jeunesse » dit-on à Mark Renton. La phrase vaut pour son interprète Ewan McGregor, en pèlerinage sur les terres qui l’ont vu naître en tant qu’acteur de premier plan. Elle a du sens – et c’est aussi là que Boyle est plus fin que les Inconnus ou Clavier et Poiré (on s’en doutait) – parce qu’il est indéniable que le seul projet potable de T2 est d’explorer les ruines de son prédécesseur. Le film vaut seulement pour cela. Les vestiges dont il se repaît ne sont pas ceux d’Edimbourg, mais les restes des plateaux de tournage et des décors laissés là, ouverts aux quatre vents, vingt ans durant. Si on le considère ainsi, comme un documentaire sur ce qu’il reste d’un long-métrage devenu culte, T2 Trainspotting a une vague raison d’exister. Le pas de deux qu’Ewan McGregor effectue avec Lust for Life d’Iggy Pop – l’écoutera ? L’écoutera pas ? – est touchant, comme si le fait de se le remettre risquait d’effacer définitivement son glorieux souvenir, celle d’une course-poursuite où en off était scandé « Choose a life ». Touchant mais lugubre, à la manière d’une gerbe de fleurs déposée sur la tombe d’un lointain parent dont on a oublié pourquoi on l’aimait tant.

 

T2 TRAINSPOTTING (, 2017), un film de Danny Boyle, avec Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner, Robert Carlyle, Anjela Nedyalkova… Durée : 118 minutes. Sortie en France le 1er mars 2017.

 

Christophe Beney
Christophe Beney

Journapigiste et doctenseignant en ciné, passé par "Les Cinéma du Cahiers", "Palmarus", "Versès" et d'autres. Aurait aimé écrire : "Clear Eyes, Full Hearts, Can't Lose".

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