Newsletter Subscribe
Enter your email address below and subscribe to our newsletter
Django Reinhardt préfère tenter de passer en Suisse que de partir en tournée dans l’Allemagne nazie ; on le comprend… Django, le film, se sert – mal – d’un épisode de la vie du musicien pour évoquer – encore plus mal – la déportation des Tsiganes.
Bonne nouvelle : Django n’est pas un biopic. On ne nous raconte pas la vie du musicien, juste une année en particulier, 1943, quand Reinhardt et sa famille ont quitté Paris pour Thonon-les-Bains, dans l’espoir de passer en Suisse. Mauvaise nouvelle : Django est pire qu’un biopic. On y retrouve le syndrome qui frappait ce fourbe de Imitation Game, où l’on se servait in extremis du pauvre Turing pour en faire un martyr gay, le représentant de toute une communauté que le film prenait pourtant soin de ranger sous le tapis. Un carton pour finir, et paf nous disait-on, on n’avait pas compris le film, on croyait qu’on nous avait parlé de Turing pendant deux heures alors que, pauvres pommes que nous étions, c’était de la souffrance d’être homosexuel dans l’Angleterre réactionnaire dont il était question.
Même chose dans Django quand les photos de Tsiganes déportés et assassinés par les Nazis tapissent l’ultime plan, autant pour préciser le véritable sujet du film – aux yeux de ses auteurs, pas à nos yeux – tout en nous culpabilisant un poil sur l’air du « si tu n’aimes pas notre film malgré nos belles intentions revendiquées, tu es vraiment le dernier des salauds ». Alors oui, nous sommes des salauds, mais nous allons éviter de nous comporter comme tels, malgré la quantité de reproches à faire au film : sa manière de mettre en scène le morceau composé à l’orgue par Django comme le sommet de son œuvre, dénigrant implicitement tout ce qui précède et qui suivra alors que c’est ça qui fait son génie ; ne pas nous faire écouter le véritable morceau en question, puisque ses partitions ont disparu, mais nous imposer une musique de film, un fake donc, jetant ainsi une forme de discrédit ; etc. Et donc, ce grand sujet, grave, abordé au début et la fin, de la persécution des Tsiganes par les Nazis, avec entre les deux un détour par Django, représentatif de rien ni de personne, puisque lui n’est pas une victime directe et que son destin, en cette triste année 1943, reste individuel et pas collectif pour un sou.
Django est certes un film inoffensif, mais d’une telle médiocrité quant à la chose cinématographique la plus élémentaire qu’il en devient antipathique
Peut-être a-t-on mal compris à cause du découpage visuel opéré en dépit du bon sens, donnant le sentiment que quelqu’un, quelque part, est tombé sur une première version du film et que, horrifié, il a voulu rattraper ce qui pouvait l’être ? Mais au montage, comment changer de place la caméra, diriger les acteurs, etc. ? Django est le premier long du scénariste Etienne Comar. On peut lui reprocher justement les failles incroyables dans le récit. Exemple : quand on demande à Django comment s’est passé son voyage depuis Paris et qu’il répond « mal », on passe à autre chose, alors que ce « mal », vu le contexte, doit forcément impliquer autre chose qu’un wagon-bar mal approvisionné… Par contre, on ne peut pas lui reprocher d’avoir été entouré de personnes incapables de l’épauler. Quand on voit que n’importe quel acteur sans expérience arrive à passer à peu près correctement derrière la caméra, parce qu’on lui attribue un directeur de la photo qui connaît son affaire ou un monteur qui touche sa bille, pourquoi Etienne Comar n’a-t-il pas bénéficié du même traitement ? Django ressemble souvent à une production France 3 – Rhône Alpes, avec son scénario tout mou et ses nazis bien rigides. C’est certes un film inoffensif, mais d’une telle médiocrité quant à la chose cinématographique la plus élémentaire (certaines scènes ont-elles été tournées en l’absence de script girl ?) qu’il en devient antipathique.
DJANGO (France, 2017), un film d’Etienne Comar, avec Reda Kateb, Cécile de France, Beata Palya, Bim Bam Mersteim, Gabriel Mireté, Patrick Mille… Durée : 117 minutes. Sortie en France le 26 avril 2017.