POOR FOLK de Midi Z

Trafics de drogue et d’humains entre la Thaïlande, la Birmanie et Taïwan. Un polar frontalier qui se perd dans le constat documentaire.

Les « pauvres gens ». On pense au premier roman de Dostoïevski et c’est le nom de Tolstoï qui est cité. Personne ne s’offusquera de l’absence de référence à l’auteur de Crime et châtiment. Poor Folk a bien le droit de brouiller les pistes ou d’être une adaptation clandestine – ce qu’il n’est d’ailleurs pas, malgré la densité romanesque de son récit (à la sortie de la projection, on apprenait que Poor Folk avait attiré l’attention de Katsuya Tomita, le réalisateur de Saudade qui, sur un sujet voisin, est largement supérieur). L’absence du nom de Dostoïevski n’est pas une trahison mais elle donne une idée de ce qui déçoit avec le film de Midi Z. Le constat documentaire l’emporte sur le récit et sape tout enjeu dramatique à mesure que le monde clandestin des « pauvres gens » s’étoffe, se complexifie.

On suit d’abord A-fu et A-hong, deux amis qui vivent de petits trafics. La mise en scène est alors au diapason de leurs activités interlopes. On pense à la scène d’ouverture et à cette caméra qui se fraye un chemin dans le champ où les petites frappes récupèrent leur marchandise, ou plus tard à ces plans volés suivant dans leur sillage les héros jusqu’à leur point de rendez-vous à Bangkok. Déroulée en plusieurs chapitres, cette vie clandestine trouve un élargissement et un versant féminin (la prostitution vraisemblablement) à Dagudi, un village à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie. Une certaine bienveillance consisterait à voir dans le manque de clarté le reflet d’un trouble identitaire et d’un malaise social. Déplacés, les personnages se tiennent à un point d’intersection entre trois cultures, trois pays. Dans Poor Folk, il y a le lieu d’où l’on vient (la Birmanie natale de Midi Z) et celui qu’on voudrait rejoindre, inaccessible ou pour lequel il faudra donner de sa personne – Taïwan pour la sœur de A-hong, vendue à une maquerelle birmane par son frère alors que celui-ci cherchait à l’extirper des mains de trafiquants. Nébuleuse, l’intrigue aurait gagné à s’en remettre à la nervosité du polar qui s’annonçait mais que Poor Folk dévitalise pour lui préférer un réalisme tiède.

POOR FOLK (Birmanie, Taïwan, Thaïlande) un film de Midi Z avec Wang Shin-Hong, Wu Ke-Xi, Zhao De-Fu, Zheng, Meng-Lan. Durée : 105 min. Sortie en France indéterminée. 

Nathan Reneaud
Nathan Reneaud

Rédacteur cinéma passé par la revue Etudes et Vodkaster.com. Actuellement, programmateur pour le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux et pigiste pour Slate.fr. "Soul singer" quand ça le chante.

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