NO PAIN NO GAIN de Michael Bay

Présenté en avant-première à Deauville début septembre, No Pain No Gain tranche radicalement avec les drames indépendants fétiches du festival normand. La subtilité n’est pas recherchée mais rejetée par Michael Bay, au point de faire de la bêtise sa matière première.

On l’a un peu oublié, la faute à trois Transformers successifs tournés depuis mais, en 2005, Michael Bay avait réalisé ce qui aurait pu passer pour un film d’auteur : The Island. Huit ans plus tard, No Pain No Gain renoue avec cette ambition, et – surprise ! – la mène plutôt à bien. La clé du passage du semi-échec de The Island au succès de No Pain No Gain est probablement à chercher dans les dispositions respectives des deux films. Le premier se voulait intelligent, le second est irrémédiablement crétin – et cela sied mieux à l’immaturité revendiquée de Bay, dont on a arrêté d’espérer qu’il soit un jour en mesure de se défaire. Lui aussi, peut-être, ce qui expliquerait ce choix de ne plus tenter d’élever son niveau et de s’intéresser plutôt à plus bête que lui. Avec l’histoire vraie qui sert de socle à No Pain No Gain, il a touché le gros lot. Pas du Loto mais de l’Euromillions, et encore un jour de super cagnotte après plusieurs tirages sans vainqueur. Pour résumer les choses de façon imagée, No Pain No Gain suit un trio de Zoolanders culturistes rejouant Fargo chez les millionnaires de Miami. Lugo, Doyle et Adrian trouvent des pigeons richement pourvus à plumer, les kidnappent pour leur soutirer tous leurs biens, et sont rattrapés tôt ou tard par leur débilité abyssale qui entraîne le ratage de leur plan.

Anthony Mackie, Mark Wahlberg et Dwayne Johnson dans NO PAIN NO GAIN

« Rattrapés tôt ou tard » ? D’abord tard, quand il s’agit de tuer leur victime après l’avoir dépouillée. Puis tôt, avant même d’avoir vu le moindre dollar. No Pain No Gain est un film malade, car son seul moteur est la bêtise de ses personnages : moteur tragique puisque tout va de mal en pis à cause d’elle, moteur comique parce qu’il est impossible de ne pas rire devant l’inventivité involontaire des apprentis kidnappeurs pour se mettre dans le pétrin. Pour donner un ordre d’idée, une séquence les voit brûler des mains pour effacer des empreintes digitales. No Pain No Gain est un bon film (même si son plagiat du scénario de Fargo, jusque dans son épilogue apaisé, est assez grossier) car il ne triche pas avec cette bêtise. Il ne l’atténue pas, il n’en détourne pas le regard. Bay ne rajoute pas de scènes d’action infondées (la seule véritable que contient le film est une course-poursuite à pied, après un casse foireux opéré en solo par un Doyle camé jusqu’aux orbites et finissant couvert de peinture verte) et a l’intelligence de garder intacts le mauvais goût et la bêtise crasse de son histoire. Ce qui requiert aussi une part de courage, ou d’inconscience, étant donné que l’on parle là d’individus ayant fini dans le couloir de la mort pour ce qu’ils ont fait, et qui retenteraient leur chance si c’était à refaire, deux éléments que No Pain No Gain expose sans louvoyer.

Dwayne Johnson dans NO PAIN NO GAINCette franchise sur le fond fait oublier le peu d’intérêt de la forme du film. Au-delà de la réalisation de Bay qui en rebutera toujours, avec ses inserts délirants et son montage promouvant la cause de l’épilepsie, il a surtout le défaut de tourner en rond. No Pain No Gain est rempli de plans repris de ses précédents films, en contre-plongée, au ralenti, et même le monstrueux travelling circulaire entre deux pièces d’une maison est convoqué pour nous faire souffrir une deuxième fois, après sa funeste invention dans Bad Boys 2 (2003). Plus que ces malformations formelles, on préférera retenir celles que s’infligent les acteurs, aux corps de monstres et aux visages de guignols de la même foire. Mark Wahlberg et Dwayne Johnson sont particulièrement grands en abrutis finis et intenables, le sourire demeuré et les yeux exorbités par l’enthousiasme ; un numéro que l’un et l’autre ont déjà poli par ailleurs (Very Bad Cops, Southland Tales) et qui atteint ici sa forme achevée, suprême. Une stupidité suprême, qui ne dépareillerait pas chez les comiques qui ont le plus cherché dans sa direction au fil des âges (les Monty Python, pour ne citer qu’eux).

 

NO PAIN NO GAIN (Pain & Gain, Etats-Unis, 2013), un film de Michael Bay, avec Mark Wahlberg, Dwayne Johnson, Anthony Mackie, Ed Harris, Tony Shalhoub. Durée : 129 minutes. Sortie en France le 11 septembre 2013.

Erwan Desbois
Erwan Desbois

Je vois des films. J'écris dessus. Je revois des films. Je parle aussi de sport en général et du PSG en particulier.

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