Les 13 films qui vont faire VENISE 2013 (sans James Franco dedans)
Il n’y a pas que Gravity sur le Lido. Il y a aussi des pénis tranchés en série et des relations incestueuses, des gamines qui se défenestrent, des types qui convoient de la nitro dans la jungle, des homos qui vivent un calvaire, une extraterrestre qui vit en Ecosse, un asile de fous en Chine, et un capitaine corsaire dans l’espace. Passage en revue des 13 films qui devraient faire la 70ème Mostra.
MISS VIOLENCE d’Alexandros Avanas
Où ? En compétition.
Comment ? Le jour de son anniversaire, une fillette se défénestre, sourire aux lèvres. La police s’intéresse à ce suicide, pas la famille de la défunte qui s’empresse de l’oublier.
Pourquoi ? De L à Alps, en passant par The Eternel Return of Antonis Paraskevas (vu et aimé à Berlin), le cinéma grec propose de fortes et singulières choses. Avanas a beau être un illustre inconnu en France, il a tout raflé au festival de Thessalonique en 2008 avec son 1er long-métrage, Without, jamais sorti ailleurs qu’en Grèce. Miss Violence s’annonce gris, froid et pince-sans-rire, mais un film débutant par une plongée sur le cadavre d’une enfant fraîchement éclatée sur le sol ne peut pas être foncièrement mauvais.
VIA CASTELLANA BANDIERA de et avec Emma Dante
Où ? En compétition.
Comment ? Deux voitures roulant en sens inverse s’engagent en même temps dans une ruelle étroite. Aucune des deux conductrices ne veut reculer pour laisser passer l’autre.
Pourquoi ? Une situation ubuesque, ça ne suffit pas à faire un long-métrage, mais ça titille au moins la curiosité. Emma Dante a une fiche wikipedia longue comme un jour sans pain, mais uniquement en italien. Actrice et dramaturge, elle présente son premier long-métrage en terrain conquis. Et ça fait tellement longtemps qu’on n’a pas eu envie de voir un film italien…
TOM A LA FERME de Xavier Dolan
Où ? En compétition.
Comment ? C’est dans le titre. Il y a Tom. Il y a une ferme. C’est donc Tom à la ferme.
Pourquoi ? Xavier Dolan a-t-il refusé son nouveau film à Cannes parce qu’on ne lui promettait pas la compétition, ou celui-ci n’était-il pas prêt ? Le prodige québécois entre dans la cour des grands, mais à Venise, avec cette adaptation de la pièce de Michel Marc Bouchard ayant d’ailleurs cette année grandement satisfait les spectateurs du festival d’Avignon, si l’on en croit les retours positifs. Son héros, Tom, se rend dans une ferme, celle de la mère de son amant mort dans un accident de la route, et se retrouve forcé par le frère du défunt de mentir sur l’homosexualité de ce dernier. Avec Dolan au casting (en blond), ça sent l’âpreté et la dureté de J’ai tué ma mère.
THE ZERO THEOREM de Terry Gilliam
Où ? En compétition.
Comment ? Dans un futur indéterminé, un brillant informaticien vit reclus et tente de déterminer le « Théorème Zéro » : la vie a-t-elle un sens ?
Pourquoi ? La dernière fois que Terry Gilliam s’est posé une question sur le sens de la vie, ça a donné un film hilarant. Sauf qu’il était jeune, il était fou et il n’était pas seul. Si nous étions mauvaises langues, nous dirions que Gilliam est très bon quand il n’est pas seul, quand il a un scénariste brillant (Brazil), une base en or (La Jetée pour L’armée des 12 singes) ou un matériau sévèrement touché (Las Vegas Parano). Comme nous sommes mauvaises langues et que nous gardons un souvenir navré de L’imaginarium du Dr. Parnassus, nous restons sur nos réserves. Sauf que c’est de l’anticipation à tout petit budget, avec Christoph Waltz et Matt Damon, et que Gilliam, dans un geste désespéré, peut très bien se retrouver.
UNDER THE SKIN de Jonathan Glazer
Où ? En compétition.
Comment ? Un alien prend forme humaine et sillonne l’Ecosse en voiture.
Pourquoi ? Oui, c’est vrai : pourquoi un extraterrestre se donnerait-il la peine de traverser l’univers pour visiter l’Ecosse ? Est-il un fan de Trainspotting ? C’est pour répondre à ces questions qu’il faut voir ce nouveau film de Jonathan Glazer, qui tourne très peu, mais bien (troisième long-métrage en 13 ans, après Sexy Beast en 2000 et Birth en 2004). Et comme ses interprète principaux trouvent avec lui des rôles très marquants (Ben Kingsley, Nicole Kidman), on se dit que Scarlett ne peut que sortir grandie d’Under The Skin. Oui, c’est avec Scarlett Johansson, et seulement avec elle, si l’on se fie au casting annoncé.
THE WIND RISES d’Hayao Miyazaki
Où ? En compétition.
Comment ? La vie d’un dessinateur d’avion de génie, de son enfance au début du 20ème siècle, jusqu’au déclenchement de la guerre du Pacifique et au-delà.
Pourquoi ? The Wind Rises s’annonce thématiquement plus proche de Porco Rosso que de Ponyo sur la falaise (en compétition à la Mostra en 2008), avec son goût revendiqué pour l’Italie (son protagoniste est fasciné par l’œuvre du designer Italo Caproni), ses dessins et ses machines. C’est un Miyazaki, vous vous voyez faire l’impasse sur un Miyazaki ?
STRAY DOGS de Tsai Ming-Liang
Où ? En compétition.
Comment ? Un père, son fils et sa fille errent dans Taipei. Pour manger, il devient homme-sandwich (ce n’est drôle qu’en français), pendant que ses enfants goûtent les échantillons de nourriture dans les supermarchés.
Pourquoi ? La seule occasion de voir Lee Kang-Sheng, c’est de regarder un Tsai Ming-Liang, et vice-versa. Stray Dogs s’annonce aussi joyeux qu’une journée en sevrage de Prozac pour un dépressif grave, mais il y a fort à parier qu’il saura éviter tout misérabilisme (et contenir des tas de plans-séquences, on ne se refait pas). Et Tsai est le seul compétiteur cette année à avoir déjà remporté le Lion D’or (Vive l’amour, en 1994).
HARLOCK : SPACE PIRATE / ALBATOR de Shinji Aramaki
Où ? Hors-compétition.
Comment ? Albator ! Albator, le capitaine corsaire !
Pourquoi ? Comment osez-vous demander ? Avec Cobra, Albator (Harlock en VO) était la grande série spatiale des années 1980 (Ulysse 31 n’était pas mal non plus). Fini le plat, bonjour les volumes, avec le risque de ressembler à une longue cinématique de Final Fantasy. Le réalisateur Shinji Aramaki ne s’impose pas comme un foudre de guerre (deux Appleseed à son actif, et Starship Troopers : Invasion), mais Albator a l’approbation du grand Leiji Matsumoto, créateur du personnage, concepteur visuel d’Interstella 5555 des Daft Punk plus récemment, qui fait le voyage sur le Lido (contrairement à Miyazaki, retenu ailleurs).
THE ARMSTRONG LIE d’Alex Gibney
Où ? Hors-compétition.
Comment ? Neil Armstrong n’a jamais marché sur la Lune, c’était un gros mytho ! Non, c’est faux, c’est Lance Armstrong le mytho.
Pourquoi ? Alex Gibney est un gros veinard. Il tourne plusieurs documentaires par an, suit le retour d’Armstrong à la compétition en 2009, met le projet en sommeil quand les accusations de dopage se font plus pressantes, et le réactive après les aveux du cycliste. Du coup, c’est tout beau, tout chaud, peut-être pas plus instructif qu’un reportage d’Envoyé Spécial, mais si ça peut nous permettre de revoir sur grand écran Laurent Jalabert sur une moto France Télévision… En plus, le dernier bon film sur le vélo, c’était Jour de fête, ça commence à dater.
REDEMPTION de Miguel Gomes
Où ? Hors-compétition.
Comment ? Quatre époques pour quatre lieux : en 1975, un petit villageois portugais écrit à ses parents en Angola ; en 2011, un vieux milanais se souvient de son premier amour ; en 2012, un parisien dit à son bébé qu’il ne sera jamais un père pour lui ; en 1977, à Leipzig, une mariée n’arrive pas à se sortir de la tête un air d’opéra de Wagner.
Pourquoi ? Redemption a beau être un court-métrage, c’est le premier film de Miguel Gomes depuis Tabou. Vu l’amour que l’on porte à ce dernier, la simple promesse de trouver réminiscences, amours et dépaysement dans ce nouveau projet suffit à nous exciter.
MOEBIUS de Kim Ki-Duk
Où ? Hors-compétition.
Comment ? Rongée par l’infidélité récurrente de son mari, une épouse veut lui trancher le pénis, mais se rabat sur celui de son fils à la place. Accablée par la culpabilité, elle quitte le foyer, laissant le mari s’occuper de sa progéniture infirme. Puisque tout est de la faute de sa libido, l’homme se castre. Et ce n’est que le début.
Pourquoi ? Kim Ki-Duk revient déjà à Venise après le Lion d’Or reçu l’année dernière pour Pietà. Deux explications à son absence en compétition : soit le film est raté (mais pourquoi le sélectionner ?), soit il est hardcore. Compte-tenu du synopsis, la seconde option semble être la bonne. Le cinéaste a coupé trois minutes de relations sexuelles incestueuses pour échapper à l’interdiction totale d’exploitation en Corée du Sud, et écoper simplement d’une interdiction aux mineurs. La projection vénitienne s’annonce folklorique. Et comme le film est quasiment dénué de dialogue, on entendra bien les sièges claquer.
‘TIL MADNESS DO A PART de Wang Bing
Où ? Hors-compétition.
Comment ? Wang Bing. Cinquante hommes dans un hôpital psychiatrique isolé. Quatre heures et trois minutes.
Pourquoi ? Après le succès festivalier de Three Sisters, récompensé l’année dernière à Venise et double lauréat aux Trois Continents, Wang Bing livre un film tout aussi herculéen, en s’immergeant dans un asile de fous. Quand on sait ce que le cinéaste fait avec deux gamines qui ramassent des pommes de terre, qu’est-ce que ce sera avec des fous furieux… Son absence de la compétition tient peut-être à une volonté de ne pas faire comme Marco Müller, sinophile revendiqué, ou d’épargner au jury un film-marathon. L’événement discret de cette 70ème Mostra.
SORCERER / LE CONVOI DE LA PEUR de William Friedkin
Où ? Venice Classics.
Comment ? Le remake du Salaire de la peur par un William Friedkin alors en pleine bourre (1977). Quatre hommes convoient de la nitroglycérine dans une jungle sud-américaine, jusqu’à un puits de pétrole en feu que seule une explosion pourra souffler.
Pourquoi ? Sorcerer est disponible en DVD zone 1 dans une version recadrée, selon les vœux de Friedkin, le cinéaste ayant affirmé un temps que ceux qui voulaient voir son film dans de bonnes conditions n’avaient qu’à le voir au cinéma. Il ne déroge pas tout à fait à sa parole, la ressortie en salle de Sorcerer dans une version numérique restaurée s’accompagnant d’une édition à suivre en DVD et Blu-ray. S’il ne peut être considéré comme le chef-d’œuvre de Friedkin – la faute à L’exorciste – il en est vraiment tout tout près. Friedkin profite de la projection à Venise pour recevoir un Lion d’Or récompensant l’ensemble de sa carrière.
La 70ème Mostra se déroule du 28 août au 7 septembre 2013.