Envoyée spéciale à… Contis 2013
Les yeux rivés à l’écran et l’accréd autour du cou, un regard unique sur un festival atypique… Dans une mini station balnéaire des Landes, se cache un cinéma. Dans ce cinéma a lieu chaque année le festival du film de Contis. Compte-rendu, malgré les orages.
On le disait dans le guide des festivals, Contis c’est l’anti-Cannes : habituellement, du beau temps, des films modestes parfois déroutants, un applaudimètre mythique. Cette année pourtant, du changement : un temps frisquet, une meilleure tenue de la compétition courts-métrages, un vote du public sobre, car écrit et anonyme. Et le plaisir inchangé de retrouver un cinéma niché à deux pas de l’océan.
Le festival de Contis s’ouvre traditionnellement avec les projections de longs métrages à destination des exploitants. Une série d’avant-premières qui réserve toujours son lot de bonnes surprises, même si les films ont souvent déjà été vus ailleurs : on retiendra de 2013 Artémis, cœur d’artichaut d’Hubert Viel, découvert à Brive. Rendez-vous à sa sortie le 25 septembre, pour revenir plus en détail sur cette rafraîchissante fantaisie tournée en Super 8 et en noir et blanc, qui met en scène les aventures contemporaines d’Artémis et de sa nymphe Kalie.
Pour en venir au cœur du festival, la compétition de courts-métrages, il faut se réjouir en préambule que les films sélectionnés aient fait montre d’un meilleur niveau que l’an passé. Si la présidente du festival, Betty Berr, a noté avec enthousiasme la multitude des programmes proposés (une cinquantaine de films en compétition !), on se dit qu’à l’inverse, Contis gagnerait à être plus sélectif et ainsi moins fourre-tout.
Ainsi, au milieu des films à chute (une des plaies du format court) et de ceux qui semblent avoir vingt ans de retard sur le reste du cinéma et arriver là, l’air de rien, avec leurs gros sabots moralisateurs ou leur théorie simplette du tout-était-lié (variante étirée de la chute), se démarquaient quelques films, essentiellement français, dont il y a des choses à dire.
Héros, produit par Stéphane Demoustier, est une comédie sympathique qui a pour héros un ado replet qui tente d’attirer l’attention de la fille qu’il aime en se faisant passer pour un justicier masqué. Situé dans les années 90, le film de Benoit Martin lorgne clairement du côté des Beaux Gosses de Riad Sattouf, sans réussir à égaler son sens du rythme et de la réplique qui fait mouche. Malgré tout, il tire parti du comique de son petit personnage, qu’il prend à un âge à la fois engoncé et téméraire.
Situé en Corse, le film de Frédéric Farucci, coécrit par Jérôme Ferrari, Suis-je le gardien de mon frère, commence très bien : deux solides gars arpentent le maquis, sans trainer mais sans négliger non plus la beauté du paysage alentour. D’abord mutique, comme pour faire écho au désert de l’hiver corse, le film devient bruyant lorsque l’été arrive. A ce moment-là, le plus naïf des deux, beau personnage de berger bourru rendu pathétique par la proximité des autres hommes, finit par rentrer dans son rôle : celui de la brute violente. Dommage, car le film promettait de faire de la Corse un territoire fictionnel moins piétiné.
Dans un tout autre genre, Nous sommes revenus dans l’allée des marronniers de Leslie Lagier mêle exhumation de souvenirs douloureux, qu’une voix off prend en charge, et images tirées du passé (photo, films de famille en Super8). En se remémorant les morts successives de ses trois oncles, le narrateur donne à son histoire de famille la dimension d’un récit tragique, que le montage, qui se déploie en boucles nostalgiques, sublime. Quelques trouvailles formelles – carré de couleur venant s’apposer sur une image vieillie, trop vue, comme pour la ressusciter, ou annonce de la mort d’un des oncles mise en parallèle avec un souvenir simultané, celui du visionnage de Cyrano de Bergerac à la télévision – donnent à l’ensemble une belle tenue.
Où je mets ma pudeur, de Sébastien Bailly, était une autre bonne surprise du festival. Hafsia Herzi y joue le rôle d’une étudiante en art qui s’apprête à passer un oral. Pour cela, elle va devoir enlever son hijab. La justesse du film consiste à désamorcer le faux suspens (va-t-elle tomber le voile ou pas ?) et à éviter le film en prise avec son sujet (de société) pour se concentrer sur un portrait de jeune fille. Hafsia choisit le tableau qu’elle va commenter (La Grande Odalisque), court, tombe amoureuse. Son choix de porter le hijab s’intègre alors à une série de choix qui la constitue et ne la limite pas. Marie Rivière, dans le rôle de la prof d’histoire de l’art, contribue à donner au tout un petit air de conte moral rohmerien. Mention spéciale à l’acteur Bastien Bouillon, que nous avions découvert dans…Pour la France, de Shanti Masud.
Pour la France, justement. Reparti bredouille du festival, le film s’impose pourtant avec élégance et conviction. Trace d’une nuitparisienne de rencontres et d’adieux, Pour la France, jusque dans l’adresse de son titre, affirme son réel désir de cinéma. Le choix du noir et blanc et de la pellicule place d’emblée les personnages –une photographe allemande, un drôle de petit mec qui passe, une belle gosse mystérieuse- dans une ambiance qui assume la présence, partout, de fantômes de cinéma tout en refusant de baigner dans une nostalgie passéiste. Ainsi, une simple scène de bar (l’une des premières du film), par la précision de ses raccords et de sa dramaturgie, se transforme en sommet de poésie suspendue, mêlée à quelques répliques détachées, ambiance drague Erasmus. Dans Pour la France, ce qui impressionne également c’est la direction d’acteurs : sur une durée courte, Shanti Masud parvient à donner vie à des personnages qui se répondent, s’opposent, font évoluer la configuration des sentiments jusqu’au matin, où Désirée (la jeune Allemande) rêvasse en bord de Seine. Se superposent alors à l’écran une image d’encre, celle d’une voile : amarré au passé mythique du cinéma français, Pour la France, dans un beau mouvement, met le cap sur un Paris contemporain, plein de garçons blagueurs mais sentimentaux, cools mais inquiets.
Le 18ème Festival de Contis s’est déroulé du 20 au 24 juin 2013.