KID de Fien Troch

Ce Kid venu de Flandre et au destin chagrin a parfois des semelles de plomb, mais toujours une tête bien faite et des intentions solidement établies et développées.

 

KID de Fien TrochKid commence par l’affichage de ce qu’il y a de moins bon chez lui : ses semelles de plomb. Au pied gauche une musique accablante, au droit une tendance à la pose sentencieuse, qui ruine la réalité et l’intelligibilité de ce qui est filmé en l’étouffant sous un symbolisme peu inspiré. Le film est plus inquiétant qu’engageant, jusqu’à ce qu’un déclic bienvenu se produise, lors de scènes entièrement consacrées aux enfants que sont le rôle-titre, son grand frère Billy et son acolyte de bêtises Misty. À l’école, ils jouent maladroitement au baseball, au supermarché ils dévalisent le rayon des sucreries, avant de laisser la moitié de leur butin à la caisse par manque d’argent de poche. À partir de ces instants, le ciel se dégage et l’horizon de Kid s’ouvre sur une histoire à hauteur d’enfants sans infantilisation.

Cette intention est aussi solidement établie que développée. La réalisatrice Fien Troch ne déroge jamais à son principe de base, et considère les enfants, Kid au premier chef, comme des individualités à part entière, dont le point de vue sur les choses a la même valeur que celui d’un adulte. Il n’est pas question de le retraiter, pour l’affiner ou bien l’édulcorer, ni de le commenter, pour créer une complicité erronée entre un cinéaste et un public qui seraient soi-disant supérieurs aux jeunes héros. Kid rechausse parfois ses semelles de plomb mais il a une tête bien faite, qui produit une vision puissante, faite d’aspérités et de creux. D’une part la violence des enfants, bouffonne et inconséquente, qui ne vise qu’à tester les réactions qu’elle est à même d’engendrer ; de l’autre la violence des adultes, bras armé que les enfants ne déchiffrent pas d’un système de domination et de contrainte.

KID de Fien TrochContrairement à la première forme de violence, cadrée de près car les enfants l’embrassent volontiers, la seconde est toujours filmée de loin en signe de cette incompréhension. Le destin tragique de la mère de Kid et Billy, croulant sous les dettes contractées auprès de créanciers peu arrangeants, reste ainsi à la lisière de l’expérience du monde que font les deux garçons. Même une fois chez leur oncle et leur tante, puis lorsque leur père ressurgit, d’autres parts de leurs vies restent constantes. Troch orchestre très bien ce balancement entre la routine propre aux enfants, l’école, les bonbons, les bêtises, et les brusques interruptions imposées par l’extérieur dont ils ne captent que des bribes (et nous avec eux) – le passage d’un huissier, une audience devant le juge.

La cinéaste réussit tout autant sa figuration du rapport aux lieux de vie, fonctionnant à la façon d’une mémoire photographique fragmentaire. Elle ne stocke que des vues fixes uniques, et imparfaitement définies, de chaque endroit de la zone sans charme servant de théâtre à ce chapitre de l’enfance de Kid et Billy. Une enfance encore en construction lorsque le film arrive à son terme, et dont l’issue reste donc inconnue ; ce qu’exprime de belle manière une scène finale ambivalente. L’amalgame entre rêve et réalité s’y accomplit pleinement, et avec lui la quête de Troch du surpassement du quotidien par le symbolisme, qui pour la première fois du récit ne parait pas maladroite mais juste et émouvante. Adieu, semelles de plomb.

KID (Belgique, 2012), de Fien Troch avec Bent Simons, Maarten Meeusen, Gabriela Carizzo. Durée : 90 min. Sortie en France non déterminée.