AI WEIWEI : NEVER SORRY d’Alison Klayman

En marge d’une compétition intégralement réservée à la fiction, les sections parallèles de la Berlinale 2012 ont proposé des documentaires remarquables. Furent notamment présentés Revision de Philip Scheffner, Death Row, document-monstre en quatre parties de Werner Herzog et Le sommeil d’or de Davy Chou, émouvant voyage vers un cinéma disparu et un pays ressuscité. Avec Ai Weiwei : never sorry, Alison Klayman rend un hommage exaltant au célèbre artiste chinois.

Vers le milieu de ce portrait consacré à Ai Weiwei, la mère de l’artiste, activiste et dissident chinois apparait à l’écran. Quelques minutes plus tôt, Klayman montre l’homme comme hésitant : il ne souhaite pas embarrasser sa mère, et refuse dans un premier temps de la faire participer à ce film tout à sa gloire. Puis, d’humeur facétieuse, il propose à l’un de ses camarades de trouver « n’importe quelle vieille dame chinoise » pour la remplacer à l’image. Il officialise même la requête par écrit, et tend le papier à son collègue, sans manquer de lui faire remarquer qu’il possède désormais une œuvre de valeur en sa possession. Deux scènes plus tard, la génitrice surgit enfin à l’écran. Et, immanquablement, s’instaure le doute : est-ce bien la mère d’Ai Weiwei ? Ou serait-ce une usurpatrice, comme il l’avait annoncé ? L’incertitude a des raisons de prendre le pas, mais elle ne dure pas. Quelques autres saynètes en compagnie de cette dame, autant qu’une foule de scènes à venir décrivant toujours plus finement la personnalité d’Ai Weiwei, permettent de s’assurer de l’identité réelle de la personne. Non, ce n’est finalement pas « n’importe quelle vieille dame chinoise ».

Si le spectateur n’a aucun doute sur la véracité de ce qu’il voit à l’écran lors des scènes partagées par Ai Weiwei et sa mère, s’il ne remet pas non plus en question les actes et les propos de l’artiste, c’est parce que Never sorry, c’est l’anti-Faites le mur !. Aussi remarquable soit-il, le long-métrage de Banksy reste un projet opaque, puisant sa force dans ses zones d’ombres, dans la chimère et le second degré. Chez Ai Weiwei, il s’agit tout autant d’interroger l’impact de l’art sur ses semblables, le reflet plus ou moins déformant qu’il renvoie du monde qui l’entoure, mais il le fait toujours avec sincérité, limpidité, loyauté et émotion. Quand il s’agit de réfléchir pour le bien de ses semblables, pour favoriser la démocratie dans son pays, Ai Weiwei se montre constamment réactif. Il a réponse à tout. Son incessante activité sur Twitter en est une démonstration sensible et quotidienne. Il tweete pour dénoncer les actions les plus vils de son gouvernement, notamment à son encontre, mais aussi dans le but de partager proverbes et pensées personnelles. Alison Klayman s’en sert pour trouver le souffle de sa narration. Affichés plein cadre, ses tweets font office de haïku déversés ça et là, au fil de Never Sorry. Ces incrustations rendent visible la clairvoyance dont fait preuve Ai Weiwei dès lors qu’il convient de réagir sur l’état du monde et de diffuser à la multitude ses sentiments et ses solutions. Curieusement, c’est lorsque deux journalistes, à quelques minutes d’intervalle, l’interrogeront sur une question d’ordre intime, que l’artiste semble le plus désemparé. Trouver les réponses pour guider un milliard de compatriotes lui reste plus aisé que de réfléchir à son propre bien-être. Et que son peuple se rassure, même interdit de sortie du territoire chinois depuis juin 2011, Ai Weiwei sait encore se faire entendre.

AI WEIWEI : NEVER SORRY (Etats-Unis, 2011), un film d’Alison Klayman, avec Ai Weiwei. Durée : 91 min. Sortie en France le 05 décembre 2012.