La décision tragique et absurde d’un chauffeur qui abandonne sa voiture pour une moto. Un premier long-métrage grec, drôle et touchant, sur l’absurdité du monde qui nous entoure.

Voir le monde sous son angle le plus absurde : telle semble être l’idée fixe de Babis Makridis et de son premier long-métrage déroutant, à la fois drôle, grotesque mais dur aussi à sa manière. L,anomalie du cinéma indépendant, raconte l’histoire d’un conducteur grec en symbiose totale avec son véhicule. Une voiture qui lui sert à la fois de lieu de vie, d’outil de travail et bien entendu de moyen de déplacement.

Son métier l’amène à transporter des pots de miel, ici marchandise de valeur, avec la fierté de pouvoir se proclamer chauffeur professionnel. Passant ses nuits dans son véhicule où ses enfants lui rendent visite, il mène une vie répétitive jusqu’au jour où arrive un conducteur encore meilleur que lui. Perdant son emploi, il va maintenant devoir se forger une nouvelle vie, et pour cela abandonner sa précieuse voiture.

Dans L, l’identité des personnages passe par leurs moyens de transports. Ils résument leur philosophie de vie. Rouler en voiture implique l’appartenance à un groupe, celui des « tueurs professionnels » selon les motards qui, eux, sont devenus des entités sans noms et sans visages cachées derrière leurs casques. Le changement d’identité du héros est symbolisé par l’abandon de son véhicule pour une moto. Ce passage est marqué par un rituel où il doit écraser sa voiture contre une colonne, changer de vêtements et chanter l’hymne des motards vengeurs avec ses nouveaux compagnons.

L’absurdité des situations contraste avec le visage impassible du héros qui entretient l’humour décalé présent tout au long du film. Triste dans sa contemplation de la solitude d’un personnage incapable d’avancer, L est définitivement une œuvre hors norme dont les aspects burlesques renforcent la force métaphorique de l’histoire. Avec ses personnages qui n’existent qu’à travers leurs possessions, Babis Makridis fait-il la satire de la société actuelle ? Il montre en tout cas que ce qui manque à ces êtres accrocs au miel, c’est la douceur de vivre.

Jean Briot 

L (Grèce, 2012), un film de Babis Makridis, avec Aris Servetalis, Efthymis Papadimitriou, Lefteris Matthaiou, Nota Cherniavsky. Durée : 87 min. Sortie en France indéterminée.