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Le festival de Turin permet d’oublier les blockbusters d’Hollywood, de Netflix et de Cannes, tous les films monopolisant l’attention partout ailleurs. La compétition n’est composée que de premiers ou seconds films – dont la plupart n’ont pas encore de sortie programmée en France, sans parler des documentaires – et les grands noms croisés ici et là, derrière la caméra ou au casting, ont tous l’air d’être en vacances.
Après une projection de La Malédiction de Frankenstein avec Peter Cushing et Christopher Lee pour me remettre du trajet en TGV à travers les Alpes, cap sur Kongo. Deux jeunes français apparaissent sur l’écran, et présentent le projet : ce qu’ils pensaient tourner en six mois leur a pris six ans, le temps disent-ils de se « décoloniser le regard ». C’est un film sur les sorciers. Sur Facebook, peu avant, un post critiquait la vague de scepticisme poussant des familles à refuser de vacciner leurs enfants : au Congo, ce n’est pas une vague de scepticisme, mais un océan de croyances qu’ont voulu documenter les deux français, dans les pas d’un marabout d’une bonne foi déconcertante. Lui aussi travaille à une forme de décolonisation, rappelant à ses clients que « nos ancêtres sont nos vrais dieux » – les esprits sont d’ailleurs crédités au générique. « Les sirènes disparaissent sous le joug des machines » : le ton documentaire s’estompe peu à peu pour céder la place à une immersion littérale et mystique dans l’océan de croyances, toujours, où rejoindre les sirènes.
Mysticisme toujours avec ce premier film de la compétition, le second de Paul Shoulberg passé par South by Southwest (SXSW), le festival texan : ici une trentenaire paumée utilise ses dons de télépathie pour apaiser les mourants qui ne parviennent plus à communiquer avec leur famille. Le twist, c’est qu’elle est athée… La friction entre son don de médium et son refus catégorique de toute forme de réconfort venu de la religion sert en fait à raconter l’histoire de quelqu’un qui cherche le moyen de concilier talent et vie professionnelle, à sortir du bureau où elle s’est enfermée pour trouver un métier qui lui plaît. La musique pop dégoulinante et l’alternance constante du sarcasme et de l’émotion nuisent plutôt. En gros, la solution, c’est le stand up, c’est de consoler les gens en leur lançant deux ou trois vannes malpolies. Tout ça n’était donc qu’une origin story un peu précoce : celle de son actrice principale, Roberta Colindrez, mexicaine lesbienne portant sur ses épaules toute la charge de la contestation au sein des USA de l’ère Trump.
La compétition turinoise mettait également à l’honneur une autre jeune actrice de la même génération : Grace Glowicki, héroïne de RAF et réalisatrice d’un film expérimental, Tito, présenté dans une section parallèle. Le décor est toujours le même : soit le quartier de Kitsilano à Vancouver, l’équivalent de Bastille à Paris. Loin de la gloire attachée à l’idée de la Royal Air Force, « Raf » est le diminutif de « Rafaella », personnage sans illusions incarné par Glowicki, sorte d’Iggy Azalea pas douchée. On la découvre entre son job alimentaire absurde et ses nightclubs ; puis dans son amitié naissante avec une femme extravertie du même âge qu’elle. Excellente scène quand Tal, la nouvelle amie, juge le petit ami de Raf ; les scènes où les personnages se jaugent au moment de se rencontrer sont d’ailleurs de loin les deux meilleures – Cepka refait le coup quand Raf rencontre le grand frère de Tal, quelque part sur l’île de Vancouver : l’échange est vif, cruel, rythmé, bien écrit et laisse oublier les longueurs et les clichés de la mise en place des personnages.
Tito part du même principe : une Grace Glowicki un peu crade, très angoissée, rencontre quelqu’un de cool qui s’avère envahissant et, sous ses airs de sauveur/sauveuse, cherche juste à la contrôler. Mais Tito est un Denis Lavant-movie, l’inspiration principale de Glowicki : déguisée en homme, cheveux gras et short dégueu, Glowicki joue une sorte de Monsieur Merde hyper-anxieux que son coloc terrifie, de même que le monde extérieur. Venue à Turin, l’actrice/réalisatrice raconte avoir voulu montrer comment la peur affecte le corps – on aura donc droit à des gargouillements d’intestin en Dolby Surround. Mais c’est surtout un film sur la culture du viol, même si Glowicki essayait de ne pas le dire aussi crûment quand elle avait le micro : « j’ai voulu renvoyer dans l’espace masculin la peur que nous éprouvons en tant que femmes, plaquer des peurs féminines sur un corps masculin » – en anglais dans le texte : « I wanted to re-gift it ». La terreur de Tito devant les vidéos porno et l’enthousiasme de son coloc (« Lets go and get some pussy! »/ »Allons choper des chattes ! »), détachant la peur de son stéréotype – le corps féminin – la rendent plus sensible encore. Jusqu’au dernier plan, particulièrement bien vu, où Tito se recroqueville sous la douche, dégoûté par lui-même, après une soirée à draguer les filles au Rohypnol : on distingue alors la forme des hanches de l’actrice, sa vulnérabilité inaliénable.
Du TIFF (Toronto International Film Festival) au TFF (Torino Film Festival), les ponts sont nombreux : toujours dans la section consacrée aux films de genre, Blood Quantum se déroulait cette fois sur la côte est du Canada, dans un Québec assailli par les zombies – et plus précisément une réserve de Gaspésie. En matière de prothèses et de faux sang, le quota est atteint ; sans être spécialiste, on a l’impression que la violence autorisée est quand même plus élevée que la moyenne (tronçonneuse à travers la tête en gros plan, coup de crosse dans les dents d’une femme au sol, bébé déchiqueté). Évidemment ce n’est pas très intéressant. En revanche, le film se veut une métaphore politique, à la fois décolonialiste et écolo : car le point de vue est celui des membres d’une réserve de Premières Nations. La réserve devient un refuge où les WASPs essaient désespérément d’entrer, les zombies étant là pour punir ceux qui ne vivent pas en harmonie avec la nature. Et le virus de venir du saumon : puisque les poissons pêchés reviennent à la vie, signalant par là que c’est dans l’exploitation et la pollution des rivières que l’oppression colonialiste se joue avant tout, aujourd’hui, au Canada.
Zombies encore, dans la même section, mais venus cette fois d’Autriche – enfin non, pas exactement : le film vient d’Autriche (et se passe en Styrie, une région du sud-est), les zombies viennent de Syrie (et sont perdus à cause du nom). La métaphore est nette, peut-être un peu trop ; heureusement elle est traitée avec beaucoup d’humour et une distanciation liée au fait qu’il s’agit d’un film muet tourné en Super-16. Comme dans Blood Quantum, le vrai zombie, c’est le monde actuel. L’humour est très noir, comme chez beaucoup d’autres cinéastes croisés ici ; et la question du retour des ancêtres est toujours très présente : « The Dead are Coming, if you don’t pay attention, you won’t notice they are here / Les Morts arrivent, si tu n’y prêtes pas attention, tu ne remarqueras pas qu’ils sont là ». A l’heure du retour des populismes partout dans le monde, celui des morts-vivants n’est pas vraiment une surprise.
Ressusciter les vieux fantômes, les donner à voir avec autant de précision que possible, c’est exactement le projet du prochain Alejandro Amenábar, biopic consacré aux derniers jours du philosophe Miguel de Unamuno – mort en Espagne le 31 décembre 1936, après avoir tenté de tenir tête au fascisme qui envahissait le pays. Comme Agora, du même réalisateur, l’idée est de faire le portrait d’un intellectuel submergé par l’obscurantisme. Au centre de tout ça, il y a le regret que l’art doive se mêler de politique – dans Agora, il s’agissait de la science. Amenábar est l’un des rares réalisateurs à mettre en scène des intellectuels, avec ce que cela implique de difficultés : il faut simplifier un peu, sans pour autant caricaturer. Il s’en tire très bien – avec une trouvaille brillante notamment, au début, lorsque le vieil homme rêvant de sa jeunesse ne comprend pas tout de suite pourquoi un adolescent vient le chercher en l’appelant « grand-père ». Tout est là : le temps que l’on met à accepter que le temps a passé est précisément celui dont profitent les fascismes.
Le chef-d’œuvre, en matière de retour des fantômes, venait du Portugal : lauréat du Léopard d’Or au dernier festival de Locarno, Vitalina Varela n’a pourtant toujours pas de date de sortie en France. Le fantôme, c’est l’actrice éponyme, arrivant au Portugal dans un quartier noir et souterrain comme une nécropole, pour régler ses comptes avec son défunt mari, parti du Cap Vert des années plus tôt, pour ne jamais revenir. Lors de ses rares lignes de texte – le film est d’une lenteur d’outre-tombe, comment s’en étonner ? – c’est à son mari absent qu’elle s’adresse, jusqu’à débattre parfois de la nécessité d’apprendre le portugais pour parler avec son esprit. Dès que l’actrice se tient devant un miroir, on a tout le temps de repérer comme son reflet dessine en fait un spectre – de même que la lumière au fond de ses yeux dans l’obscurité, captée par la caméra numérique lors d’un plan saisissant. « Dans le noir, les choses deviennent plus belles », glisse quelqu’un vers la fin, credo esthétique d’une œuvre aux noirs d’une profondeur vertigineuse. Comme dans bien des histoires de deuil et de reconstruction, tout s’achève sur une maison en plein jour dont on fixe, après deux heures passées à scruter l’obscurité, la fenêtre inachevée, carré noir dans la façade ouverte sur l’au-delà.
Un film noir, un film blanc : Un jour si blanc a remporté le grand prix du festival de Turin, et sortira le 29 janvier prochain en France. Le blanc, ici, vaut bien le noir de Pedro Costa : « Quand tout est blanc, les morts peuvent nous parler », prévient l’exergue, avant le premier plan plongé dans un brouillard islandais d’une blancheur immaculée – et un accident mortel. L’histoire est celle d’un deuil, encore une fois, et de la difficulté de régler ses comptes avec celles et ceux qui sont partis : ici, c’est une femme qui est morte, mais comme chez Costa, elle emporte des secrets douloureux qu’il s’agit de découvrir, en passant par le monde souterrain – ici la traversée, par le veuf, d’un tunnel à pied et en plan-séquence. Comme chez Costa encore, la reconstruction intérieure s’accompagne de la construction d’une nouvelle maison, mais celle-ci est introduite au moyen d’une excellente trouvaille de mise en scène : plusieurs minutes silencieuses où se succèdent des plans fixes de la maison devant le paysage, à différents moments de l’année, pendant plusieurs saisons. On regarde alors la vie reprendre peu à peu, jusqu’au déclenchement de l’intrigue. Les idées de ce genre sont nombreuses, mais le grand prix vient aussi du personnage de Salka, la fillette qui assiste à l’enquête menée par son grand-père : non seulement l’actrice est fabuleuse (Ída Mekkín Hlynsdóttir), mais elle offre le regard incrédule qui fait le charme de toutes les histoires de fantômes.
Festa Mobile, c’est un peu la section avec les stars : c’est là qu’il y avait Amenábar, mais aussi Abel Ferrara. Tommaso raconte l’histoire d’un écrivain new-yorkais exilé à Rome (Willem Dafoe), avec sa femme et sa fille – jouées par la femme et la fille du réalisateur, Cristina Chiriac et Anna Ferrara. Films de vacances, disait-on. Comme en Islande, la fillette est la clé, témoin de l’absurdité de ce qui se joue autour d’elle entre adultes ; et l’on a bien le sentiment de quelque chose d’un peu vain en constatant qu’il s’agit surtout d’une lettre d’amour aux mains de Dafoe, que l’on voit en gros plan successivement laver des verres, serrer la main à un SDF, ou peloter un sein dans une voiture. Il y a quelque chose de complètement anachronique dans cette bluette bukowskienne dans laquelle un sexagénaire déshabille toutes les jeunes femmes qui passent, comme si le film n’était que la concrétisation d’un fantasme de réalisateur sur ses figurantes. Ce qui est drôle, c’est que Ferrara documente précisément la façon dont ce vieil hétéro se retrouve crucifié à sa libido, à son désir et à sa colère grotesques – d’autant plus que l’hétéro en question est joué par Dafoe, le Christ de Scorsese, dans la ville du Vatican. Gag.
Regardé dans la foulée, Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu, arrivé tout droit de la compétition cannoise, paraissait un peu anachronique aussi, s’ouvrant sur une scène de sexe entre Catrinel Marlon, top-model roumain ayant posé récemment pour FHM et Maxim’s, et l’acteur Vlad Ivanov, 50 ans, qui n’a jamais posé et ne posera jamais pour aucun de ces deux magazines, ni pour leur équivalent féminin. Mais Porumboiu se débarrasse avec ruse du boulet que représente la relation hétérosexuelle mise en place au début : « Oublie ce qui s’est passé à Bucarest, je l’ai fait pour les caméras », lance bien vite la femme fatale au flic corrompu, qu’elle savait sous surveillance. De Bucarest, le film se dirige sur une île des Canaries où il est question d’un code secret sifflé qui servira à une évasion. L’histoire d’amour évoquée par le résumé est totalement négligeable : ce qui compte, c’est le jeu sur le nouveau langage sifflé appris par ce quinquagénaire revenu de sa libido. Porumboiu s’amuse surtout du jeu sur le vrai et le faux, de vrais oiseaux chantant constamment hors-champ, tandis que les humains sifflent laborieusement, écoutent de l’opéra ou obéissent aux gazouillis de leurs téléphones, dans leurs forêts artificielles.
Inutile de s’étendre trop sur Guns Akimbo, qui sent le direct-to-DVD à 50 kilomètres en dépit de sa tête d’affiche, Daniel Radcliffe – c’est dire le travail de sape orchestré autour de l’acteur. Comme Jennifer Lawrence avait tourné les scènes de nu du dispensable Red Sparrow pour exorciser ses mésaventures en ligne, Harry Potter ne semble avoir accepté un tel nanar que pour se venger de ses haters : il incarne ainsi un troll planqué derrière son clavier à qui on vient un jour greffer des armes à feu dans les mains pour l’obliger à partager à un jeu de gladiateurs futuriste ultra-violent. Non seulement on ne croit pas une seconde à Radcliffe en gros raté en peignoir, mais le film vire à l’assemblage irregardable de fusillades et au pensum de droitard cynique, qui pense apprendre la vie à la génération Z en la « confrontant à la violence du monde réel ». Vu la mise en scène très «jeu vidéo» de l’ensemble, il y a de quoi rire.
Dans la collection des films répugnants, rien ne battra cependant Space Dogs, documentaire qui se veut un hommage à Laïka et aux victimes animales du programme spatial soviétique en accompagnant, à leur hauteur, la vie des chiens errants de Moscou. Le film tout entier, qu’on regardait d’un œil sympathique, voire intéressé, meurt brutalement lorsque deux chiens saisissent un chaton, le mettent à mort et entreprennent de le dévorer à un mètre du caméraman Levin Peter. Mort brutale, du chaton et du film, car toutes les images d’archives de vivisection, particulièrement éprouvantes, ne proviennent dès lors plus d’un endroit très différent que le documentaire lui-même, qui perd toute distance. L’époque a certes changé, le contexte aussi, mais l’idée reste de collecter, sans états d’âme, des images d’animaux en état de détresse profonde, avec la conviction qu’il ne s’agit que de quelque chose de « fonctionnel » – pour reprendre le mot du réalisateur, qui a confirmé lors de l’échange avec le public n’avoir « rien ressenti » en laissant ce chaton se faire déchiqueter sous ses yeux. Forcément : à ses yeux, il ne s’agissait pas de juger qui que ce soit, pas plus les scientifiques que les chiens, et seulement d’enregistrer sans sentir, ni penser. Désolé, mais le documentaire, ce n’est pas ça.
Pour retrouver un peu de noblesse dans le sadisme, il fallait retourner en compétition : Prélude est une sorte de remake de Whiplash (voilà en tout cas ce que personne ne peut s’empêcher de penser), puisqu’on y suit un jeune pianiste martyrisé par sa jolie prof de piano puis sa copine, de son entrée au conservatoire sur fond de Bach à son suicide, sur fond de Ligeti. L’issue fatale est probablement ce qui distingue le mieux le feel-good movie hollywoodien de cette tragédie allemande ; mais il serait dommage de passer à côté de toute la dimension sexuelle des relations du jeune homme aux deux femmes qui l’encadrent – trois, en comptant la réalisatrice. Comme le Christ de Ferrara, l’homme hétérosexuel se retrouve encore cerné par un érotisme étouffant, pris dans sa libido débordante pour toutes celles qui l’entourent, au point d’en perdre la raison, et la vie.
S’il a été, par le passé, facile de me faire une programmation paritaire au sein du festival, le « hasard » aura voulu cette année qu’avec Tito, Delphine & Carole ait été le seul film réalisé par une femme de mon passage – comme dans Tito, comme presque partout ailleurs, le sujet y était encore l’hétérosexualité masculine vécue comme une plaie. On découvre ici le travail militant de Delphine Seyrig & Carole Roussopoulos, dans les années 70. Les images d’archives emmènent les spectatrices (côté salle : deux adolescents ont quitté la séance devant moi, laissant leur amie toute seule – qui s’était endormie…) à l’époque d’éveil des consciences féministes et des premières grandes manifestations de femmes – même si l’on apprend que le mouvement s’était déjà musclé en 1936. On y apprend notamment que Seyrig fut la deuxième personne à acheter un caméscope, après Godard, et qu’elle y voyait un outil de libération de la parole des concernées ; que Jack Warner voulait que Jane Fonda se fasse siliconer les seins ; qu’Yves Montand refusa de tourner avec Delphine Seyrig, du fait de son engagement féministe. On y croise Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Chantal Akerman ; et la pauvre Françoise Giroud, censée représenter « les femmes » sous Pompidou quand bien même « il ne peut y avoir de représentation de la femme au sein d’un gouvernement patriarcal » – on voit ici toute l’actualité du documentaire. Ce qui ressort, surtout, c’est l’humour omniprésent au sein d’un mouvement que ses opposants font volontiers passer pour autoritaire ; et un travelling assez dingue, lors d’un avortement pratiqué par des militantes (dans un documentaire intitulé Y a qu’à pas baiser), où la caméra passe derrière le miroir placé devant la vulve de la patiente, pour lui permettre de se voir. Image très claire de la réappropriation de la parole par les cinéastes, et de leur propre regard, par les premières concernées.
Ma programmation s’est achevée sur un film où Margot Robbie semblait prendre l’air loin du Hollywood d’aujourd’hui. Dreamland se passe dans le Texas de Bonnie & Clyde, sillonné par un couple de braqueurs, Robbie évidemment dans le rôle de Bonnie. Garrett Hedlund joue Clyde, mais pas très longtemps, puisque le récit se concentre sur la culpabilité de la jeune femme seule en cavale, jusqu’à une ferme où un adolescent la soigne, tombe amoureux et s’enfuit avec elle – sous le regard accusateur de sa petite sœur. C’est drôle, comme dans Un jour si blanc, comme dans Tommaso, on retrouve le personnage d’une fillette comme relais du spectateur, comme si partout, en Islande, en Italie, au Texas, le futur, l’idéal de justice, et la conscience, étaient plus que jamais incarnés par des fillettes – en cela, ces films sont contemporains de la petite Greta, qui était sur son voilier transatlantique au moment du festival. Elle pourra jeter un œil à Dreamland, pas écolo pour deux sous (la terre rêvée, c’est le Mexique, où les fugitifs voudraient échapper à la loi), mais simplement magnifique à au moins deux reprises : lors d’un plan-séquence fixe d’une dizaine de minutes dans une douche, quand Robbie et son otage amoureux se rapprochent en parlant (écho d’une scène identique dans Tommaso, où une conversation devient une scène de sexe au sein même d’un plan-séquence) – et la toute fin, coups de feu, ralentis, tragédie familiale, qu’on se gardera bien de raconter ici.
Le 37e Festival de Turin s’est déroulé du 22 au 30 novembre 2019.