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Une professeur de philosophie voit sa vie accomplie, et dont elle pouvait être fière, se déliter de toutes parts, en quelques mois, sans qu’elle ait commis de faute. Elle n’a alors d’autre choix que d’entamer sa réinvention, en restant ferme sur le maintien de ce qui fonde son identité tout en s’adaptant à ce monde qui change imperceptiblement mais constamment, et qui fait changer la place qu’elle y occupe. Mia Hansen-Love suit avec intelligence et sensibilité ce processus, sans l’appliquer à son cinéma qui n’évolue pas d’un film à l’autre, restant dans sa zone de confort.
Le nouveau film de Mia Hansen-Love est… un film de Mia Hansen-Love : cette lapalissade est la meilleure définition que l’on puisse donner de L’avenir. Tout ce que l’on connait du style et de la matière de la cinéaste – qui avait trouvé sa voix et ses repères dès son premier long-métrage Tout est pardonné – est là, sans surprise mauvaise ou bonne. Même le substantiel élément de nouveauté, Isabelle Huppert dans le rôle principal de Nathalie, se fond dans l’ensemble en ne le secouant qu’à sa surface, par ses ruptures de jeu caractéristiques et capables de rehausser n’importe quelle scène ou réplique. Huppert ne bouleverse pas le cinéma d’Hansen-Love parce que cette dernière ne lui en donne pas l’occasion, ayant organisé L’avenir selon la façon de procéder qu’elle reproduit de film en film : plutôt que de leur faire vivre une histoire, faire vivre tout court ses personnages – et c’est un peu trop court.
Le parcours de Nathalie est une succession de micro-événements, saynètes nous faisant saisir de quoi est fait son quotidien, et de micro-inflexions. Les grands bouleversements soudains de son existence sont toujours pris de biais, vus au travers de scènes à une distance suffisante de la catastrophe pour préserver le film du souffle de celle-ci : du divorce avec son mari on voit essentiellement le partage des biens communs, la dégradation de l’état de santé de sa mère est traitée par ellipses, la fin de son contrat avec une maison d’édition lui ayant toujours été fidèle ne lui est notifiée qu’à demi-mot. Le récit de L’avenir s’écoule ainsi sans réelles aspérités, sagement au risque de devenir neutre, en douceur au risque de ne pas laisser de marque malgré les qualités manifestes de l’écriture d’Hansen-Love et de son regard sur ses semblables quel que soit leur âge et leur sexe.
L’avenir est en effet riche en rencontres et retrouvailles, donc en personnages d’horizons divers enrichissant chacun la narration de nouveaux lieux et modes de vie, de nouvelles manières de penser le monde et questions que cela soulève. Ordre et rébellion, capitale et province, vieillesse et jeunesse, plaisirs tangibles et réflexions métaphysiques, le film brasse quantité de sujets tel un cours de philosophie appliquée et parvient à maintenir sans cesse notre intérêt en éveil. Mais s’il a beaucoup de contenu, on y trouve en définitive assez peu de sens (comme dans la vie elle-même, certes – mais un film n’est-il pas justement en position d’apporter un point de vue, d’ouvrir des pistes ?) ; si ce n’est dans sa conclusion qui nous suggère de trouver un accomplissement dans le cadre familial classique – fonder un foyer, puis une fois le temps venu tenir son rôle de grand-parent. Au souvenir de cette fin platement conservatrice (donc confortable, certes (bis)), on préférera celui du personnage du chat Pandora, qui aurait certainement valu au film notre Palm Cat eut-il été à Cannes – puisqu’il est à Berlin, on peut parler de Teddy Katze.
L’AVENIR (France, 2016), un film de Mia Hansen-Love, avec Isabelle Huppert, André Marcon, Roman Kolinka, Edith Scob. Durée : 100 minutes. Sortie en France le 6 avril 2016.