PAULINA : quand la morale défie la justice

Plutôt que de suivre une carrière toute tracée dans le droit, Paulina préfère enseigner à des ados turbulents, avant qu’un terrible événement ne mette à l’épreuve ses idéaux : Santiago Mitre signe un beau film, touchant mais parfois dérangeant dans sa manière de remettre en cause certains de nos principes moraux les plus ancrés.

Qu’est ce que la justice ? A quel point peut-elle défier nos convictions les plus profondes ? Ces questions, le jeune réalisateur argentin Santiago Mitre les pose avec Paulina, son second long-métrage : l’histoire d’une jeune femme qui, portée par son engagement, défie son père et son compagnon en partant enseigner dans une région défavorisée d’Argentine. L’histoire aussi d’une bande de petits voyous dépassés par leurs actes. L’histoire d’un juge confronté à la pire des réalités.

Paulina (Dolores Fonzi) est belle et idéaliste lorsqu’elle débarque dans cette pampa où s’affrontent des gangs d’ados perdus. Ces jeunes, ce sont ses nouveaux élèves et bien vite, la jeune femme réalise que le fossé est énorme entre elle et eux. Elle tente tant bien que mal de les initier aux notions de justice et d’humanité, jusqu’au moment où elle est victime d’une agression violente qui chamboule le rythme du film et met à l’épreuve ses bons principes. Son drame va remettre en cause ses convictions et les nôtres en nous posant une question terrible : la justice peut-elle être appliquée de la même façon à tout le monde ?

Paulina touche, heurte, provoque en chacun des spectateurs un débat turbulent, grâce à trois regards qui se croisent sans cesse : celui de Paulina, celui de son père, un juge éminent, et le nôtre. On a du mal à accepter la manière dont Paulina voit les choses. On a envie de la secouer par les épaules pour qu’elle perçoive les événements comme nous les percevons. Mais on ne pourra jamais comprendre entièrement cette jeune femme qui n’entend pas se plier à notre morale, ni à celle des siens. Est-elle folle ou terriblement humaine ? Ce qui est certain c’est qu’elle suit sa propre voie, tracée par la blessure qu’elle garde en elle, quitte à l’infliger aussi à ceux qui l’aiment.

Anouk Lainé

PAULINA (Argentine, 2015), un film de Santiago Mitre, avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez, Esteban Lamothe, Cristian Salguero. Durée : 103 minutes. Sortie en France indéterminée.