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Le 19e festival de Busan (Corée du Sud) a dévoilé un line-up qui lui permet de garder sa place de plus gros festival d’Asie face à Tokyo et Hong-Kong. Il ne rivalise pourtant pas encore avec les grands de l’occident. C’est que Toronto a écrasé tout le monde cet automne, et pique même aussi à Busan ce qui est censé être sa force depuis le début, la découverte de jeunes films asiatiques. Comme de plus le cinéma coréen est moins à la mode et que les auteurs majeurs sont d’abord exposés en occident, Busan lutte pour maintenir quelques premières mondiales, y compris sur les films coréens.
Le festival montrera ainsi le nouveau film d’Im Kwon-taek, Revivre, mais qui est auparavant à Venise et Toronto. Le film est précédé de flatteuses rumeurs avec un sujet contemporain à fort potentiel dramatique, ce qui laisse augurer un retour en force du fameux vétéran auteur de 102 films. Inutile d’évoquer qu’il y aura aussi évidemment des nouveaux Hong Sang-soo et Kim Ki-duk… enfin comme tous les six mois, et toujours montrés d’abord en Europe. Les autres films coréens majeurs de l’été, quatre blockbusters dont trois qui se passent sur l’eau, sont montrés en panorama. Deux produits mélangeant comédie et action, Kundo et Pirates (inspiré de Pirates des Caraïbes) et Roaring Currents, un film nationaliste sur un des grands héros coréens, l’amiral Yi Sun-shin qui mit en déroute l’armée japonaise lors d’une célèbre bataille navale. Il a pour lui une très belle photographie et la mythique tête de Choi Min-sik, hirsute, monolithique, voire totalement inexpressive cependant. Le film a balayé toutes les critiques d’un revers et explosé un à un les records du box-office coréen, devenant le plus grand succès de tous les temps avec 15 millions d’entrées en un mois. Le quatrième des poids lourds de l’été est le seul valable en terme de cinéma et (comme par hasard) celui qui a le moins bien marché au box-office, Haemoo (ex Sea Fog), première réalisation du scénariste de Memories of Murder, produit et co-scénarisé par le mentor Bong Joon-ho. C’est pourquoi il était attendu en occident, il a fait sa première à Toronto et est acheté par Le Pacte pour la France. C’est un drame maritime façon The Perfect Storm avec en plus un sujet social et une dérive thriller, très sombre, inspiré d’une histoire vraie. C’est bien mené, porté par un excellent casting, mais loin de l’originalité de Bong Joon-ho réalisateur.
Les fans du réalisateur pourront également découvrir une curiosité, voire un gag : son film Mother présenté en… noir et blanc. Comme ça, on sait pas pourquoi. Histoire de vraiment rappeler que Bong Joon-ho fait absolument ce qu’il veut désormais. Le cinéphile pointu pourra aussi remarquer des courts métrages inédits de Park Chan-wook (qui se fait la main en attendant son nouveau tournage, Agassi, l’année prochaine) et de l’actrice Moon So-ri (Une femme coréenne, In another country…) qui passe pour la première fois derrière la caméra. L’histoire est sous influence de son mentor Hong Sang-soo (celle d’un réalisateur ou acteur/actrice qui cherche sa voie etc…).
Mais les coréanophiles encore plus curieux devront découvrir les films de la rétrospective Jung Jin-woo, réalisateur méconnu parce que trop vite rangé dans la catégorie « films commerciaux », alors qu’il avait un sens du cadre époustouflant comme un grand maître japonais, et cet art du mélodrame si particulier à la Corée. Deux films majeurs à retenir sur les huit présentés : Green Rain (aussi connu sous le titre Early Rain) (1966) est une romance entre un mécanicien et la bonne de l’ambassade de France, curiosité pour nous, avec ses clins d’œil mignons à la France, mais le grand intérêt de Green Rain est sa façon de faire de ces pauvres deux victimes de leur condition, obligés de se faire du mal. Does the cuckoo cries at night (ou sing at night) (1980) est un mélodrame somptueux et gentiment érotique, connu de tous les coréens parce qu’il a révélé un actrice irradiante, Jeong Yun-hui, sex symbol qui avait fait d’autant plus fantasmer qu’elle avait arrêté sa carrière à 30 ans et quelques films.
Notons également l’inévitable arrivée de documentaires sur l’événement qui secoue la Corée depuis avril, la catastrophe du ferry Sewol. Un film s’avance ainsi comme un étendard, titré The Truth Shall Not Sink with Sewol, ce qui n’est pas des plus léger, mais il est réalisé par une sorte d’Edwy Plenel local, un journaliste investigateur star, Lee Sang-ho. A surveiller, car cette affaire, qui touche toutes les couches de la société jusqu’à la présidence, a un potentiel romanesque inouï.
Difficile de savoir quel petit film local fera sensation cette fois-ci, comme l’année dernière le puissant Han Gong Ju, qui rafla ensuite des prix partout jusqu’à être distribué en France (sous le titre A Capella). Il était niché dans une petite section non compétitive. C’est le bouche à oreilles qui en avait fait la star de l’édition 2013 et Pusan joue bien ce rôle de tremplin pour lancer le petit régional qui ira ensuite se jeter dans les griffes de Rotterdam, Berlin voire Cannes.
Pour le reste du programme international, Busan fait simple : il invite en gros la moitié des films de Cannes toutes sections confondues, plus quelques arrivages de Locarno et Toronto (ainsi Eden de Mia Hansen-Love) et les cinéphiles locaux sont ravis (que demande le peuple ?). Quelques oeuvres non asiatiques inédits peuvent se trouver dans la section Flash Forward, mais cela relève de la curiosité, venir en Corée dans l’idée d’y révéler un film français étant pour le moins incongru. On trouve tous les films asiatiques majeurs du moment, ceux qui ont échappé aux festivals précédents en première mondiale, dont douze premiers ou deuxième films dans la compétition New Currents. Tendance de cette année : une provenance de plus en plus diversifiée, avec des films du Bengladesh, du Liban, rare sont les pays qui manquent désormais à l’appel.
Un gros film asiatique sera particulièrement mis en avant, The Golden Era, biopic sur une femme écrivain, par Ann Hui, rare réalisatrice de Hong Kong. Sa star est Tang Wei, actrice toujours aussi exigeante depuis sa révélation explosive dans Lust Caution de Ang Lee ; d’où l’invitation de The Golden Era à Venise. Eclairons le phénomène : depuis Lust Caution, l’aura de Tang Wei en Corée est inouïe auprès des mâles, c’est la femme idéale du cinéphile coréen, et elle a atteint son paroxysme cet été, quand elle s’est mariée avec le réalisateur coréen Kim Tae-yong (Memento Mori). Il l’avait fait tourner dans son très beau Late Autumn, leur relation a grandi sous le secret pour devenir un symbole d’amour idéal, un rêve de cinéphile doublé d’un beau message, un couple façon Olivier Assayas/Maggie Cheung. Car même si ce sont deux asiatiques, leurs langues maternelles et pays de résidence restent différents, et il n’est vraiment pas facile de faire accepter un mariage inter-racial en Asie. Ce seront donc, à l’échelle de Pusan, les deux stars du festival.
Loin de ces frasques médiatiques, le festivalier de Busan ira comme à son habitude jouir des derniers jours de l’été dans cette grande station balnéaire, et profiter de rencontres entres professionnels qui ont généralement tous des intérêts croisés Asie/Occident. Le cœur du festival reste en effet son marché de projets, ses discussions parallèles, dans un cadre plus relax que les grands barnums de la rentrée.
Le 19e festival de Busan se déroule du 2 au 11 octobre 2014