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Suivre un fil unique, dépeindre une situation profondément dérangeante et cruelle en en montrant toutes les implications ; entrelacer les différents fils d’un mélo un peu gros, mais touchant. Deux partis-pris également convaincants.
On avait quitté Im Kwon-taek sur ses films d’époque un peu surcotés (Le Chant de la fidèle Chunyang, Ivre de femmes et de peinture, La Pègre). Celui-ci revient avec un film contemporain fort et affuté. Sans provocation, Revivre dépeint une situation authentiquement dérangeante, plus que bien des films qui le revendiquent plus fort : un homme tombe amoureux d’une femme alors que la sienne est en train de mourir. Sans être un salaud, sans cesser d’assister la mourante comme il convient. Mais l’esprit déjà ailleurs, ne songeant visiblement plus qu’à l’après. Le film n’en rajoute pas, ne donne pas de leçons, ne tire pas de généralités pompeuses sur l’humanité à la manière d’Haneke. Il n’empeche que le constat, simple, est d’une cruauté totale. A ce titre, Revivre rappelle, par sa tonalité, Tel père, tel fils, lui aussi assez terrible sous sa très grande retenue. Comme Kore-eda, Im Kwon-taek ne cesse de nuancer, de remoduler en quelque sorte sa position : capable de faire voir l’absence d’empathie de plus en plus patente du personnage, mais aussi ce qu’il y a de triste à ce que sa nouvelle histoire d’amour n’aboutisse pas. Tout en prenant en compte, à de (trop) rares endroits, le désarroi mué en désespoir de l’épouse malade qui se sait insuffisamment aimée.
Le hasard a voulu qu’on enchaîne avec un autre mélo, très différent : Le dernier coup de marteau, second long-métrage d’Alix Delaporte après Angèle et Tony, déjà salué par la critique. Là où le coréen se contente d’un fil, le français entrelace les siens avec un certain bonheur : Victor vit avec sa mère malade, peut-être condamnée (Clotilde Hesme avec sa dureté apparente, parfaite pour désamorcer le mélo). Victor se trouve dans un environnement socialement délabré, avec pour principal lien une famille espagnole chaleureuse qui habite dans la caravane d’à côté. Victor tombe amoureux, hésite à accepter l’offre d’un centre de formation de foot, rencontre pour la première fois son père, chef d’orchestre caractériel. On conçoit que le lecteur soupire devant cette accumulation, estimant que ça fait beaucoup. Peut-être, mais ça fonctionne : visiblement consciente des aspects un peu faciles, ou un peu gros, de son scénario, la réalisatrice n’en rajoute pas et parvient à dépeindre de manière touchante ces quelques mois cruciaux dans la vie d’un adolescent à la croisée des chemins. Sans doute la partie consacrée aux retrouvailles avec le père est-elle moins convaincante. On comprend que la cinéaste ait souhaité ajouter au mélo social, au mélo sentimental, une dimension de mélo au sens le plus traditionnel du terme. Mais il faut bien reconnaître que quelque-chose ici ne fonctionne pas complètement, à commencer par Grégory Gadebois, à la limite du surjeu à force de vouloir être le James Gandolfini français (son interprétation frole le mimétisme). Le film n’en séduit pas moins par son équilibre, le mélange habile qu’il opère entre ses différentes composantes, pas si fréquent dans le cinéma français.
REVIVRE (Corée du Sud, 2014), un film de Im Kwon-taek. Avec Ahn Sung-ki, Kim Qyu-ri, Kim Ho-jung. Durée : 89 min. Sortie en France indéterminée.
LE DERNIER COUP DE MARTEAU (France, 2014), un film d’Alix Delaporte. Avec Clotilde Hesme, Romain Paul, Grégory Gadebois, Candela Peña. Durée : 82 min. Sortie en France le 11 mars 2015.