2 AUTOMNES, 3 HIVERS de Sébastien Betbeder

Trois ans de la vie de trentenaires désœuvrés entre Paris, Bordeaux et les Alpes suisses : amours, maladie et cinéma dans un film hybride et attachant. Présenté à l’ACID à Cannes 2013, le troisième long-métrage de Sébastien Betbeder est un bouleversant patchwork intime dont les maladresses rehaussent le charme un peu gadget.

Quel est le rapport entre Judd Apatow, Michel Delpech et Alain Tanner ? Tous sont mentionnés dans 2 automnes, 3 hivers, petit film malicieux qui se présente comme une collection de tableaux formant le portrait de quatre trentenaires parisiens paumés en pleins questionnements existentiels et amoureux. Mais Sébastien Betbeder ne choisit pas pour cela la voie du naturalisme. Bien au contraire, son film est stylisé à l’extrême, avec notamment un parti pris formel fort : régulièrement, les comédiens s’adressent à la caméra, commentant en monologue l’action, développant tour à tour le monde intime de chaque personnage.

Le cinéaste ne recule donc pas devant le caractère artificiel de son projet. À bien des égards, c’est un risque : le film donne au départ le sentiment que son procédé relève du simple gadget, un peu trop mécanique, avec notamment son accumulation de très courts chapitres. Pourtant, le charme de ce film-patchwork finit par prendre. D’abord parce qu’il maintient de bout en bout son procédé, qui suscite des instants vraiment drôles, émouvants ou surprenants. Ainsi, à un moment, les deux protagonistes masculins vont voir au cinéma Funny People de Judd Apatow, à la séance de 22h20 au MK2 Beaubourg. Petit aparté : de quoi parle Funny People ? Et le héros de nous raconter George Simmons, sa maladie et sa décision de remonter sur scène. 2 automnes, 3 hivers est bourré de ce genre de digressions délicieuses et autres parenthèses rigolotes qui nourrissent notre compréhension des personnages.

Les références se multiplient : Apatow, donc, mais aussi Eugène Green, Alain Tanner ou Robert Bresson sont convoqués, indistinctement par les personnages et par le cinéaste, pour enrichir le monde du film. Œuvre hybride qui alterne scènes in situ, adresses à la caméra, monologues sur fond vert, extraits de films et même un petit bout de comédie musicale, le film se place à chaque instant dans cet entre-deux entre portrait générationnel (quelques traits sociologiques qui créent parfois un saisissant effet de réel) et fantaisie qui se permet plein de petites excursions délirantes. Il se charge aussi au fur et à mesure d’une véritable profondeur, d’une mélancolie et d’une inquiétude qui finissent par bouleverser. On ne peut que s’identifier à la peur de la solitude, à l’angoisse de la mort qui traversent des personnages éminemment attachants.

L’émotion qui étreint à la fin du film s’est construite petit à petit, grâce à la croyance du cinéaste en son dispositif, dont l’artificialité finit par générer une impression de vérité et un trouble stupéfiants. Tout n’est pas d’une parfaite maîtrise dans ce petit film à la croisée des genres, des tonalités et des formes – mais l’audace expérimentale du cinéaste, toujours modeste, et son regard empathique sur des personnages singuliers finissent par s’accorder et le film par trouver une belle cohérence dans le fourmillement de ses belles idées.

2 AUTOMNES, 3 HIVERS (France, 2013), un film de Sébastien Betbeder. Avec Vincent Macaigne, Maud Wyler, Bastien Bouillon. Durée : 91 min. Sortie en France : 25 décembre 2013.