ALL CHEERLEADERS DIE de Lucky McKee et Chris Siverston

Venu présider le jury du sixième Festival du Film Fantastique de Strasbourg, Lucky McKee en a profité pour présenter en première européenne son dernier film, All Cheerleaders Die, un teen movie horrifique à la croisée des genres, auto-remake d’un film éponyme de 2001, déjà co-réalisé par McKee et Chris Siverston.

 

Depuis le très beau May en 2002, et jusqu’à The Woman (loué en ces pages à la faveur du Grand Prix à Strasbourg en 2011), en passant par Red (2008), Lucky McKee est devenu un des cinéastes les plus en vue du cinéma d’horreur. Alors qu’on pouvait s’attendre à le voir continuer sur des terrains plus personnels et sérieux, il semble refaire aujourd’hui sa crise d’adolescence avec son pote de l’époque Chris Siverston (réalisateur notamment de I Know Who Killed Me en 2007, avec Lindsay Lohan) en tournant un remake douze ans plus tard de son premier film – All Cheerleaders Die, donc. Le pitch ? Peu de temps après le décès accidentel de la chef des pom-pom girls, une élève marginale et rebelle, Mäddy (Caitlin Stasey), rejoint l’équipe à la surprise générale. Elle intègre ainsi le groupe des élèves populaires du lycée, au grand damn de son ex petite amie Leena. Une dispute avec les crétins de l’équipe de football américain va être à l’origine de phénomènes surnaturels, alors que tout ce beau monde fait sa rentrée en senior year.

Comme dans tous les teen movies, c’est de clans qu’il s’agit : d’un côté les gamins populaires – cheerleaders et jocks (sportifs), les premières étant les petites amies « naturelles » des seconds -, et de l’autre les marginaux, représentés ici par une lesbienne au look gothique pratiquant la sorcellerie (le clan des nerds est tristement passé sous silence). All Cheerleaders Die se délecte à dérouler en les moquant ou en les détournant tous les clichés propres au genre (ici le quaterback est un pervers fini, la chef des cheerleaders a des tendances saphiques, etc.), mais force est de constater qu’on a déjà vu ce traitement décalé ailleurs, y compris dans les teen movies eux-ALL CHEERLEADERS DIE de Lucky McKee et Chris Siverstonmêmes, qui ont intégré la déconstruction du genre depuis bien longtemps. On s’interroge donc sur la pertinence de cette satire, mais le film, avec ses nombreux revirements et changements de ton, ne se résume heureusement pas à cela.

Dès qu’il sort de la parodie à proprement parler et intègre des éléments surnaturels un peu creepy et gores (comme des pierres lumineuses qui rentrent sous la chair des pom-pom girls pour leur redonner la vie, un échange de corps entre deux sœurs, l’appétit « vampiresque » des filles ressuscitées), All Cheerleaders Die convainc plus. Il donne à voir un monde quasi entièrement débarrassé des adultes (à l’exception de quelques profs croisés dans les couloirs et d’un pauvre voisin qui ne survit pas très longtemps à l’écran), où les adolescents se complaisent dans un jeu de massacre géant. Tout cela est souvent rigolo, parfois réjouissant. Mais la lassitude finit par l’emporter, contre l’émotion et contre la trouille, à force de second degré et de méta. Dans le même genre, le délicieux Detention de Joseph Kahn en 2011 – parodiant teen movies et films de tueur en série, avec même des éléments de science-fiction – était beaucoup plus étonnant, délirant et émouvant.

Film de vampires, de sorcières, de morts-vivants, rape and revenge ? Le film de McKee et Siverston mélange les genres avec une vitalité certaine, se réjouit de son côté foutraque… sans surprendre. Au regard de la filmographie précédente de Lucky McKee, All Cheerleaders Die apparaît comme une récréation, indéniablement plaisante mais peu stimulante.

 

ALL CHEERLEADERS DIE (Etats-Unis, 2013), un film de Lucky McKee et Chris Siverston, avec Caitlin Stasey, Sianoa Smit-McPhee, Brooke Butler, Amanda Grace Cooper. Durée : 90 minutes. Sortie en France en DVD/BR le 19 août 2015.

Anna Marmiesse
Anna Marmiesse

Diplômée de la Fémis, filière distribution. Wannabe scénariste. Critique cinéma par-ci par-là et fière détentrice d'un master en philosophie. Fangirl des Beatles, de Gene Kelly et de Marc Planus.

Articles: 30