THE WOMAN : « This film is bullshit ». Bullshit !
Que se cache-t-il derrière le scandale de Sundance 2011 ? Le meilleur film d’horreur vu à Strasbourg et le plus impressionnant de ces dernières années.
Difficile d’évoquer le cas The Woman sans parler du scandale de Sundance. Celui-ci a fait beaucoup pour la renommée du nouveau Lucky McKee. Vingt minutes avant la fin de la première projection publique, une femme sort en panique, glisse et tombe violemment sur la tête. On s’apprête à la réanimer. Mais le spectateur qui a fait le plus parler de lui a déjà quitté la salle. De force. Il ne lui reste plus qu’à hurler dans les couloirs avant d’être maîtrisé par la sécurité. « This is not human ! », « this film should be burnt », « this is not art, this is bullshit ! », « this film degrades women ! », « Sundance should be ashamed ! » : un film inhumain, sans valeur artistique, une œuvre à brûler, avilissante à l’égard des femmes. Une vidéo témoigne de ce pétage de plomb. Elle a fait un buzz et a même servi de trailer :
Qu’en pense le principal concerné, le réalisateur Lucky McKee ?
Un hommage à Bigfoot et les Henderson ? Non, The Woman est bien plus méchant. Ici, un avocat sachant chasser arrache une sauvageonne à son wilderness et l’enferme dans un sous-sol. Derrière l’homme ultra-civilisé interprété par Sean Bridgers (Deadwood, True Blood, The Mentalist) se cache un pater familias tortionnaire et incestueux. Dans The Woman, la voie nature-culture s’emprunte dans les deux sens. Le père Cleek dompte une femme animale et fabrique des monstres. C’est un monstre dans les deux cas. On en restera là pour ne pas gâcher la surprise des dernières minutes…
The Woman est casse-gueule, ultra-lisible. Son propos est d’une simplicité biblique. Mais sa rage et son jusqu’au-boutisme impressionnent. De la même trempe que le britannique The Descent, le film atteint un degré de sauvagerie rarement vu dans le cinéma d’horreur de ces dernières années. A côté, Massacre à la tronçonneuse passerait presque pour un vaudeville – McKee était d’ailleurs pressenti pour en réaliser le remake. Il a refusé . « J’aime trop le chef-d’œuvre de Tobe Hooper » confie-t-il. Dommage. Viré du tournage de son dernier film (Red) pour être remplacé par Trygve Allister Diesen, Lucky McKee a été écœuré du cinéma. Il a même failli arrêter. Puis il s’est remis au travail, plus affamé que jamais. Pas étonnant que The Woman cherche à bouffer tout cru ceux de sa lignée, ces objets horrifiques venus d’Hollywood que le réalisateur de May juge trop « soft », inoffensifs, trop malingres. Il y parvient aisément. Le jury Romero a fait de McKee le vainqueur du 4e Festival du Film Fantastique de Strasbourg. Il y avait là comme une évidence.