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Le délitement d’un couple où la femme soupçonne son mari de la tromper. Du sous-Antonioni, qui en reprend la forme sans le fond.
D’après son synopsis proposé par le catalogue de Paris Cinéma où le film est présenté en juillet 2013, l’intrigue de Lifelong s’amorce lorsque l’héroïne, Ela, « surprend son mari en train de téléphoner en secret ». Une fois dans la salle, il faut rester très attentif et ne pas baisser sa garde un instant si l’on ne veut pas rater ce moment de bascule, montré furtivement et jamais évoqué ensuite. Sur ce point comme pour tout le reste, la réalisatrice Asli Özge ne jure que par un style, ou plutôt une posture : la prise de recul jusqu’à l’évanescence, avec pour horizon la déréalisation du quotidien et la désensibilisation face aux émotions. Ainsi, de la même manière que Eka & Natia, lui aussi à Berlin puis présenté le même jour en compétition à Paris Cinéma, Lifelong incarne le pire du cinéma d’auteur naturaliste, et le pire du cinéma d’auteur maniériste.
Il appartient à la branche dévoyée de la descendance d’Antonioni ; celle qui n’a repris du cinéaste italien que ses techniques, apprises par cœur et récitées mécaniquement sans leur adjoindre une quelconque manifestation d’âme ou de réflexion (soit tout le contraire d’un autre film sélectionné à Paris Cinéma, le superbe Prince Avalanche). La question du point de vue – à qui appartient l’œil de la caméra ? – est souvent problématique dans Lifelong. C’est le cas à chacun de ces plans où l’appartement du couple semble surveillé, de derrière une vitre, en plongée avec un lent zoom menaçant : à la manière d’un détective privé, mais qui n’a aucune existence véritable. Le spectateur serait cette présence, sans empathie ni opinion sur la question, épiant froidement le lent délitement du couple dès lors que surgit la seule suspicion de tromperie. Aucune preuve concrète de l’adultère ne sera portée au dossier ; même si les justifications de Can sont parfois très hasardeuses, elles restent plausibles, c’est parole contre parole.
Le problème est que celle d’Ela est sérieusement écornée par le caractère antipathique dont elle fait preuve dans tous les aspects de sa vie, personnelle et professionnelle. Comme, pendant ce temps, le film construit pour le mari une image de brave type, cherchant à travailler pour d’autres motifs que simplement l’argent, concerné et compréhensif vis-à-vis de la condition de son épouse, Lifelong se retrouve à colporter une misogynie soft et trop souvent vue : la femme hystérique et l’homme équilibré. Une fois ce constat établi, la filature s’achève comme Eka & Natia (encore lui), en sacrifiant à un cliché irritant du cinéma d’auteur – la fin en forme de coupe abrupte et arbitraire au milieu d’une scène. Absolument pas une conclusion, tout juste une interruption.
LA REVELATION D’ELA (Hayatboyu, Turquie, Allemagne, Pays-Bas, 2013), un film de Aslı Özge, avec Defne Halman, Hakan Çimenser, Gizem Akman. Durée : 102 min. Sortie en France le 3 juin 2015.