CANNES 2013 : 13 films immanquables
Dix jours et près de cent films à découvrir, dans quatre sections parallèles. Et plus encore, pour les festivaliers qui souhaiteraient voir des films à l’ACID, à Cannes Classics, au Cinéma de la plage et même au Star, rue d’Antibes, qui diffuserait toujours Turf. Pour éviter des journées à 8 séances et autant d’aspirines, voici une sélection des 13 films immanquables cette année à Cannes.
En Compétition
ONLY GOD FORGIVES de Nicolas Winding Refn
Lors d’une soirée spéciale à Cannes l’an passé, Thierry Frémaux avait montré aux festivaliers qui n’étaient pas encore rassasiés par les films de 2012 quelques images exclusives de projets en cours. Parmi eux, Only God Forgives. Et la b-a des Kaïra, aussi. Frémaux a réussi son coup : une année d’attente fébrile s’est écoulée, à imaginer ce que pourrait donner l’oeuvre complète, dont les premiers extraits pouvaient laisser supposer que Refn avait tourné son Kill Bill. Comparaison plus directe : la présence de Ryan Gosling, l’atmosphère nocturne et violente, crient toujours «Drive 2». Mais Only God Forgives serait très différent, il s’agirait là d’un pur film de genre dont certains médias américains rapportent qu’il aurait même failli se contenter d’une Séance de minuit. Curieusement, ça n’entame pas la curiosité.
La Palme ?
Le dernier film coproduit par la France et se déroulant en Thaïlande à avoir été en Compétition à Cannes, c’était Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul, 2010). Et il reçut la Palme d’or. CQFD.
TIAN ZHU DING de Jia Zhang-ke
Le titre international du film est A Touch of Sin, référence à A Touch of Zen, film de sabre étendard des années 1970 de King Hu (L’hirondelle d’or). Par ailleurs, Jia Zhang-ke a déclaré que son nouveau film était un « road-movie contenant des scènes d’action ». Et pourtant, Tian Zhu Ding n’aurait rien à voir avec le projet annoncé par Jia en 2009, produit par Johnnie To et alors décrit comme un Wu Xia Pian (film de sabre chinois) situé au début du siècle dernier. Celui-ci semble se dérouler aujourd’hui, aux quatre coins du pays, transperçant les couches sociales pour dresser un portrait monstre de l’évolution rapide de la Chine post-Deng Xiaoping.
La Palme ?
Parce que ça ferait joli sur sa cheminée (oui, Jia Zhang-ke a une cheminée). Un autre Prix majeur, obtenu en 2006 pour Still Life, a déjà pris place dans son foyer. Mais il s’ennuie un peu et tourne en rond comme un Lion d’or en cage.
THE IMMIGRANT de James Gray
C’est un retour attendu en Compétition, celui de James Gray, cinq ans après Two Lovers. Son Nightingale, devenu Lowlife, puis The Immigrant, avec au casting Jeremy Renner et Joaquin Phoenix, deux frères qui vont s’affronter après que leurs deux interprètes se soient opposés pour incarner Freddie Quell dans The Master, donne l’impression d’avoir été bâti sur un terrain friable. Nul doute que Gray saura démonter cet a priori en deux plans, trois mouvements. Comme Only God Forgives, le film sera distribué aux Etats-Unis par la Weinstein Company ; succédant ainsi à Des hommes sans loi et Cogan en 2012, et à The Artist et This must be the place en 2011. On parle toujours des Dardenne ou d’Almodovar, mais les vrais «habitués» de Cannes désormais, ce sont les frères Weinstein. Ils partagent au moins ce point commun avec Almodovar de repartir, le plus souvent, les mains vides.
La palme ?
Si l’accueil réservé à The Immigrant est inversement proportionnel aux douches froides que connurent successivement The Yards (2000), La nuit nous appartient (2007) et Two Lovers (2008), James Gray devrait enfin triompher.
LA VIE D’ADELE d’Abdellatif Kechiche
Le tournage fut long, le montage peut-être plus encore, le film l’est finalement aussi (près de 190 minutes). C’est ce que l’on appelle un «gros morceau». Mais tous les films de Kechiche le sont. La destinée sentimentale d’Adèle rend curieux et, déjà, ça et là, on ne tarit pas d’éloge sur la performance de son interprète, Adèle Exarchopoulos (vue dans La rafle et Tête de turc). Kechiche exige beaucoup de ses comédiennes, mais il leur offre in fine de belles cartes de visite. Il convient alors de souhaiter à sa nouvelle muse autant de succès que Sara Forestier (L’esquive) et Hafsia Herzi (La graine et le mulet) ; Yahima Torres, l’actrice cubaine de Vénus noire, étant quant à elle invisible sur les écrans depuis sa performance.
La palme ?
Ils sont assez nombreux les films de plus de 3 heures à avoir remporter la récompense suprême : Underground, Les meilleures intentions, Adieu ma concubine, Pelle le conquérant, Kagemusha, Le tambour, Le guépard, etc. Même Apocalypse Now, présenté en 1979 en tant que work in progress exhaustif de 160 minutes, en a profité pour rejoindre le club. C’est insensé mais force est de constater que c’est un bon point pour La vie d’Adèle.
LA VENUS A LA FOURRURE de Roman Polanski
Il y a peu, ici même, le nouveau film de Roman Polanski était réduit à un remake inavoué d’un épisode de Seinfeld. A la réflexion, et avec tout le respect que l’on peut avoir pour la sitcom susnommée, le film vaut peut-être plus que cela. C’est un nouveau huis-clos pour Polanski, après Carnage (Venise 2011), mais avec un effectif réduit de moitié cette fois-ci : deux comédiens seulement, dont son épouse Emmanuelle Seigner, qu’il dirige de nouveau, près de quinze ans après La neuvième porte. La dernière apparition de l’actrice chez son mari était un envol irréel et empoté au-dessus d’un escalier, sous le regard médusé de Johnny Depp. Un drôle de souvenir à jamais effacé, peut-on l’espérer, par sa prestation annoncée comme tourbillonnante dans La Vénus à la fourrure.
La Palme ?
Ceci signifierait, pour Roman Polanski, l’entrée dans le cercle (de moins en moins) fermé des double Palmés. Imamura, les Dardenne, Kusturica, Bille August et Haneke étant les six membres inscrits à ce jour. A ce titre, ses concurrents cette année sont les frères Coen et Steven Soderbergh.
Au Certain Regard
Thierry Frémaux le répétera jusqu’à épuisement : le Certain Regard n’est pas l’antichambre de la Compétition, à ses yeux, c’est une sélection de valeur égale. Les festivaliers les plus cyniques vont même plus loin et estiment que les meilleurs films sont visibles dans cette section, la Compétition étant embouteillé par les fameux «habitués». C’est un peu extrême. Même si, historiquement, le Certain Regard a présenté de nombreux grands films. Les bêtes du sud sauvage, l’an passé, lauréat de la Caméra d’or, en atteste. Alors, forcément, le film annoncé comme «les Bêtes de 2013» ne saurait passer inaperçu. Le long-métrage ainsi étiqueté se nomme Fruitvale Station et il l’est pour une raison tangible : lui aussi a remporté le Grand Prix du festival de Sundance, quatre mois avant d’être présenté à Cannes. Une histoire vraie, un fait divers, dramatique, et si l’on en croit ceux qui l’on vu, une charge émotionnelle inouïe. Autre temps fort espéré, autre histoire vraie : Wakolda de Lucia Puenzo (XXY) narre la singulière cohabitation d’une honnête famille argentine et du criminel de guerre nazi Josef Mengele. Si on laisse les noms de Claire Denis, Sofia Coppola et Alain Guiraudie parler pour eux, le stakhanoviste James Franco, encore relativement débutant en tant que réalisateur, prend la place de troisième et dernier «immanquable» du Certain Regard. Après avoir présenté un biopic sur Sal Mineo à Venise en 2011 et un docu-fiction autour de Cruising à Berlin en début d’année, et tourné quatre autres long-métrages avant ça (nous vous laissons vérifier sur imdb et revenir), Franco a achevé avec As I lay dying son projet le plus ambitieux : une adaptation de William Faulkner, l’histoire d’un voyage familiale et initiatique, qui pourrait être conté par de multiples personnages à la fois.
A la Quinzaine des réalisateurs
Le sélectionneur Edouard Waintrop doit confirmer les espoirs fondés en lui. Au terme de l’édition 2012, sa première à la tête de la Quinzaine, le sélectionneur semblait ravi. Il y avait des motifs de satisfaction (notamment avec les français Lvovsky, Podalydès et Gondry) mais aussi des trous d’air que personne n’espère revivre cette année (The King of Pigs, Opération Libertad, Rengaine). Les premiers échos de la sélection 2013 sont bons, voire très bons. L’un des films à ne surtout pas manquer serait Le géant égoïste de Clio Barnard. Un mélo britannique, histoire d’une amitié adolescente mise à mal par l’irruption d’un étranger envahissant, qui pourrait bien être le grand torrent de larmes de Cannes 2013. Ce que ne promet certainement pas Last days on Mars de Ruairi Robinson, qui n’est pourtant pas moins alléchant. L’équation qui régit ce premier film, irlandais quant à lui, est simple et imparable : planète rouge + zombies. Moins excentrique, le troisième film à suivre de la Quinzaine est Blue Ruin. Mis en scène par Jeremy Saulnier, chef opérateur sur le beau Putty Hill de Matt Porterfield (ACID 2011), produit en partie grâce à Kickstarter, cet autre prétendant à la Caméra d’or conte le retour d’un sans-abri auprès de son ancienne famille, une histoire de violences et de vengeance.
A la Semaine de la Critique
Se concentrant exclusivement sur des premiers, voire des seconds films, la Semaine de la critique est tributaire de l’oscillation forcément hasardeuse de l’inspiration des nouveaux-nés du cinéma mondial. Une année peut se révéler enthousiasmante, témoignage immédiat de l’émergence de nouveaux talents, et la suivante parfaitement indolente. Avec ses Acacias, Take Shelter, La guerre est déclarée, Walk away Renée, 2011 restera à jamais gravé dans les mémoires. 2012, moins. Et 2013 ? Deux films donnent déjà envie de croire très fort au retour en grâce de la sélection, sous l’ère Tesson. Suzanne, film d’ouverture, deuxième long de Katell Quillévéré (Un poison violent), avec Sara Forestier et Adèle Haenel, possiblement sous influence Loachienne, possiblement déchirant. Et Les rencontres d’après minuit, l’autre film à guetter à la Semaine. Le premier long de Yann Gonzalèz, que des personnes bien informées nous ont décrit comme un «Holy Motors gay», réunit Béatrice Dalle, Eric Cantona et Nicolas Maury (Let my people go, Les beaux gosses). Les imaginer tous ensemble à l’écran est excitant, le fait que le film évoque les préparatifs d’une orgie pèse aussi dans la balance.
Le 66ème Festival de Cannes se déroule du 15 au 26 mai 2013.