Comment vivre son aspiration au changement quand on est suffisamment jeune pour croire en un idéal, mais trop pour avoir fait mai 68 ? Olivier Assayas répond avec cette évocation en partie autobiographique, une oeuvre sur l’engagement mais pas engagée, pas suffisamment pour convaincre en tous cas, mais assez pour séduire.

Après Mai  montre la vie d’un groupe de jeunes qui, en 1971, affirme ses convictions gauchistes au sein du courant révolutionnaire de l’époque et fait face aux policiers, aux adultes, et à la réalité. Réalité que le personnage principal, Gilles (Clément Métayer), a le plus de mal à affronter. Comme il le dit : « je vis dans mon imaginaire, et quand le réel frappe à ma porte, je n’ouvre pas ».

Gilles semble déconnecté de son monde, et cela n’aide pas le spectateur qui a déjà beaucoup de mal à partager les émotions du personnage. Olivier Assayas nous le permet-il seulement ? Pas de voix-off, un protagoniste peu loquace à son sujet : ne risque-t-on pas de s’ennuyer en suivant quelqu’un de si difficile à cerner ? On ne comprend pas ce personnage, on ne comprend pas ce qu’il veut, ce qu’il cherche, qui il aime vraiment, on ne comprend même pas clairement ses engagements politiques. A part le « A » d’anarchie gravé sur son bureau, les tags faits de nuit et l’unique manif à laquelle il participe – tout cela dans le premier quart d’heure -, il se fait trop timide dans ses actions et ses engagements politiques. Le choix de ses amis de s’enrôler dans ce qu’ils considèrent comme une lutte ouvrière extrême n’y changera rien.

Cette absence de parti-pris est peut-être aussi le problème d’Olivier Assayas qui, sans dénigrer ces mouvements politiques, n’a absolument pas l’air de s’engager à leurs côtés. Une neutralité d’autant plus étrange que bon nombre de personnages secondaires expriment une conviction politique forte, qui pourrait être ailleurs le moteur d’un film engagé.

Olivier Assayas cherche-t-il uniquement à témoigner d’une époque ? Peut-être, mais dans ce cas il nous faudrait avoir connu ces années pour apprécier davantage le film… Rien à redire sur la technique, le cinéaste connaît bien évidemment son métier, mais son propos se confond trop avec celui de son protagoniste. A force de se refuser à suivre une direction précise, Après mai prend le risque de ne mener nulle part.

Jean Briot

 

De quoi Olivier Assayas se souvient-il quand il repense à ses treize ans et à ses années soixante-dix ? D’un amas d’images, toutes plus ou moins floues, de bribes d’atmosphères, de parfums, de couleurs… C’est sans doute la raison pour laquelle nous sommes désarçonnés par le mystère et l’imprécision d’Après Mai.

Gilles, le héros, est peut-être l’archétype, un peu bobo, de la jeunesse de l’après Mai 68. Gilles est plus sûrement une projection de son créateur, le reflet, peut-être nostalgique, de ce courant révolutionnairement artistique.

La couleur du film, aux teintes 70’s, nous immerge dans ce temps où vivre de ses passions était une obligation. A la confluence du documentaire sur le mouvement lycéen révolutionnaire, du road-movie qui nous ballote de Londres à Florence, et de la romance torturée d’un être tiraillé entre son dessein personnel et ses idéaux, Assayas nous conduit sur la route du post Mai 68. Et nous perd parfois en chemin, à cause de la lenteur de certaines scènes et même, de temps à autre, d’une absence de rythme. On décroche et on s’interroge sur la véritable visée du film et sur la parole du réalisateur, on regrette que le jeu de Clément Métayer, l’acteur principal, manque d’expression et d’émotion… Et pourtant. Il est totalement impossible de passer à coté de la poésie des scènes, de rester insensible à la reconstitution soignée, à la désaturation de l’image qui nous plonge dans une délicieuse atmosphère rétro…

Un flashback fantasmé réussi pour Assayas qui fait revivre sa jeunesse, ses illusions, et donne vie à ses rêves. Cette peinture d’une contre-culture émanant d’une jeunesse qui se veut anarchique et anticonformiste ne prend pas parti, et se contente seulement d’exposer ses idées. Ce désir, un peu confus, fait écho à cette génération qui souhaite changer les choses et rêve d’un monde nouveau sans trouver les armes pour l’obtenir.

Chloé Damaret

 

APRES MAI (France, 2012), un film d’Olivier Assayas, avec Clément Métayer, Lola Creton, Felix Armand, India Menuez, Carole Combe. Durée : 118 min. Sortie en France le 14 novembre 2012.

 

Les Accrédités
Les Accrédités

Chloé Damaret, Jean Briot, Florent Augizeau et Samuel Gleyze sont élèves de Première et de Terminale à Bordeaux. Du 3 au 9 octobre 2012, ils sont "les accrédités", nos apprentis critiques, et constituent la rédaction d'Accréds pendant le 1er Festival International du Film Indépendant de Bordeaux.

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