Les 10 immanquables de Cannes 2012
Avec quatre sections parallèles, sans compter les séances spéciales et les reprises, le festival de Cannes propose près de 90 films en 10 jours à peine. De quoi rassasier mais aussi frustrer les festivaliers les plus acharnés. Il faut se faire à l’idée que certains coups de coeur cannois ne le deviendront qu’en différé, à découvrir quelques mois plus tard voire à l’aube de l’édition suivante. Afin de limiter la casse, il convient de prévoir une petite liste : les 10 films à ne manquer sous aucun prétexte sur la Croisette !
COSMOPOLIS de David Cronenberg & ANTIVIRAL de Brandon Cronenberg
Sélection officielle – En compétition & Un Certain Regard
Un père, un fils… Non, cette formule n’annonce pas la sélection d’un remake d’un film de Sokourov, et pas plus celle d’un Boujenah. C’est le programme que nous réserve la famille Cronenberg pour ce mois de mai. Conjointement, papa David présente Cosmopolis en Compétition quand fiston Brandon fera de son côté ses grands débuts au Certain Regard avec Antiviral. Il eut été possible de parler de passage de flambeau si David Cronenberg, après A Dangerous method, avait persévéré dans l’étude purement cérébrale et clinique de maux mentaux. Or, les premières images de Cosmopolis annoncent un retour au surgissement organique et aux propensions fantastiques. C’est ce même chemin que semble emprunter son fils Brandon pour son premier long-métrage. Lors de la conférence de presse dévoilant la Sélection officielle, le délégué général du festival Thierry Frémaux a décrit Antiviral comme proche des premiers films du père (Rage, notamment). Il n’aura pas hésité ensuite à affoler les attentes des festivaliers en qualifiant de « magistrale » la mise en scène du premier essai de Brandon Cronenberg.
Face caméra, Robert Pattinson (Twilight) serait « de tous les plans » de Cosmopolis, pour une performance que l’on annonce de plus en plus surprenante. C’est un autre jeune acteur qui monte, Caleb Landry Jones, formidable révélation du Dernier exorcisme (Daniel Staam, 2011), aussi vu dans X-Men : le commencement (Matthew Vaughn, 2011), qui sera quant à lui la tête d’affiche d’Antiviral. Deux films très attendus, pour deux beaux duels à distance.
MUD de Jeff Nichols
Sélection officielle – en compétition
A n’en pas douter, Mud suscite l’intérêt des cinéphiles comme peu d’autres concurrents à la Palme d’or 2012. Présenté à la Semaine de la Critique en mai dernier, le second et précédent film de Jeff Nichols, Take Shelter, avait marqué les esprits avant d’en repartir avec le Grand Prix. A la rédaction d’Accréds, l’enthousiasme fut au plus haut pour certains quand la déception prévalut pour d’autres. Si tel était le cas, le souvenir de son premier long, Shotgun Stories (2008), suffit toutefois amplement à espérer de nouveau le meilleur du jeune prodige avec Mud. Chacun imagine déjà ce road-movie en puissance comme une fusion idéale d’Un monde parfait de Clint Eastwood (1993) et de La balade sauvage de Terrence Malick (1974) ; le film évoquant l’amitié d’un criminel en cavale (Matthew McConaughey) et d’un adolescent (Tye Sheridan). Le jeune acteur a été révélé récemment par son interprétation de Steve, plus jeune frère de Jack, dans la Palme d’or 2011 The Tree of life… de Malick. Jeff Nichols ne saura que le 27 mai prochain si l’enfant porte bonheur aux américains sur la Croisette.
VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU d’Alain Resnais
Sélection officielle – en compétition
Le 19 avril, au début de la conférence de presse annonçant la Sélection officielle, Thierry Frémaux ne put s’empêcher de détourner le titre du nouveau film d’Alain Resnais : « Vous n’avez encore rien vu ! » a-t-il lancé aux journalistes pour leur mettre l’eau à la bouche. Une boutade qui le força à dévoiler prématurément sa présence en Compétition. De quoi ravir de nombreux cinéphiles, pourtant confiants depuis plusieurs semaines déjà de le retrouver parmi la vingtaine de films en lice pour la Palme. Même s’il n’est pas contraire au règlement qu’un film de la Sélection officielle soit sorti dans son pays d’origine avant le début du festival, c’est lorsque Vous n’avez encore rien vu a été repoussé par le distributeur Studio Canal de fin avril au 26 septembre que sa présence cannoise devint soudainement officieusement officielle.
Le précédent Resnais, Les herbes folles, Prix exceptionnel du jury en 2009, n’avait pas fait l’unanimité, du moins dans nos rangs. L’attente n’en est pas moins forte. Vous n’avez encore rien vu, relecture et hommage à la pièce Eurydice de Jean Anouilh (1942), dans laquelle pourraient se confondre bilan et révérence, réunion de comédiens fétiches d’un metteur en scène et d’acteurs fidèles du réalisateur, film, pièce filmée et répétitions, entre autres reflets vertigineux, sait déjà donner le tournis.
LAURENCE ANYWAYS de Xavier Dolan
Sélection officielle – Un Certain Regard
Retour au Certain Regard pour Xavier Dolan avec le film le plus long de la Sélection officielle (2h41). Pour être curieux, voire hâtif, il n’est aucunement requis d’être un admirateur sans borne du réalisateur. La rédaction d’Accréds n’a jamais été pleinement séduite par son cinéma jusqu’alors, ni par l’insolent J’ai tué ma mère (3 Prix à la Quinzaine des réalisateurs en 2009) ni par Les amours imaginaires (Un Certain Regard 2010) et ses emprunts flagrants à Wong Kar-wai ou Almodovar… que Dolan refuserait pourtant encore d’admettre sous la torture. Impossible toutefois de ne pas reconnaitre l’abattage inouï de l’acteur-réalisateur, âgé de 23 ans à peine. Cette évidence, s’ajoutant à la puissance qui se dégage de la bande-annonce de Laurence Anyways, à cette image entêtante de Melvil Poupaud arpentant les couloirs d’un collège, en tailleur, cheveux courts et boucle d’oreille, donnent envie de trouver en ce troisième long du cinéaste québécois une première satisfaction entière, sans aucune retenue.
MEKONG HOTEL d’Apichatpong Weerasethakul
Sélection officielle – Séance Spéciale
Retour par la petite porte pour Apichatpong Weerasethakul, lauréat de la Palme d’or 2010 pour Oncle Boonmee. Rien d’embarrassant pour lui à retrouver la Sélection officielle en Séance Spéciale, Mekong Hotel étant tout juste un long-métrage (il dure 1h01) et ne s’apparentant visiblement pas à une fiction traditionnelle ; Thierry Frémaux décrit le film comme une gourmandise, de quoi patienter entre deux longs d’envergure. Pour la majeure partie de notre rédaction, aucune déclaration ne pourrait entamer l’intérêt porté au nouveau projet de l’auteur de Tropical Malady (2004) et d’Oncle Boonmee. Selon les dires du cinéaste thaïlandais, il s’agira d’ « un échange d’idées et d’images (…) un jeu réunissant une rivière, des cochons et Tilda Swinton ». Le programme a le mérite d’être intriguant. Voici une petite heure cannoise qui n’a que peu de risques d’être perdue.
THE WE AND THE I de Michel Gondry
Quinzaine des réalisateurs, film d’ouverture
Avant de finaliser son adaptation de L’écume des jours de Boris Vian, tellement parfaite pour lui qu’elle en deviendrait presque redoutable, Michel Gondry a déjà emballé The We and the I. Le film a été choisi par le directeur Edouard Waintrop pour faire l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. A grand événement, petit film ? Le suspense demeure quant à l’ampleur du projet : The We and the I fait-il parti de ses B-Sides tels Block Party ou L’épine dans le cœur ? Aucunement moins intéressantes, ce sont peut-être aussi ses œuvres les plus légères et les plus spontanées. Celui-ci s’apparente à un huis-clos mouvant : alors que les grandes vacances débutent, un bus scolaire ramène les lycéens chez eux. Les uns après les autres, ils quittent leurs camarades. A lire ce synopsis, difficile d’imaginer que Gondry n’ait pas songé aux premières minutes de Bad, clip réalisé en 1987 par Martin Scorsese pour Michael Jackson, cet autre génie que le frenchie aimait tant.
CAMILLE REDOUBLE de Noémie Lvovksy
Quinzaine des réalisateurs, film de clôture
Retour derrière la caméra pour Noémie Lvovksy, cinq ans après Faut que ça danse !, film nettement moins affable et délicat que Les sentiments (2003) ou La vie ne me fait pas peur (1999). Impossible de ne pas attendre le meilleur de sa part, pour autant. Edouard Waintrop ayant annoncé le retour de la comédie à la Quinzaine, Camille redouble fait parti des prétendants les plus sérieux à la rigolade. Le point de départ – une femme de 40 ans retrouve ses années lycées – le rapproche de Peggy Sue s’est mariée (Francis Ford Coppola, 1987) et, de fait, presque tout autant de Quartier lointain, de Freaky Friday, de son remake, etc., etc. Noémie Lvovksy dirigera et jouera aux côtés de Mathieu Amalric, soit une cinquième collaboration puisqu’ils ont partagé par le passé les affiches du Grand appartement, de Rois & Reine et d’Actrices après qu’elle l’a rencontré en tant que directrice de casting pour La sentinelle d’Arnaud Desplechin il y a vingt ans cette année.
LOS SALVAJES d’Alejandro Fadel
Semaine de la Critique
Comme tous les films de la compétition de cette 51ème Semaine de la Critique, il s’agit d’un premier long-métrage. Mais son réalisateur, Alejandro Fadel, n’est pas un nouveau venu : il a cosigné deux films de Pablo Trapero présentés en Sélection officielle : Leonera en 2008 (en Compétition) puis Carancho en 2010 (Un Certain Regard). Pablo Trapero, sans l’aide de Fadel, a depuis écrit seul et tourné Elefante Blanco, pour un retour au Certain Regard cette année. Charles Tesson, qui succède à Jean-Christophe Berjon en tant que Délégué général de la Semaine, a indiqué que le film saurait convoquer « les grands espaces du cinéma américain et du Western ». Des influences plus singulières ont filtré par ailleurs, certains annoncent déjà Los Salvajes comme un mélange de Sa majesté des mouches et des films de John Boorman. Au cœur de la pampa argentine, qu’il se permette quelques détours du côté de Délivrance (1972), de La forêt d’émeraude (1985) ou de Rangoon (1995), la mosaïque escomptée de Los Salvajes fait saliver.
BROKEN de Rufus Norris
Semaine de la Critique, film d’ouverture
De temps à autres, la Semaine de la Critique présente une œuvre qui transcende le seul succès d’estime, toutefois fréquent pour les films de cette section, pour se mouvoir en succès international. L’orphelinat en 2007, Rubber en 2010 ou Take Shelter en 2011 comptent parmi ces étendards de la Semaine. Cette année, parions sur le film d’ouverture : Broken de Rufus Norris. Adapté d’un premier roman anglais, par le scénariste de Boy A (Mark O’Rowe) et porté à l’écran par un metteur en scène de Broadway (Festen sur scène, c’était lui), Broken s’attache au quotidien bouleversé d’une pré-ado après qu’elle a été témoin d’une violente agression. Tim Roth, président cette année du jury Un Certain Regard, et Cillian Murphy sont au casting. Aux côtés de l’actrice débutante Eloise Laurence, devraient se distinguer deux autres jeunes comédiens : Lino Facioli, qui a débuté chez Nicolas Stoller (il jouait le fils d’Aldous Snow, dans American Trip) et Bill Milner, découvert dans le rôle-titre du Fils de Rambow (Garth Jennings, 2007). Plus que jamais, la Semaine se veut la section de tous les espoirs du cinéma…
En bonus, pour patienter avant de découvrir The We and the I de Michel Gondry, voici le clip en intégralité de Bad, réalisé par Martin Scorsese, avec Michael Jackson et Wesley Snipes :
Bad (long version) par tr3nt3trois