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Un adolescent apprend à son réveil que son père est mort dans un accident de voiture. Malgré la présence aimante de sa mère, son grand frère et d’autres amis, sa vie déraille en silence au cours des semaines qui suivent. Suivre cette ligne narrative simple, sans avoir peur de là où elle mène, donne à Christophe Honoré la matière pour réaliser un de ses films les plus sensibles et déchirants.
Évacuons d’entrée les quelques affèteries dont Honoré se rend coupable, et qui font un (court) temps craindre qu’elles ne grèvent le film (il n’en sera heureusement rien) : une mise en scène qui surjoue le Dogme danois façon Festen (caméra à l’épaule nerveuse et collant au plus près les personnages), une poignée de digressions sur l’actualité politique qui ne sont pas à leur place. Car le film qui nait du point de départ mortifère et terrifiant envisagé par le cinéaste – un décès trop proche, trop brutal, arrivant trop tôt dans la vie et la construction personnelle de Lucas, le héros, qui s’en trouvent démolies – est forcément universel, hors du temps. Ce sentiment grandit en nous à mesure que le récit avance, en raison de la puissance émotionnelle des choix forts qui le structurent : l’ampleur romanesque qui prend forme au fil de ses trois actes nettement dessinés (les jours qui suivent immédiatement l’accident ; un hiatus à Paris chez Quentin, le grand frère de Lucas ; et le retour contraint au foyer savoyard, où la chape de plomb de la dépression tombe d’un coup et pousse aux pires extrémités), et le remarquable portrait des relations entre les êtres.
Si les autres personnages (la mère, le colocataire du grand frère) ne sont pas en reste, ayant droit à un espace narratif et émotionnel aussi conséquent que s’ils étaient le cœur du récit, la relation entre Lucas et Quentin, distincts mais proches, aimants bien que capables d’éclats brutaux, est de loin la plus forte, tant elle sonne juste dans sa complexité et sa vulnérabilité. Sur sa trame franche et intime de douleur et de reconstruction, Honoré agrège avec beaucoup de finesse et de verve des thèmes et des scènes remarquables de profondeur. Le poids des désillusions, regrets et angoisses qui pèse non seulement sur ceux qui les endurent mais également sur leurs proches, dans une circulation souterraine irrépressible du malheur ; la place soudain prépondérante dans nos vies dans ces moments particuliers de lieux officiels (église, funérarium, hôpital, école). Dans sa forme aussi, Le lycéen impressionne par sa justesse – un audacieux et épatant montage alterné entrelaçant deux actes opposés ayant occupé une journée (une prière en quête de transcendance, du sexe sans lendemain), l’intégration de la musique toutes les fois qu’elle surgit. De ce maelstrom d’existences, d’affects, de parcours tourmentés, on ressort en se sentant aussi forts et faibles que les personnages eux-mêmes.
LE LYCÉEN (France, 2022), un film de Christophe Honoré, avec Paul Kirscher, Vincent Lacoste, Juliette Binoche, Erwan Kepoa Falé. Durée : 122 minutes. Sortie en France le 30 novembre 2022.