VORTEX : le murmure de Gaspar Noé

Dario Argento et Françoise Lebrun incarnent devant la caméra de Gaspar Noé un vieux couple au crépuscule de leurs vies, dans leur appartement situé dans l’un des derniers quartiers populaires parisiens. Lui est diminué physiquement (le cœur flanche), elle psychologiquement (la tête s’égare), et le film nous fait les accompagner dans leurs derniers jours. Hormis son principe de base visuel posé d’entrée et maintenu jusqu’au bout (l’usage du split-screen, qui nous fait suivre en parallèle les deux protagonistes), Vortex est d’une sobriété absolue, que l’on pourrait presque qualifier d’« anti-Noé ».

On pourrait trouver cette sobriété étonnante si elle ne s’inscrivait pas dans le prolongement du mouvement vers moins d’esbroufe et plus d’épure de ses derniers travaux – le huis clos de Climax, le remontage linéaire d’Irréversible, le moyen-métrage Lux Aeterna essentiellement constitué de dialogues. Vortex est l’aboutissement et la synthèse de tous ces éléments, pour un résultat beaucoup moins tape-à-l’œil et fabriqué (qui l’eut cru) que les deux films sortis plus tôt cette année sur le même thème, The Father et Falling. Contrairement à eux, Vortex ne contient pas d’éclats de voix ou de forme, et surtout pas d’intermédiaire (sous la forme d’un personnage d’enfant dans la force de l’âge, à travers les yeux duquel nous regardons la déchéance sénile des corps et des esprits) créant une distance protectrice.

Vortex agit comme un murmure, aux antipodes des cris des précédents longs-métrages de Noé, qui bouillaient du trop-plein de la vie

Noé nous positionne au plus près de ses protagonistes glissant vers la fin, vers l’effacement, et ce partage de leur quotidien est comme une force tranquille qui nous terrasse à petit feu, agissant l’air de rien mais nous laissant bel et bien hagards, bouleversés au final. Elle rend le film superbe, terriblement émouvant de par sa simplicité, son assurance, sa douceur. Vortex agit comme un murmure, aux antipodes des cris des précédents longs-métrages de Noé, qui bouillaient du trop-plein de la vie. Et par ce murmure, il nous parle si bien, de manière si intime, de choses si monumentales – ce que c’est d’être et d’avoir été.

VORTEX (France, 2021), un film de Gaspar Noé, avec Dario Argento, Françoise Lebrun, Alex Lutz. Durée : 142 minutes. Sortie en France indéterminée.

Erwan Desbois
Erwan Desbois

Je vois des films. J'écris dessus. Je revois des films. Je parle aussi de sport en général et du PSG en particulier.

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