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Six ans après Le Havre, Aki Kaurismäki évoque à nouveau le destin d’un réfugié, s’intéressant cette fois au cas d’un jeune homme syrien. Simple mais jamais facile, bienveillant mais aucunement manichéen.
Khaled a rejoint la Finlande depuis la Syrie à bord d’un cargo, mais la première fois qu’on le voit à l’écran, il émerge d’un tas de charbon avant de quitter le port. Il s’en extrait comme un mort-vivant sortirait de terre dans un film des années 1950. Pas question d’assimiler le réfugié à un zombie – Emmanuele Crialese s’en chargeait déjà très bien dans Terraferma, et probablement sans même s’en rendre compte ! – mais bien ici celle de signifier que Khaled a bravé les enfers.
Quand on le retrouve ensuite dans un centre d’accueil, Mazdak, un ami irakien, lui suggère de sourire pour ne pas s’attirer l’antipathie des finlandais. La jeune homme apprécie le conseil mais, une fois interrogé sur son périple à travers l’Europe, il serait bien incapable de se dérider. Sa demande d’asile refusée, il va errer et tomber sur Wikström, un ancien VRP reconverti dans la restauration. Khaled aura beau lui envoyer une droite en pleine face dès leur première rencontre, Wikström ne vacille pas et ses convictions non plus. Tout simplement parce qu’il le comprend.
Et «comprendre» pour Kaurismäki ne se résume pas à la notion d’assimilation des informations, cela signifie aussi inclure et même intégrer l’autre. Sans que cela soit une évidence, toutefois. Et c’est cette nuance qui donne sa singularité au film. L’autre côté de l’espoir n’a rien de manichéen, et surtout rien de naïf.
Ce n’est pas parce que Khaled a fui la guerre qu’il se doit d’aimer le pays dont il brigue l’asile : «Je suis amoureux de la Finlande, mais si tu trouves le moyen de nous en échapper, dis-le moi !» implore-t-il Mazdak avec humour. De même, Wikström n’est pas vertueux par nature, les conditions nécessaires pour qu’il lui tende la main étaient simplement réunies, puisqu’il vient de perdre sa femme et de quitter son travail. Avec son air dur, sa clope au bec et son complet noir, Wikström semble lui aussi sortir d’un film de l’après-guerre. Avec Khaled, ils forment ainsi un couple cohérent mais mal assorti, ou peut-être est-ce l’inverse. Intemporel en revanche, c’est certain, à l’image du cinéma de Kaurismäki.
L’AUTRE CÔTE DE L’ESPOIR (Toivon tuolla puolen, Finlande, 2017), un film d’Aki Kaurismäki, avec Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen, Ilkka Koivula. Durée : 1h38. Sortie en France le 15 mars 2017