HEDI, un Printemps arabe à lui seul

Production belgo-tunisienne, Hedi fait le parallèle entre la révolte du Printemps arabe et celle d’un homme contre sa famille. Mohammed Ben Attia signe un film efficace où le manque de communication souligne le malaise tunisien.

Le début de Hedi évoque une version cinématographique du livre d’Albert Camus, L’Etranger, de par l’absence du personnage, sa solitude ; il se sent étranger à sa culture et subit l’action. Anti-héros, Hedi pense s’émanciper en tuant symboliquement la mère mais reviendra vite à la réalité. C’est un personnage sensible, attachant, intelligent, sincère, que l’on croirait presque réel. Le parti-pris du réalisateur est de nous plonger dans la tête de cet homme ordinaire, joué par le très bon Majd Mastoura. La solitude, au cœur de ce film, est retranscrite par un début très lent, une atmosphère pesante. Nous ne comprenons pas Hedi. Puis, la pression augmente et le héros finit par exploser dans une formidable catharsis.

Tout le film tourne autour de la relation qu’entretient Hedi avec sa famille, plus précisément avec sa mère, forte présence qui veut contrôler sa vie. A travers celle-ci s met en place progressivement une opposition entre le monde arabe et le monde occidental. La relation par le sang lie le destin du fils à sa mère. Cette dernière veut véritablement le posséder, qu’il lui appartienne. Dès lors, le héros tente de s’émanciper en rencontrant Rim, une femme qui le bouleverse. On découvre un nouveau Hedi, libéré, heureux, et cette libération est rendue possible par l’ouverture d’esprit de Rim  : elle voyage beaucoup et porte un regard neuf sur la culture maghrébine, qui est sa culture à elle et celle du réalisateur. L’authenticité de Hedi touche Rim, ainsi que le spectateur, au plus profond. Commence alors une idylle pourtant impossible car Hedi doit se marier…

Mohammed Ben Attia rejette ce mariage forcé en marquant son illégitimité dans une scène ou Hedi explique à celle qui doit devenir sa future épouse qu’il ne la connaît pas et qu’elle est dépendante, elle aussi, de ses parents et de la seule vision de la vie qu’ils lui proposent. Hedi va-t-il quitter sa famille ou continuer à vivre sous la contrainte ? On ne vous donnera pas la réponse. On vous dira simplement que Mohammed Ben Attia refuse la facilité, jusqu’au bout.

Enzo Bessega

 

HEDI de Mohamed Ben Attia

Hedi est un jeune Tunisien, timide et solitaire, qui reste soumis aux conventions sociales et à la pression familiale, malgré le Printemps arabe. Alors qu’il doit se marier avec une femme qu’il connaît à peine, il prend la fuite… Ce film agréable, grâce à la subtilité du jeu de son acteur principal et aux belles promesses de renouveau de son histoire, souffre d’un manque de relief et de dynamisme qui diminue sa force.

Le long-métrage de Mohammed Ben Attia ne commence pas de façon très franche et met beaucoup (trop?) de temps à réellement démarrer, laissant le spectateur seul pendant de longues minutes avant qu’il ne rentre enfin dans le film. Hedi, interprété par le talentueux Majd Mastoura, est un antihéros insipide et renfermé, subissant son quotidien, comme étranger à lui même. Il est vu comme un enfant par sa mère et traité comme tel. Celle-ci n’accepte pas de le voir grandir et l’empêche ainsi de prendre son indépendance. Hedi est le pantin dont elle remue les fils. Sa révolte fait écho au Printemps arabe : l’effervescence d’un corps contre une forme d’oppression. Si le récit de cette révolte est assez banal, l’originalité tient à son contexte et à son environnement.

On se rend compte de l’importante évolution de Hedi grâce à un avant/après dans les personnages qu’il rencontre et qui le font évoluer : d’abord Khalija, le miroir de Hedi avant sa révolution, puis Rim, la femme qui symbolise sa nouvelle liberté ; la transformation d’un enfant en adolescent pour enfin devenir un homme, à l’image de son pays.

Cette quête novatrice de liberté, cette volonté de briser les codes sociaux, de s’affranchir de toutes conventions, constituent les seuls éléments qui permettent de garder le spectateur attentif. Dans cet ensemble trop plat, seule la scène de la catharsis de Hedi face à sa mère amène un élément de tension énergique.

Lucille Manent

 

HEDI, UN VENT DE LIBERTE (Hedi, Tunisie, Belgique, France, Qatar, EAU, 2016), un film de Mohammed Ben Attia, avec Madj Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita, Hakim Boumessaoudi. Durée : 93 minutes. Sortie en France le 28 décembre 2016.

Les Accrédités 2016
Les Accrédités 2016

Lucille Manent, Louise Marmié, Enzo Bessega et Alice Gapail sont élèves de Terminale à Marmande et Bordeaux. Du 13 au 19 octobre 2016, ils sont "Les Accrédités", nos apprentis critiques, et constituent la rédaction d'Accréds pendant le 5e Festival International du Film Indépendant de Bordeaux.

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