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Hélier Cisterne ouvre son film sur Chérif, 15 ans, driftant comme un fou au volant d’une voiture « empruntée ». Chaque virage soulève un peu plus de poussière et alimente un nuage qui masque la ville et la civilisation, ne laissant apparaître qu’une montagne à l’horizon. Ainsi s’exprime l’aspiration de Chérif pour la liberté.
Cet accès de rébellion est en partie la conséquence de sa vie de famille, mouvementée au point que sa mère l’enverra vivre chez sa tante, craignant l’influence qu’il exerce sur son petit frère.
Chérif a un caractère colérique, parfois violent, il s’emporte, frustré de s’enliser dans ses problèmes du quotidien, comme lorsqu’il s’embourbe dans le béton du chantier où il travaille, mais se révèle également joueur et souriant, voire enfantin lorsqu’il fait des tours de magie à son oncle. Zinedine Benchenine, découvert dans un club de boxe, joue avec beaucoup de naturel les deux aspects de la personnalité de Chérif, parce qu’après tout avec Hélier Cisterne « on ne fait pas genre : si tu es un bon comédien, jamais tu n’as à jouer », selon les mots mêmes du réalisateur. Ici, « on ne fait pas genre » ni chez les hommes, ni chez les femmes.
La dulcinée du héros s’appelle Élodie, porte des baggys, écoute du hip hop. Il s’agit du personnage le plus « entier » du film selon Cisterne : elle reste constante contrairement à Chérif, ado égaré le jour et graffeur anonyme la nuit avec sa bande. Enfilant son sweat noir comme il enfilerait un costume de super-héros, Chérif mène une double vie. Son cousin lui a ouvert les portes de ce monde, celui du graffiti, qui l’aide à canaliser sa rage. Le graff est présenté comme quelque chose d’intime, une mission personnelle nullement motivée par la frime. Les graffeurs du film agissent anonymement, comme des justiciers. Ils disposent presque de super-pouvoirs ; leurs bombes de peinture pouvant même leur servir à se défendre des chiens de la police.
Dans Vandal, le graff reste une pratique clandestine. C’est dissimulé sous la couverture d’un livre sur les papyrus que Chérif contemple un album de graffitis, fasciné par ces sigles déroulant un nouveau langage jusqu’alors inconnu. Cette fascination se traduit par les longs plans sur les graffeurs à l’affût de la police, peignant d’un pas léger et aérien au son d’une musique envoûtante, comme dansant au clair de lune. La mise en scène préserve ainsi le mystère de ce mode d’expression tout en le valorisant.
Lucie Goulard et Valentina Kelton
VANDAL (France, 2013), un film de Hélier Cisterne, avec Zinedine Benchenin, Chloé Lecerf, Emile Berling, Jean-Marc Barr. Durée : 86 minutes. Sortie en France le 9 octobre 2013.