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Il s’appelle Sueñan los androides (Les androïdes rêvent). Vous aurez probablement du mal à le croire, mais le titre ne ment pas : il s’agit bien d’une nouvelle adaptation, libre, très « art contemporain », de Blade Runner alias Do Androids Dream of Electric Sheep ? de Philip K. Dick. Ici, on touche à l’os de l’oeuvre : les souvenirs, la définition de l’humain, les animaux.
Plutôt court (soixante minutes), le film mélange scènes de pure fiction (un type flingue des gens sans raison apparente, à la manière des tueurs d’Elephant d’Alan Clarke) et extraits de home movies (des anonymes prennent la pose chez eux, des retraités dansent, etc.). A condition de connaître l’intrigue originelle et de pouvoir ainsi remplir certains blancs narratifs – ça reste expérimental -, on appréhende Sueñan los androides de deux manières : à la fois comme le récit de l’errance meurtrière d’un psychopathe, et comme la traque des Répliquants (les androïdes en cavale) par un Blade Runner (un chasseur de primes). Cette dualité change progressivement notre regard sur les images documentaires. Elle nous incite, malgré nous, à guetter chez les personnes observées des signes d’humanité ou d’artificialité, tout en nous questionnant : à qui appartiennent vraiment ses souvenirs dont nous sommes témoins ? Puisqu’il s’agit de moments filmés, donc visibles par tous, donc susceptibles de s’inscrire dans une mémoire collective, en quoi sont-ils moins authentiques que ceux implantés dans la mémoire des androïdes ?
En plus de cette profondeur, il faut compter sur une approche joliment fauchée de la SF, proche de celle d’Andorre de Virgil Vernier, et du beau sens de la topographie vue dans La dernière fois que j’ai vu Macao de Joao Pedro Rodrigues et Joao Rui Guerra de Mata. Le ciel bleu, les rues vides, les bâtiments incroyables et toujours en travaux de Benidorm (où fut tourné le film ; nouvelle preuve que le futur de l’architecture au cinéma n’est plus du tout au Etats-Unis, ni au Japon) créent une atmosphère futuriste à partir d’éléments actuels, favorisant là encore un judicieux double sens. Cet homosexuel qui parle de libération évoque à la fois son coming out et son affranchissement d’esclave (il est un androïde) ; ces animaux abandonnés, filmés dans un refuge, apparaissent comme les êtres les plus convoités au monde (il n’y a plus d’animaux dans l’univers décrit), ce qui leur donne une beauté inattendue (les salauds qui, dans la réalité, s’en sont débarrassés, n’avaient donc pas idée de leur valeur future et magique). Heureusement que ça ne dure que soixante minutes, sinon le vertige serait sans fin.
Voici la bande-annonce pour avoir un aperçu :
SUEÑAN LOS ANDROIDES (Espagne, 2015), un film de Ion de Sosa, avec Manolo Marin, Moisés Richart, Marta Bassols. Durée : 61 minutes. Sortie en France indéterminée.