VINCENT N’A PAS D’ÉCAILLES, un presque film de super-héros burlesque et attachant
Vincent n’a pas d’écailles, mais c’est tout comme. Vincent a un pouvoir surhumain : au contact de l’eau, sa force se décuple. Il court et nage plus vite, il peut porter des poids énormes. Alors qu’il avait jusque là caché cette particularité à tout le monde, sa rencontre avec Lucie (Vimala Pons) change la donne. Le premier long-métrage de Thomas Salvador, lauréat du Grand Prix du Jury au FIFIB et film d’ouverture du festival de La Roche-sur-Yon 2014, est une comédie limpide et douce, un film fantastique minimaliste et malicieux.
Affublé d’un pouvoir aussi formidable que gênant, Vincent est comme un Aquaman qui n’aurait rien d’un justicier mais demanderait simplement le droit de vivre et d’aimer. Il est incarné à l’écran par Thomas Salvador, le réalisateur du film, qui est également acrobate, alpiniste et danseur, ce qui se voit. Vincent passe le plus clair de son temps à nager dans des eaux sauvages qui rappellent l’extraordinaire décor de L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie : ce sont bien les mêmes gorges du Verdon qui sont filmées ici.
Vincent n’a pas d’écailles est beaucoup moins farfelu que ce que pourrait laisser croire son séduisant pitch. C’est avant tout une comédie discrètement fantastique, très simple, limpide, modeste – jamais la fantaisie ne paraît forcée ou artificielle. Avec ce premier long-métrage, Thomas Salvador réalise une épure de film de genre, d’une beauté parfois sidérante. Il faudrait presque ne rien dire sur l’argument du film pour garder secrète sa nature fantastique, et intact l’émerveillement ressenti lorsque pour la première fois, dans une magnifique scène de piscine nocturne, le héros dévoile à sa bien-aimée son pouvoir surnaturel.
Suspendu à un pont, caché au fond d’un abreuvoir, accroché à un bateau, Vincent déploie des trésors d’inventivité pour conserver sa liberté et sa singularité.
L’efficacité du film repose en grande partie sur une économie de paroles. Vincent est un taiseux et le monde qui l’entoure s’accorde à ce trait de caractère. Le silence renforce la puissance comique et magique de l’ensemble – et rend les séquences un peu plus dialoguées d’autant plus efficaces et drôles : la scène où Lucie interroge Vincent sur le fonctionnement exact de ses pouvoirs est absolument irrésistible. Le reste du temps, c’est le burlesque qui l’emporte, un burlesque qui s’incarne totalement dans le visage lunaire et le corps sportif de Thomas Salvador. Tout est léger dans ce long-métrage très court (78 minutes) qui file à toute allure au rythme des courses, des nages de Vincent. L’apogée de Vincent… se trouve d’ailleurs dans une scène de course-poursuite impressionnante où ce dernier tente d’échapper à la police tout en restant au contact de l’eau qui lui donne sa force et son énergie. Suspendu à un pont, caché au fond d’un abreuvoir, accroché à un bateau, Vincent déploie des trésors d’inventivité pour conserver sa liberté et sa singularité.
C’est un héros qui, au fond, ne fait que chercher sa place dans le monde : puisqu’il n’a pas d’écailles, il lui faut bien essayer de vivre parmi les humains. Même s’il embrasse Lucie « à l’envers » à la manière de Spider-Man (quoique dans cette version c’est elle qui est suspendue en l’air, et lui les pieds bien sur terre), il n’est pas vraiment un super-héros : ni identité secrète, ni costume pour le distinguer du commun des mortels, si ce n’est…(on préfère ne pas aller plus loin). Thomas Salvador s’amuse de ces rapprochements mais son film n’a rien du pastiche ou d’un détournement : Vincent n’a pas d’écailles est avant tout un conte, et le portrait, touchant autant que ludique, d’un inadapté.
VINCENT N’A PAS D’ÉCAILLES (France, 2014), un film de Thomas Salvador, avec Thomas Salvador, Vimila Pons, Youssef Hajdi. Durée : 78 min. Sortie en France le 18 février 2015.