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Présenté à Cannes Classics, The Go-Go Boys revient sur l’histoire de la mythique Cannon, son ascension, sa chute, et la relation familiale et conflictuelle entre ses dirigeants Menahem Golan et Yoram Globus. Quand deux cousins quittent Israël pour institutionnaliser le nanar et défendre le cinéma d’auteur. Avec les « Go-Go Boys », Hollywood est née deux fois.
Les enfants des années 80 et de la VHS se souviennent bien du logo de la Cannon, ce losange bleu et métallique qui s’illumine quand ses deux moitiés ne font qu’un. Une image de ce que fut le cinéma de cette époque (les corps en ferraille de Robocop et Terminator) et une belle métaphore de la complémentarité entre Menahem Golan et Yoram Globus, surnommés les « Go-Go Boys » au moment de leur ascension hollywoodienne. On aurait pu aussi les appeler les derniers nababs. L’un prend en charge la partie artistique, l’autre s’occupe de la partie financière. A la tête de la mythique société de production, les deux cousins venus d’Israël ont fait l’autre cinéma américain des années 80. On trouverait l’équivalent en musique avec ces labels indépendants créés au sein d’une grande maison de disques. « Si on me fiche à la porte, je passe par la fenêtre » déclare Golan au début du documentaire de Hilla Medalia. Quand la porte du Nouvel Hollywood s’est fermée pour Michael Cimino et les autres, une autre s’est ouverte pour le réalisateur-producteur et son binôme.
Dans « Go-Go », il y a leur départ soudain vers le Nouveau Monde et la compulsion de répétition du cinéma américain, ses éternels retours. Fondateur d’un « Hollywood israëlien » dans les années 60, le couple aurait pu en rester là. L’histoire était belle. Il a fallu qu’elle le fût davantage. A la fin des années 70, Golan et Globus refont le voyage des immigrants juifs d’Europe centrale qui ont bâti « le royaume de leurs rêves » (les frères Warner, Carl Laemmle, William Fox, Harry Cohn, Samuel Goldwyn, Louis B. Mayer, Irving Thalberg, etc).
Présenté au marché du film du Festival de Milan, leur teen movie Lemon Popsicle attire l’attention des distributeurs. Globus s’inquiète à l’idée de les voir quitter la salle au milieu de la séance. En réalité, cette comédie les séduit tellement qu’ils veulent être les premiers sur le coup. Lemon Popsicle servira de passerelle entre les deux « terres promises ». La mue hollywoodienne de Golan et Globus est complète avec son remake The Last American Virgin, film déchirant et déchiré en deux, cru et potache comme un Apatow dans sa première partie, cruel comme un mélo dans sa deuxième. Egalement réalisateur et scénariste de l’original, Boaz Davidson nous laisse sur les larmes amères de Gary, adolescent toujours puceau vivant une passion à sens unique.
La loi israëlienne leur interdisant de faire sortir leurs capitaux du pays, les cousins débarquent avec la modique somme de 500 dollars. Au faîte de leur gloire, ils possèderont plus de 1000 écrans dans le monde. En 1979, Golan et Globus rachètent la Cannon pour en faire un empire du nanar et du film d’action décompléxé. Leurs productions indépendantes ont révélé Chuck Norris (Delta Force, Portés disparus), Michael Dudikoff (American Ninja), Jean-Claude Van Damme (Bloodsport, Cyborg, Kickboxer). Elles ont été à l’avant-garde (Breakin’, film musical qui révèle le breakdance au grand public). Elles ont relancé la carrière de Charles Bronson (les suites de Un justicier dans la ville, la collaboration avec Jack Lee Thompson). Elles ont bénéficié de l’aura de Stallone (Cobra, Le bras de fer) – Golan et Globus y mettent le prix, deux fois plus élevé que ce que la star a l’habitude de toucher. Elles ont donné naissance à des films de super-héros (le catastrophique Superman IV, Captain America, un Spiderman qui aurait dû voir le jour en 1986). Elles ont été auréolées de prestige une fois associées à des noms comme Jean-Luc Godard (King Lear), John Cassavetes (Love Streams), Andrei Konchalovsky (Runaway Train), Barbet Schroeder (Barfly). Le grand écart entre nanar et « film d’auteur » est la marque de fabrique de la Cannon. Golan évoque ainsi le package imposé aux distributeurs étrangers. « Vous voulez un Bronson ? Il vous faudra aussi prendre notre Godard ou notre Cassavetes. A prendre ou à laisser. » C’est à Cannes que les « Go-Go Boys » font de belles affaires et mettent en vitrine leurs productions, aussi bien en Compétition que sur la promenade de la Croisette. Golan et Globus vont jusqu’à mettre à quai le bateau de Pirates réalisé par Polanski ! Cannes, le festival de Cannon.
The Go-Go Boys a les défauts de ses qualités. Les archives montrant l’ascension puis la chute de Golan et Globus y sont plus importantes que les extraits de films, sans doute pour des questions de budget. On aurait voulu entendre de la bouche de Van Damme cette anecdote sur sa rencontre avec Golan. Serveur dans un restaurant de Los Angeles, l’acteur belge a reconnu l’un de ses clients. Golan voit le pied de Van Damme passer au-dessus de sa tête. Non seulement il ne lui a pas touché un seul cheveu mais en plus il n’a rien renversé de la soupe qu’il était sur le point de lui servir. Le nabab lui remet sa carte. Le tournage de Bloodsport démarre trois semaines plus tard. Quatre autres films suivront.
Si l’absence de certains témoignages se fait sentir (Stallone, Dolph Lundgren, Barbet Schroeder, Chuck Norris, et d’autres qu’on voudrait découvrir), si The Go-Go Boys est tout ce qu’il y a de plus conventionnel, le film n’en est pas moins instructif et passionnant. Elle émeut même comme récit de la relation entre Golan et Globus, tour à tour filiale, fusionnelle et conflictuelle. Quand la Cannon connaît d’importants problèmes financiers après l’échec retentissant de Superman IV, le couple se sépare. Golan tire sa révérence et reprend la 21st Film Century Corporation (productrice de Captain America version 1990 et de Un justicier dans la ville 4). Globus reste quand Pathé Communications investit dans la compagnie et absorbe la MGM/United Artists. Déçus du rêve hollywoodien, les cousins sont retournés en Israël. Hilla Medalia amuse et émeut quand elle organise leurs retrouvailles et la rétrospective de leur oeuvre commune dans une salle de cinéma (en réalité, ils retravaillent ensemble depuis 1996). Globus a fait construire des studios et a co-produit Va, vis et deviens en 2005. Golan a créé la New Cannon Inc. et travaille sur plusieurs projets. Alors qu’on attend une date de sortie en France pour The Go-Go Boys, un autre documentaire sur la Cannon se prépare. Il aura pour titre Electric Boogaloo : The Wild, Untold Story of Cannon Films, en référence à Breakin’ 2 – Electric Boogaloo, la suite de Breakin’, et devrait faire sa première mondiale en juillet au Festival du Film de Melbourne.
En bonus, un extrait de Breakin‘, avec une apparition de Jean-Claude Van Damme !
THE GO-GO BOYS : THE INSIDE STORY OF CANNON FILMS (Israël, 2014), un film de Hilla Medalia. Durée : 90 min. Sortie en France le 22 octobre 2014.