
Newsletter Subscribe
Enter your email address below and subscribe to our newsletter
Mêmes ressorts comiques ou dramatiques, mêmes images, même souffle, Jimmy’s Hall n’intègre que trop bien l’oeuvre de Ken Loach. A regret, le cinéaste et son scénariste semblent avoir enclenché le pilote automatique.
En 2010, avec Route Irish, Ken Loach et Paul Laverty avaient dérouté jusqu’aux plus cléments de leurs admirateurs. Difficile de pardonner au tandem formé par le réalisateur britannique et son scénariste leur répétition à trois reprises en l’espace de quatre ans d’une forme narrative similaire. Comme Le vent se lève et It’s a free world avant lui, Route Irish – par ailleurs, bien inférieur à ces ainés et même à tous les autres films de Loach – débutait et se refermait avec deux scènes en miroir. Construction cyclique pour une spirale dévorante, l’intention était lisible mais louable, la redite moins excusable. Deux ans plus tard, La part des anges n’était donc pas seulement la bouffée d’air frais d’une Compétition cannoise souvent rêche, mais aussi une aération bienvenue dans son œuvre personnelle. Jimmy’s Hall, en revanche, fait état d’une rechute : le duo se remet à bégayer.
Une fois de plus, Paul Laverty a conçu la trame du récit comme une boucle. Une arrivée et un départ, qui ont au moins le mérite de valoriser l’entre-deux : la lutte éphémère du héros Jimmy Gralton et de ses suiveurs contre une poignée d’ennemis cléricaux ou politiques, heurtés par l’esprit libre du meneur et inquiets de voir dans ses actions les prémices d’une révolte communiste. L’histoire n’est pas foncièrement mauvaise, mais les péripéties choisies par le duo, ressorts comiques ou dramatiques, manquent d’inspiration quand elles ne lorgnent pas simplement vers le copié-collé. Ainsi, quand les alliés de Jimmy se réunissent dans le «hall» du titre, un foyer communal multi-fonctions, pour débattre du fait que l’homme doive ou non s’opposer publiquement à l’Eglise locale, la place de la caméra dans la pièce, le positionnement des figures dans le champ, le découpage opéré ou simplement la tonalité de la scène, toutes ses composantes diffusent un air troublant de déjà-vu ; que ce soit dans Le vent se lève (2006) ou dans Route Irish.
Dès lors, aucune surprise non plus quand une scène de suspense se meut en course-poursuite burlesque façon Pieds nickelés ou Quick & Flupke. Les policiers maladroits se coincent les fesses dans l’embrasure d’une fenêtre pendant que le héros se fait la malle. My name is Joe, Sweet Sixteen, La part des anges reviennent en tête plus vite qu’il n’en faut à George Fenton pour souffler dans son hautbois et lancer la mélodie entrainante qui accompagne la scène jusqu’à son dénouement. Tout est à sa place. Pas plus d’étonnement quand, vers la fin du film, sur un air non moins léger, les personnages adolescents se réunissent à bicyclette de façon cocasse autour d’un camion de police, un rassemblement enjoué proche de celui des clones d’Eric Cantona à la fin de Looking for Eric. Le spectateur qui connait et aime Ken Loach pourrait croire un instant qu’il a déjà vu Jimmy’s Hall et risque de frôler l’overdose, quand le néophyte ayant pénétré dans le Jimmy’s Hall en premier lieu en viendra un jour à regretter d’être entré par la petite porte dans l’œuvre du cinéaste.
JIMMY’S HALL (Grande-Bretagne, France, 2014), un film de Ken Loach, avec Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton, Francis Magee. Durée : 106 minutes. Sortie en France le 2 juillet 2014.