RESPIRE, le côté obscur de la vie et de l’amour d’Adèle
Mélanie Laurent en séance spéciale à la Semaine de la Critique ? Quelle drôle d’idée, au vu du peu d’intérêt de son premier long-métrage Les adoptés. Et pourtant, Respire est une réussite car sa réalisatrice s’en sert pour repartir de zéro, comme si elle refaisait à nouveau un premier film, versant sombre (en mode mineur) de La vie d’Adèle.
Respire et La vie d’Adèle, c’est comme Smoking et No smoking. Si Adèle n’avait pas vu les cheveux bleus de la lumineuse Emma, mais avait flashé à la place sur une fille manipulatrice et vicieuse, se complaisant à humilier son prochain, elle se serait appelée Charlie (Joséphine Japy) et l’objet de son désir, Sarah (Lou de Laâge). Comme celui d’Adèle pour Emma, le coup de foudre de Charlie pour Sarah est sans appel, ni recours. Mélanie Laurent le fait apparaître d’un coup de pinceau à la fois délicat et ferme, qui lui sert également pour dessiner le caractère de Charlie, lycéenne sage, malhabile et moyennement portée sur les garçons. Le simple récit d’une première expérience sexuelle ratée, et le peu d’entrain de Charlie pour lui donner une suite, suffisent pour exprimer la possibilité de l’homosexualité ; de même que la seule réplique « Je te déteste pas, je déteste quand je suis pas avec toi » résume une fois pour toutes l’état d’amour fou de Charlie. Il ne sert à rien de tenter de l’expliquer, de le maîtriser. Il s’impose à nous, pour le meilleur et pour le pire.
Le seul but de Respire est de décrire le cheminement de son héroïne vers sa fin cruelle. Avoir un objectif unique et s’y tenir avec sérieux est le propre des premiers films ; parvenir à le faire de manière forte et sensible la marque des bons premiers films. Même s’il compte quelques points noirs eux aussi caractéristiques des débutants (ainsi cette volonté superflue d’expliciter par le verbe des profs de lycée ce que leurs élèves vivent en pratique en dehors de la salle de classe), Respire se range dans la catégorie des bons éléments, méritant les encouragements du conseil de classe. Pour ses montages bien pensés qui marquent la soudaine accélération des sentiments passionnels, qu’ils soient d’attraction ou de répulsion. Puis, une fois l’état des émotions provisoirement stabilisé, pour ses scènes qui prennent plus leur temps, afin de sonder ce qui se trame réellement derrière les comportements de façade. Et qui font alors surgir avec force un baiser suivi d’une gifle, une menace proférée avant la bonne année, un mensonge révélé devant tout le monde ; autant de collisions qui remettent tout en branle. Jusqu’à la dernière d’entre elles, qui mettra tout et toutes à terre.
RESPIRE (France, 2014), un film de Mélanie Laurent, avec Joséphine Japy, Lou de Laâge, Isabelle Carré, Carole Franck. Durée : 91 min. Sortie en France le 12 novembre 2014.