CANNES 2014 : les 10 règles à suivre pendant le festival
Le festival de Cannes, c’est une Croisette, des paillettes et de grands films. Mais c’est aussi et surtout un parcours du combattant. Pour en profiter au mieux, voire seulement pour y survivre, il convient de suivre certaines règles…
#1 Ne se fier à personne
Cannes, ce sont 6 sections parallèles et des poussières. Soit une centaine de projections entassées sur 10 jours, sans compter le Marché du film. Réussir à ne rien rater de son programme préétabli est impossible. Une rumeur voudrait qu’un festivalier y soit parvenu l’année où Scorsese reçut la Palme. Mais plus personne depuis, la surabondance de films pouvant vous contraindre à faire des choix regrettables. Un film que vous comptiez voir peut en venir à sauter du programme parce qu’une vague connaissance vous le déconseille à la sortie de la première projection. Des mois, voire des années plus tard, vous le découvrez enfin et… c’est un chef d’œuvre. Alors vous maudissez la personne responsable de ce loupé. Exemple très personnel : «N’y vas pas, c’est nul, il ne se passe rien du tout, au bout d’une heure une vache meurt, et c’est tout», déclare un jour de mai 2004 une andouille dont on taira le nom mais pas le crime : l’homme nous détourne alors de Tropical Malady d’Apichatpong Weerasethakul. Le découvrir deux ans plus tard, en DVD, ce n’est pas la même chose.
#2 Aller à l’ACID
Plus haut, était indiqué «6 sections parallèles et des poussières» : les sélections sont les suivantes : la Compétition, Un Certain Regard, la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique, Cannes Classics et l’ACID. Les poussières étant les films Hors Compétition, les Séances spéciales éparses, le cinéma de la plage, etc.. Personne ne peut vous blâmer si, au sein de cette énumération, l’ACID vous parle moins. Nettement moins médiatisée que ses concurrentes, la section date de 1993 seulement. Elle programme 9 longs-métrages choisis par cinéastes de l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion. Les films sont projetés aux cinémas Studio 13 et Arcades. Personne ne vous oblige à y aller, mais sachez seulement que Justine Triet, Sophie Letourneur, Ursula Meier, Serge Bozon, les frères Larrieu, Darezhan Omirbaev, Emmanuelle Cuau ou Lucas Belvaux y firent leurs armes, et que Guédiguian et Sokourov y ont aussi présenté plusieurs films.
#3 Aller au Marché
Chaque jour, dès l’ouverture du Palais des festivals, voire juste après la séance du matin, foncez au sous-sol du-dit Palais. A l’entrée du Marché du film, récupérez le programme du jour. Vos yeux parcourent alors à vive allure le tableau à double entrées, avec en abscisses les cinémas et autres chambres d’hôtel cannoises transformées en salles de projo pour l’occasion et en ordonnées, des horaires de projection. Vos yeux délaissent un temps ces informations pour se porter sur les cases centrales qui leur sont liées : les films du jour projetés au Marché. Beaucoup de longs-métrages tout neufs aux titres souvent inconnus invitent à se concentrer plutôt sur les noms des réalisateurs. Et là, tel «Kiyoshi Kurosawa» en 2013 avec Real ou «Harmony Korine» en 2009 avec Trash Humpers, vous pourriez bien y découvrir cette année le nouveau film fort d’un auteur ne l’étant pas moins, caché dans les arcanes oubliées du Palais.
#4 Pas de visionnage de chef d’œuvre à la télé la veille de votre départ pour Cannes
C’est la veille du festival, ous êtes prêt, tout est sous contrôle : le noeud pap n’est pas zappé mais votre ventre fait des noeuds, vos chaussettes sont roulées en boule mais vous avez toujours la boule au ventre. Rien de plus normal. Et l’estime de soi ? Dans les chaussettes, bien sûr, puisqu’à Cannes, à moins de présenter un film ou de posséder un badge presse blanc pastille, on est toujours le minus d’un autre. La Croisette vous tend néanmoins les bras. Il ne reste qu’une petite soirée maison avant de vous rendre sur place. Et là, l’erreur, l’erreur toute bête : vous regardez un film à la télé. «Tiens, j’ai jamais vu Van Gogh de Pialat…», «Tiens, si je me refaisais 2001…», «Tiens, Quick ressort l’Extreme Cheese !». Autant de délices suprêmes qui pourraient bien rendre plus fades les films cannois, tout frais et tout frêles, que vous allez découvrir les jours suivants. Attention à ne pas tomber dans l’excès inverse et regarder innocemment un nanar (Jamais le premier soir, à tout hasard), qui risquerait d’endommager votre rétine pour une bonne semaine.
#5 Voir le film de 8h30 ou faire la fête jusqu’à 8h29… il faut choisir
Dit comme ça, cumuler les deux expériences semble faisable : la nuit follement festive pourrait se prolonger, tout en douceur, par le visionnage d’un beau film de la Compétition. Vous êtes alors confortablement assis au dernier rang du Théâtre Lumière qui, heureusement, porte mal son nom ce matin-là. Le film commence, la fatigue rôde, mais vous tenez. Faux, mille fois faux. L’hydrocution est imparable. Passer d’une soirée sur les hauteurs cannoises, dansant sur Fujiya & Miyagi collé-serré avec Gael Garcia Bernal (ou un critique chilien lui ressemblant beaucoup), à la projection de Foxcatcher, par exemple, ne se fait pas si simplement. Deux solutions sont envisageables : soit vous dormez dès le générique de début et regrettez alors de ne pas avoir profité d’un lit, soit vous vous dopez. Après une nuit blanche, possiblement alcoolisée, boire un ou deux Red Bull juste avant la projo étant toutefois l’assurance d’une tachycardie d’autant plus malvenue lorsqu’elle se manifeste alors qu’une intense scène de lutte entre Channing Tatum et Mark Ruffalo se déroule à l’écran.
#6 Rester jusqu’au bout
De toutes les règles, c’est la plus connue des festivaliers. Faute d’avoir tout vu (cf Règle #1), les reprises des films de la Compétition le dernier dimanche sont précieuses. Cette année, le festival délivre son Palmarès un jour plus tôt, pour ne pas se télescoper avec les élections européennes, et ce sont donc pendant les deux jours du week-end qui se tiennent les séances de rattrapage. Les parisiens peuvent ensuite enchaîner avec des projections jusqu’à début juin au Reflet Médicis, à la Cinémathèque et au Forum des Images pour regarder les films manqués respectivement au Certain Regard, à la Semaine de la Critique et à la Quinzaine des réalisateurs. Ces projos sont aussi utiles pour les festivaliers chevronnés qui, chaque année, ont besoin de se désintoxiquer à petit feu.
#7 Les projections sont toujours la priorité… sauf s’il y a foot
Les films à Cannes priment sur tout. Aucune excuse (ou presque) ne tient pour louper une projection. Avoir de la famille dans le midi qui veut profiter de votre présence ? Désolé, c’est non. Faire un plouf rapide ? Non plus. Faire un détour à Marineland ? Encore non. Et la soirée mousse et moustache du vendredi à La Siesta de Cagnes-sur-mer ? C’est vrai que c’est tentant, mais c’est toujours non. Alors à quoi correspond ce «presque» ? Au foot. Comme chaque année, la finale de la Ligue des Champions tombe pendant Cannes, et la dernière journée de Ligue 1 aussi. Soit deux rendez-vous qui peuvent l’emporter sur n’importe quel film à suspense.
#8 Une fois à plus de 300 mètres du Palais, retirez votre badge
Comme mentionné plus haut (cf Règle #4), à Cannes vous serez toujours le minus d’un autre. On vous souhaite toutefois que seul le critique dépêché sur place par le New York Times et Thierry Frémaux himself osent vous prendre de haut pendant cette édition, mais quoi qu’il en soit, rien ne légitime de faire son intéressant sur la Croisette. Pour ce faire, un grand classique demeure le port de son badge d’accréditation en toutes circonstances : au resto, en soirée, sous la douche, en dormant, etc.. Et même si l’accred permet une réduction pour les séances de rattrapage, la porter autour du cou dans la rame de métro qui vous dirige vers le Reflet Médicis est un faux-pas de premier ordre.
#9 Ne pas se lever avant la fin d’un film
Comme la règle précédente l’insinuait déjà : il y a un temps pour le cinéma, et un temps pour le football. De fait, contrairement aux (mauvaises) habitudes que vous ayez pu prendre au Stade Bonal ou au Stade de France, il est inacceptable de se lever de son siège pour quitter le Théâtre Lumière à quelques secondes du terme d’une projection ; et ce, même si vous pensez avoir deviné qu’il s’agissait bien là du dernier plan du film et même si vous souhaitez éviter dix minutes d’embouteillages dans les escaliers vous menant à une projo contiguë de la Quinzaine ou à un en-cas exigu au bistro en face du Palais.
Cette règle est stricte, et repose sur trois principes :
1/ Un film se regarde jusqu’au bout, jusqu’à la première mention du générique de fin, minimum.
2/ Vous risquez d’avoir l’air fin en vous levant lors d’un fondu au noir… au moment où un nouveau plan ressurgit du néant. En 2013, les gros malins qui devaient visiblement croire qu’une année ne comportait que trois saisons, s’étant levés dès la fin du troisième acte de Jeune & Jolie, en rougissent encore.
3/ Debout dans l’allée, que vous soyez horripilé par le film qui s’achève ou non, vous êtes toujours moins investi dans le visionnage que celui qui, toujours assis dans son fauteuil, ne parvient pas à regarder convenablement les dernières secondes à cause de vous. Vous souvenez-vous du dernier plan d’Enter the void ? Et de The Tree of Life ? Parfaitement ? Eh bien sachez que certains festivaliers ne les ont jamais vus, eux. Alors, par pitié, cette année, restez assis.
#10 Dites «Sochaux» !
Si vous le pouvez, ne parler pas de «Cannes» pendant Cannes. Que vous soyez au téléphone ou sur Twitter, dites plutôt que vous êtes au festival de Sochaux. En plus d’un hommage distingué au Football Club Sochaux-Montbéliard qui lutte avec panache pour son maintien en Ligue 1 cette année, cette appellation inattendue ménagera les susceptibilités de vos interlocuteurs. Ceux qui en ont ras la casquette d’entendre parler de Cannes apprécieront votre décision, et les déçus de ne pouvoir participer à l’événement loueront votre discrétion.
Vous avez tout retenu ? Alors c’est bon, vous êtes prêts pour #Sochaux2014. Nous vous souhaitons un bon festival !
Le festival de Sochaux se déroule du 14 au 25 mai 2014