MONUMENTS MEN : Clooney, l’art de rien

Durant la Seconde Guerre mondiale, une poignée d’hommes sillonne l’Europe pour retrouver les oeuvres d’art dérobées par les nazis. Prétextant de leur rendre hommage, Monuments Men est une chasse à la star et un mauvais traitement fait à l’art. Désastreux. 

Il ne faudra pas sauver le soldat Clooney. Son hommage est un ratage et une deuxième injustice faite à la mémoire de ceux qui ont été surnommés les « Monuments Men »… Une poignée d’hommes mandatés par Roosevelt part à la recherche des oeuvres d’art dérobées par les nazis pour les restituer à leurs propriétaires. Ils sont conservateurs et directeurs de musée, architectes, universitaires, archivistes. Le site web qui leur est dédié précise qu’ils venaient de 13 pays différents. Monuments Men n’en retient que trois : les Etats-Unis, l’Angleterre, la France. Encore faut-il préciser que les deux derniers n’ont qu’un seul représentant. La simplification est considérable mais on peut la comprendre. Elle allège le travail de Clooney qui n’aura pas eu à trouver la star de chaque pays. Au fond, c’est le seul horizon de Monuments Men : le trésor, c’est le casting, le monument, c’est l’acteur. Les potes de Clooney, chef de la bande, sont mobilisés pour l’occasion : Matt Damon, John Goodman, Bill Murray, Cate Blanchett et le petit nouveau Jean « Oscar du Meilleur Acteur » Dujardin, qui agrémente ses répliques américaines de malheureux « putain, merde, fait chier ».

Parent pauvre, l’art n’est envisagé que sous le seul angle du « capital », comme un titre de gloire ou de propriété, jamais pour sa valeur esthétique, émotionnelle : côté américain, le regard expert consiste à reconnaître des signatures, des marques (se contenter de voir Rothschild inscrit au dos d’un tableau pour s’assurer de son authenticité, trouver dans les cendres une plaque sur laquelle est écrit Pablo Picasso, etc.) ; côté nazi, le Führer attend que les objets volés garnissent son futur musée aux airs de tombeau. Qui trouvera l’art trouvera l’or (littéralement, des tonnes de lingots). Il y a ici autant de discours savants ou amoureux qu’il y avait d’humanistes dans le cercle des amis d’Hitler.

Monuments Men n’est finalement que ça : attrait du nom, name-dropping. C’est un film d’étiquette, à tous les sens du terme.

Dès le début, Monuments Men se sabote. Le groupe se défait aussi vite qu’il s’est formé. Quand il faut passer à l’action, le commando s’éparpille entre la France, la Belgique et l’Allemagne. Matt Damon croise Serge Hazanivicius et flirte avec une employée de musée interprétée par Cate Blanchett. En fait, c’est elle qui flirte avec lui : elle est Française (l’un des pires rôles de l’actrice). Après avoir partagé l’affiche dans The Artist, John Goodman et Jean Dujardin battent la campagne. Copinage. Ocean’s Eleven le dispute à Papa Schultz. Le comique troupier à la solennité. Aussi voleurs que les nazis, les alliés Russes sont devancés par la bande à Clooney. Et que trouvent-ils comme signe de leur défaite ? Le drapeau des États-Unis ! Ce patriotisme bas du front – parce qu’il ne célèbre pas, il nargue – a aussi cours dans la bande. Les deux européens quittent l’aventure. La victoire va pouvoir se savourer entre Américains. Le dernier exploit de Monuments Men, c’est de réussir à ringardiser Bill Murray. Ému par la voix de ses petits-enfants enregistrée sur un vinyle, Papy pleurniche, mais pas nous, Clooney se hâtant toujours de provoquer l’émotion avant même de nous familiariser avec ses personnages. Murray n’est jamais descendu aussi bas.

Monuments Men n’est finalement que ça : attrait du nom, name-dropping. C’est un film d’étiquette, à tous les sens du terme. Les « Monuments Men » de Clooney sont des touristes. S’ils opéraient aujourd’hui, ils iraient sur Wikipédia.

MONUMENTS MEN (Etats-Unis, 2014), un film de George Clooney. Avec George Clooney, Matt Damon, Cate Blanchett, John Goodman, Jean Dujardin… Sortie en France le 12 mars 2014.  

Nathan Reneaud
Nathan Reneaud

Rédacteur cinéma passé par la revue Etudes et Vodkaster.com. Actuellement, programmateur pour le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux et pigiste pour Slate.fr. "Soul singer" quand ça le chante.

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