AU REVOIR L’ÉTÉ de Koji Fukada

Chassé-croisé amoureux dans une station balnéaire et regard oblique sur l’après-Fukushima. Une comédie morale et douce-amère d’une grande finesse. Montgolfière d’Or aux Trois Continents 2013.

Sur le point d’entrer à l’Université, Sakuko passe la fin du mois d’août dans une station balnéaire avec sa tante Mikie. Elle y fait la connaissance de Takashi, débarqué de Fukushima qui a trouvé refuge dans un « love hotel » géré par son oncle Ikichi, lequel se trouve être l’amour de jeunesse de Mikie. Tout dans Au revoir l’été appelle la comparaison avec le film de vacances rohmérien. On peut en être agacé, de même qu’il y aurait à redire sur cette comparaison. Elle est facile mais elle convient à Koji Fukada  – « Au revoir l’été » n’est pas une simple traduction française mais bien le titre international – et en fait un cinéaste de la quotidienneté et de la comédie douce-amère aussi passionnant que l’autre disciple rohmérien Guillaume Brac (du moins en partie, si on compte Jacques Rozier comme l’autre influence majeure de Brac).

Curieusement, la romance n’est jamais consommée dans Au revoir l’été. Il n’y a que des désirs de romance ou des romances contrariées. On ne s’embrasse pas ou si peu (le baiser que Sakuko pose sur la joue de Takashi est innocent, celui qui est arraché à Mikie par son ami universitaire l’est juste un peu moins). En contrepoint de cette pudeur, le love hotel accueille de beaux moments comiques, comme avec ce conseiller municipal qui réclame la même chanson langoureuse pour se stimuler et accompagner ses ébats. La sympathie que Fukada attache à ce lieu critique indirectement l’hypocrisie qui règne dans la petite ville (connu de tous, l’hôtel attire la vindicte populaire), tout comme le regard oblique sur Fukushima participe d’un désir ou devoir de sincérité voire d’une certaine dureté de ton, assez surprenante pour un film de ce type. Takashi témoigne devant une assemblée de militants anti-nucléaire de son manque de solidarité vis-à-vis de ceux qui sont restés. Il ne repartirait là-bas pour rien au monde. Dans les conversations intergénérationnelles, il y a cette propension à dire à l’autre ses vérités (l’étudiante Katsuko qui n’épargne pas un professeur d’université antipathique de ses critiques et de ses sarcasmes) ou à laisser entendre qu’il aurait pu se tromper sur toute la ligne (Sakuko remettant en cause les choix de vie de sa tante).

Au revoir l’été est un conte de saison et un conte moral. Au cours du spectacle auquel assistent Sakuko et Takashi, un mime transforme en quelques gestes significatifs un ballon de baudruche. Tantôt l’objet est aérien, il a la légèreté d’une plume, il le ferait décoller du sol comme une montgolfière. Tantôt c’est une masse ronde aussi lourde qu’une boule de bowling. La scène résume bien les principales qualités de la comédie de Fukada : équilibre et variété de la palette émotionnelle, sophistication et finesse du trait, complémentarité entre petitesse du format (4 : 3) et narration au long cours (plus de deux heures). On aurait un titre plus international à lui proposer : Before l’automne.

AU REVOIR L’ÉTÉ  (Japon, 2013), un film de Koji Fukada. Avec Fumi Nikaidô, Mayu Tsuruta, Taiga, Kanji Furutachi. Durée : 125 min. Sortie en France indéterminée. 

Nathan Reneaud
Nathan Reneaud

Rédacteur cinéma passé par la revue Etudes et Vodkaster.com. Actuellement, programmateur pour le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux et pigiste pour Slate.fr. "Soul singer" quand ça le chante.

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