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Omar s’écarte des chemins battus sur la Palestine en traitant à égalité les engagements politique et amoureux, dans un drame construit autour des trahisons en cascade subies par l’un et l’autre.
Rentré du festival de Cannes avec le Prix du jury Un Certain Regard, Omar est un drame glaçant dans le propos, et fort dans le geste. Dans son scénario, l’auteur-réalisateur Hany Abu-Assad (révélé avec Paradise Now) compose une riche mosaïque amoureuse et politique, grâce à son parti pris de traiter les deux aspects à égalité. Ces deux formes d’engagement mêlent l’une comme l’autre l’intimité et la vie publique, les sentiments et la conscience, la réflexion et les pulsions. Comment s’empêcher d’être amoureux, ou de vouloir vivre libre dans son pays, sans subir l’occupation et les humiliations d’un autre ? Le premier drame est universel, le second se développe dans un territoire distinctement identifié – la Cisjordanie, de part et d’autre du mur haut de plusieurs étages érigé par Israël pour découper cette terre en tranches. Menés tous les deux de front, chacun nourrit l’autre de sa force : la lutte politique apporte au sujet de l’amour son ancrage dans un contexte concret, et inversement l’amour élève la lutte vers un état d’absolu.
Omar est l’un des quatre héros palestiniens du film : trois garçons qui ont fondé une cellule engagée dans la guerre clandestine contre l’occupant, sur le point de passer à l’action, et une fille, Nadia. Deux des trois garçons sont amoureux d’elle, le troisième étant son grand frère. Nadia est donc à la fois inaccessible et infiniment désirable, et le trio de résistants, uni dans leur combat au nom de la cause nationale, est sans le savoir déchiré par leurs aspirations sentimentales incompatibles. L’harmonie du groupe est fragile, et l’engrenage de trahisons qui va se mettre en route l’érodera jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Volontaires ou contraintes, abîmant la romance ou la rébellion, ces trahisons forment un récit tragique classique, au sens noble du terme, et pétrifiant à force de fatalisme. Les héros sont impuissants à empêcher la faillite de tout ce en quoi ils croient, et tout aussi impuissants à s’empêcher d’être eux-mêmes acteurs de cette faillite.
Sur ce canevas, la très belle tenue de la mise en scène d’Hany Abu-Assad assure la force du film. Omar est vif dans l’action (les escarmouches et poursuites avec les soldats israéliens, haletantes et limpides, bref réussies), sensuel dans le désir tant que ce dernier peut exister, mais il marque surtout par sa sécheresse. Celle-ci s’exprime principalement par le biais des ellipses cassantes qui scandent le montage, au sein des séquences ou pour provoquer leur terme. Elles viennent brusquer le surgissement des drames, et fermer tout espoir de leur échapper, soulignant de la sorte l’inéluctabilité du destin qui étrangle les personnages dans cette puissante variante palestinienne de la série Homeland – ou plutôt de sa grande sœur israélienne Hatufim, au vu de la localisation géographique d’Omar.
OMAR (Palestine, 2013), un film de Hany Abu-Assad, avec Adam Bakri, Waleed Zuaiter, Leem Lubany . Durée : 97 minutes. Sortie en France le 16 octobre 2013.